Pauline Marois a la pensée positive contagieuse. On croirait presque qu’elle a lu Le secret… Sa victoire dans Charlevoix, la remontée du PQ dans les sondages et son entrée à l’Assemblée nationale sont autant de bonbons pour un parti malmené depuis des années.
Pauline Marois dit même sentir un "retour au bercail des souverainistes". Belle phrase, quoiqu’un peu vide de sens. Car elle aura beau dire qu’elle ne veut plus parler de "mécanique" référendaire, tout le monde, même Ségolène Royal, a compris: si le PQ prend le pouvoir, il n’y aura pas de référendum. Il est même acquis que la plateforme n’en promettra aucun.
Lorsqu’on lui demande en quoi sa position diffère des "conditions gagnantes" de Lucien Bouchard, Mme Marois répond qu’elle parlera du "pays", fera "avancer le Québec" et attendra que le peuple soit "prêt" pour un référendum. C’est drôle, mais j’ai l’impression que M. Bouchard dirait que c’est exactement ce qu’il croit avoir fait.
UN PQ À L’IMAGE DU QUÉBEC
Une fois la "mécanique" référendaire écartée, que restera-t-il? Probablement un PQ à l’image du Québec actuel: un Québec qui se cherche, en désintox de ses grands rushs d’adrénaline politique qui l’ont galvanisé pendant 40 ans, mais qui sent que quelque chose de lui-même et de son avenir lui échappe.
C’est aussi un PQ qui serait fou de joie d’un retour tranquille aux affaires de l’État. Question de savoir qu’il est toujours dans la game, même s’il doit oublier son Article 1 pour mieux refléter l’opinion.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps – je m’excuse pour la nostalgie -, on demandait aux partis politiques de prendre les devants, de risquer, de "créer" l’opinion et le mouvement par leur propre force de persuasion et d’action. Aujourd’hui, on leur demande d’être à l’"écoute", d’être le miroir d’une opinion qu’on laisse à elle-même, mais qu’on ausculte frénétiquement pour y puiser des "opinions" que les partis recyclent en programmes. Les chefs attendent que le peuple leur montre la direction. Et non l’inverse.
Même Stephen Harper, Monsieur Décision, aura séduit bien des Québécois non par ses idées réelles sur la Belle Province, mais avec celles que lui donnaient des focus groups menés ici.
Comment s’étonner que le PQ respire, lui aussi, ce même air du temps?
EN ATTENDANT GODOT
Et puis, il y a la realpolitik. L’élection du 26 mars a fait mal au PQ, l’ADQ lorgne le pouvoir, et le PLQ est en ballottage. Pas surprenant que les péquistes se contenteraient de l’Opposition officielle, espérant AU MIEUX former un gouvernement minoritaire.
Parler de référendum dans de telles circonstances doit leur sembler tenir de la folie furieuse.
Sauf qu’au-delà de la realpolitik, il y a l’"autre" réalité, celle de l’engagement, de l’espoir et du rêve – le vrai carburant de ce parti. Depuis 1996, à coups de "réalisme", à tort ou à raison, les chefs du PQ ont jeté la serviette sur la RÉALISATION de leur projet. Évidemment, sans le dire ouvertement.
Mais à force de vider le PQ de son carburant, ce "réalisme" est devenu, comme disent les Anglais, un self fulfilling prophesy – une chose qui se réalise à force de ne voir qu’elle. Résultat: le jupon référendaire ne dépasse plus. On parle du "pays" pendant qu’on l’attend. C’est ça, la normalisation du PQ.
Mme Marois et ses conseillers, qui ont été de l’école réaliste sous Bouchard, savent comment ça marche. La chef et les députés parleront donc beaucoup du "pays" pour que les troupes ne s’inquiètent pas trop. Seule différence: on reparlera aussi d’"identité" et de "langue", comme pour expier les péchés du PQ qui les avait jetées à la poubelle comme du poisson pourri.
Sur la question nationale, c’est frappant de voir à quel point le PLQ, le PQ et l’ADQ sont tous en attente de quelque chose qu’ils n’osent pas provoquer. Traumatisés par l’échec de Meech et face à un Canada anglais rendu ailleurs, les libéraux sont réduits à "souhaiter" une reconnaissance constitutionnelle du Québec, "un jour", "lorsque le fruit sera mûr".
L’ADQ, avec son autonomisme au sein du Canada, voudrait faire ceci et cela, mais sans tenir un référendum pour mieux rapatrier les pouvoirs dont il rêve, de peur de créer un nouveau psychodrame national.
Quant au PQ, il attend que le peuple lui commande un référendum sur la souveraineté comme on commande une pizza.
Mais pas de chance. Pour le moment, ce bon peuple, sur qui Jean, Pauline et Mario comptent tant pour leur montrer un chemin qu’ils n’osent plus définir, est occupé à autre chose. Fort bien diverti par la Commission Bouchard-Taylor, il fait dans l’introspection identitaire. C’est vachement "in". On ne sait trop à quelles fins, mais ça occupe.
Eh oui. Le "Nous" québécois est revenu à la mode. Dommage que les partis politiques, pour le moment, ne sachent plus trop quoi en faire ni où l’amener.