Pauvre Jean Charest. Dès la première période de questions, le président de l’Assemblée nationale lui a confisqué sa principale stratégie de communication contre Mario Dumont: le traiter de girouette dans l’espoir que ça prenne dans l’opinion publique.
Eh oui! À la fin d’une période de questions où le premier ministre et ses ministres ont répété ad nauseam le mot "girouette" – le tout culminant sur une envolée peu édifiante où M. Charest a traité le chef de l’ADQ de "girouette nationale du Québec" -, le président a exigé que le PM retire ses propos "anti-parlementaires et blessants"!
Estomaqué, M. Charest a tout d’abord refusé de le faire, puis a tenté de ridiculiser l’ordre du président en badinant. Puis Jean-Marc Fournier s’est obstiné, disant que le mot "girouette" était dans le dictionnaire, mais pas dans la liste des expressions anti-parlementaires, etc. Ça n’en finissait plus de finir.
Disons que le moment ne faisait rien pour enlever à la période de questions son petit côté "cour d’école".
Les libéraux trouveront évidemment bien d’autres manières de dire que Dumont change d’idée comme il change de chemise. Mais il fallait quand même voir M. Charest, penaud comme un élève qui vient de manger un coup de règle sur les doigts, réaliser tout à coup qu’il ne pourrait plus traiter Mario de girouette.
C’est qu’en le discréditant personnellement, les libéraux cherchent à refaire à Dumont le même coup qu’ils avaient fait à André Boisclair lorsqu’ils martelaient que le chef du PQ était "immature" et "manquait de jugement".
Leur mantra avait bien fonctionné parce qu’il était vrai. Boisclair manquait VRAIMENT de maturité et de jugement. Par contre, face à Mario Dumont, la stratégie est plus risquée. Sa popularité est plus solide et combien d’électeurs verront Dumont comme étant nécessairement plus girouette ou opportuniste que les deux autres chefs?
LE RETOUR DE PAULINE
En voyant un PM "picosser" son adversaire de manière aussi superficielle depuis des mois plutôt que d’y aller sur le fond des choses, on se prend à rêver que l’arrivée de la première femme chef de parti apportera un peu plus de sérieux aux débats en Chambre. Mais ce n’est qu’un rêve…
N’empêche que sur ce même fond des choses, Mme Marois devra maintenant livrer un contenu. Il faudra aussi voir comment elle s’y prendra pour ramener les souverainistes au PQ alors que l’outil de mobilisation qu’est le référendum a été écarté. Faisable mais compliqué et nettement moins enthousiasmant.
Jacques Parizeau pense qu’elle ramènera "la paix et la stabilité" dans un parti malmené depuis des lunes. Ce serait déjà beaucoup. Mais son unique offrande d’un "bon gouvernement" ne sera bien reçue que si les politiques qu’elle proposera seront autre chose qu’une copie carbone du programme adéquiste.
Dans son premier discours en Chambre comme chef, elle affectionnait particulièrement les mots "solidarité" et "société juste". Mais le couplet suivra-t-il le refrain? Par exemple, le PQ passera-t-il le test de la "solidarité" en proposant des moyens concrets pour stopper la privatisation croissante du système de santé ou suivra-t-il la parade derrière le PLQ et l’ADQ?
Quant à la fameuse question identitaire, le PQ aura beau disputer ce terrain à Dumont, sans souveraineté dans sa besace, le risque est qu’il se condamne à un certain repli nationaliste pour mieux compenser ce vide.
L’HERITAGE BOISCLAIR
J’y pense et je vous reviens là-dessus…
L’ENFER, C’EST LES AUTRES
Parce que je vous aime, je vais vous sauver beaucoup de temps et d’argent. Je vous offre, gratos, un résumé des autobiographies actuelles et futures d’anciens chefs de parti.
Jean Chrétien: C’est pas ma faute, c’est celle de Paul Martin et de la commission Gomery.
Paul Martin: C’est pas ma faute, c’est celle de Jean Chrétien et de la commission Gomery.
Brian Mulroney: C’est pas ma faute, c’est celle de Lucien Bouchard et de Pierre Trudeau.
Lucien Bouchard: C’est pas ma faute, c’est celle de Brian Mulroney, des "purs et durs" et de Jacques Parizeau.
Bernard Landry: C’est pas ma faute, c’est celle de Pauline Marois, de mes conseillers et des méchants journalistes.
André Boisclair: C’est pas ma faute, c’est celle de Bernard Landry, des Justiciers masqués, du programme du PQ, des "purs et durs", des syndicats et des méchants journalistes.
Bref, tous d’éternels incompris, immaculés et innocents comme une première neige virginale! À ce petit jeu de blâme, Brian Mulroney a tout de même été le seul à s’en prendre aux chefs d’AUTRES partis, plutôt qu’à ses propres prédécesseurs ou successeurs. Alors qu’au PQ et au PLC, c’est toujours "en famille" qu’on pratique le tir d’élite.
Comme quoi, en politique, les adversaires sont toujours en face, mais les ennemis sont souvent derrière…