Voix publique

L’industrie de la santé

Derrière les deux sommets "secrets" sur le privé dans la santé et le comité de Claude Castonguay se cache le sacrifice qu’on s’apprête à faire du bien-être des générations à venir.

Lorsque nos élites financières et politiques mangeront paisiblement les pissenlits par la racine après nous avoir laissé le cadeau empoisonné d’un système de santé à vitesses multiples, ce seront les moins de 40 à 50 ans d’aujourd’hui et leurs descendants qui, dès qu’ils seront malades, en subiront les conséquences.

Ils paieront le gros prix pour le silence complice des élus et la cupidité des milieux d’affaires voulant faire de la santé une INDUSTRIE, une business, une formidable manne à profits.

On parle d’un État prêt à dépenser dans des cliniques privées "affiliées" à but lucratif plutôt que dans des cliniques publiques ou dans l’ajout de temps de chirurgie pour les hôpitaux. On parle d’un État disant ne pas voir la multiplication des médecins-actionnaires-gérants de cliniques privées spécialisées en tests de tous genres ou leurs collègues pressant leurs patients de passer par ces mêmes cliniques.

Et de nous répéter leur mensonge pour justifier le tout: il n’y a pas assez d’argent pour le système public. Le gouvernement Charest lève pourtant le nez sur 2,5 milliards de dollars par année en refusant de récupérer les deux points de TPS libérés par Ottawa. C’est 25 milliards en dix ans! De quoi tenir le système public dans une santé resplendissante.

On parle aussi d’un recours accru aux assurances privées – un miroir aux alouettes qui, tel Moïse devant la mer Rouge, séparera les patients entre l’assuré et le non-assuré. Le premier verra un médecin plus vite. Mais dès qu’on lui diagnostiquera une bibitte exigeant des soins coûteux, le piège à cons se refermera sur lui. Pour protéger ses profits, la compagnie deviendra séraphine, dictera quel médecin il peut voir, combien de fois et à quelle procédure il aura droit ou non! S’il vieillit, plus à risque, ses primes grimperont. S’il vient à coûter trop cher à la compagnie, il sera désassuré.

Ceux qui pensent que les assurances privées leur donneront un accès privilégié aux soins tomberont de haut. Dans un système public, les médecins décident des soins à prodiguer sans égard aux revenus du patient. Avec des assurances privées, la compagnie tranche.

Et n’oublions ni la cannibalisation du personnel public par le privé, ni les services sociaux où il y aura aussi de l’argent à faire. Il y aura le GROS privé – les compagnies gérant des centres d’hébergement et des soins à domicile. Mais il y aura aussi les "parqués" dans le PETIT privé – des personnes âgées ou handicapées physiques ou intellectuelles envoyées en résidences et "familles d’accueil" privées qui, se multipliant comme le souhaite l’État, seront peu ou mal supervisées. Pour maximiser leurs profits, combien rogneront sur les soins, la nourriture et l’hygiène?

Vous croyez que c’est de la propagande de gau-gauche? Si oui, prenez garde. Vous avez peut-être acheté la manipulation de ceux qui encouragent cette désolidarisation et ont court-circuité le débat en imposant un vocabulaire qui les favorise.

Ces mêmes auto-étiquetés "lucides" et "pragmatiques" aiment aussi discréditer leurs opposants en les traitant d’apôtres de l’immobilisme, de syndicaleux ou de gau-gauche du Plateau. Des "lucides" refusant pourtant de reconnaître leur propre idéologie néoconservatrice…

DE QUELLE "IDENTITE" PARLE-T-ON?

Mais qui contrôle les mots finit par conditionner l’opinion. Face à un discours omniprésent montrant le privé comme inévitable et bienfaisant, comment s’étonner que tant de Québécois s’y disent favorables?

Le PLQ, le PQ et l’ADQ se disputent le hochet de l’IDENTITÉ et des VALEURS. Mais il en restera quoi si la santé redevient un privilège et non plus un droit?

Alors que des millions d’États-Uniens nous envient notre système de santé, quelle ironie de voir nos élites aussi empressées de l’américaniser! Mais il n’est pas trop tard. Suffit de refuser les étiquettes, de défendre le système public et d’en exiger autant des partis traditionnels – Québec solidaire ayant pris position.

La question est claire: veut-on vraiment d’une industrie de la santé? Une expression antinomique, s’il en est une…

ALLEZ VOUS FAIRE VOIR

Alors, vous aimez ça les gouvernements minoritaires ? Vous croyez qu’ils gouvernent mieux? Vous voulez la proportionnelle, laquelle reproduirait ce pattern à satiété? Nenni. Les deux parlements sont réduits à l’état de joujou pour partis cherchant à se "faire voir". À Québec, que ce soit le PQ avec son projet de loi sur l’identité et ses t-shirts, ou l’ADQ avec sa motion de censure, c’est le même combat: occuper l’espace médiatique. Qu’on parle d’eux en bien ou en mal, que le manque de sérieux généralisé discrédite le rôle d’élu, l’important est qu’on parle d’eux. Misère…

En situation minoritaire, on gouverne peu et les électeurs sont condamnés à vivre en étant perpétuel de pré-campagne électorale. C’est plate à dire et c’est politiquement incorrect, mais un gouvernement a besoin de la stabilité d’une majorité pour faire sa job, bien ou mal.