C'est vraiment dommage. Les sorties de certains kids Kodak notoires du PQ et les remontrances de Pauline Marois ont éclipsé des propos importants de Jacques Parizeau.
Pourtant, il a fait une déclaration spectaculaire: Québec inc. n'existe plus! (Québec inc. est ce groupe de grandes entreprises et institutions financières qui, grâce aux gouvernements québécois depuis 1960 et à des hommes comme Parizeau, était notre force de frappe économique.)
Que l'un des principaux géniteurs de Québec inc. en constate la mort clinique, ce n'est pas rien! Cette mort, c'est la fin d'un réflexe de solidarité de ces entreprises qui, au moins de temps en temps, prenaient en compte dans leurs choix les intérêts de l'économie québécoise. Pas seulement les leurs.
Inquiet de la vente à des intérêts étrangers des Alcan, Domtar et autres, M. Parizeau pointe aussi l'inaction de la Caisse de dépôt et placement – le fameux bas de laine des Québécois, qui gère plus de 250 milliards $.
Le mandat de la Caisse est double: chercher un rendement optimal du capital de ses déposants et contribuer au développement économique du Québec. Mais en investissant trop peu ici, la Caisse semble négliger la seconde partie au profit de rendements immédiats.
Un exemple: la Caisse détient des parts dans une cinquantaine de banques à travers le monde, mais aucune à la Banque Nationale! Cet automne, Mario Dumont notait aussi que "le Québec ne compterait que pour 15,7 % de l'actif total des déposants géré par la Caisse", dont seulement "8 % sont directement investis dans notre économie".
LA MORT DE QUEBEC INC.
Cette désolidarisation de Québec inc., M. Parizeau la voit aussi dans ce qui se passe à la Bourse de Montréal: "La Bourse de Toronto ACHÈTE la Bourse de Montréal. Toutes ces histoires de fusion, c'est de la poudre aux yeux. Là, on voit Québec inc. éclater!" Ouf…
M. Parizeau d'expliquer à Radio-Canada: "Il s'est passé quelque chose de curieux. Desjardins a vendu ses actions de la Bourse de Montréal et s'est mis à travailler pour la Bourse de Toronto comme conseiller financier. (La Banque Nationale conseillant la Bourse de Montréal.) Pour la première fois, on voyait un groupe de sociétés qui habituellement travaillaient ensemble, dans une optique québécoise, se déchirer."
Dans un texte paru dans le magazine de l'Université de Sherbrooke – Tout est-il à vendre? -, il notait que s'il est normal que des entreprises en achètent d'autres, les États doivent quand même agir pour conserver les grands centres de décision. C'est un problème qui se discute dans la plupart des grandes capitales, incluant Ottawa, beaucoup moins à Québec…
Quant à la Caisse de dépôt, se pourrait-il aussi que l'arrivée prochaine et massive à la retraite des baby-boomers exerce une pression telle sur la Caisse qu'elle cherche surtout des rendements maximaux à court terme ? Le problème, c'est qu'en oubliant d'investir plus ici, quitte à avoir parfois des rendements plus bas, on sacrifie une partie de notre sécurité économique à long terme, donc celle des générations suivantes.
Mais pour ce qui est de la mort de Québec inc., il faut aussi dire que de plus en plus, ici comme ailleurs, l'important est de faire du fric. Beaucoup de fric et rapidement. On perd Alcan? Pas grave, quelqu'un fait du fric. On veut faire Rabaska en détruisant une partie de notre patrimoine? Pas grave, quelqu'un fera du fric. L'argent n'a pas de frontières. Même plus chez Québec inc., et ce, même s'il fut nourri à notre mamelle collective! Mais ce fric, seulement quelques personnes en profiteront. Et notre économie ? Beaucoup moins.
QUI VA S'OCCUPER DE LA BOUTIQUE?
Et "qui va s'occuper de la boutique?" se demande Parizeau. "Qui va consolider ici des centres de décision aussi importants que la Banque Nationale" ou nos sièges sociaux? Sacrée bonne question…
Mais il garde quand même espoir: "peut-être qu'un jour il y aura un certain nombre de gens qui diront que le gouvernement a encore des responsabilités à l'égard de l'économie, qu'il doit travailler avec les gens d'affaires pour ORIENTER les choses. Mais il faut qu'à ce moment-là, on ait gardé les outils nécessaires. Il y a un proverbe polonais qui dit que le couvent dure plus longtemps que la supérieure!"
On a plusieurs instruments pour agir, mais, écrit-il, "il faut s'en servir avec précaution, sinon avec parcimonie, en envoyant des messages clairs aux milieux d'affaires quant à ce que l'intérêt public semble demander. Il ne faut surtout pas imaginer qu'en s'engageant dans cette voie, on manifeste une forme de protectionnisme attardé. On s'adapte plutôt au fonctionnement du capitalisme d'aujourd'hui, système dans lequel les États sont d'actifs participants. Ce n'est pas facile de jouer un vrai rôle sur la scène mondiale et de favoriser, en même temps, la prospérité du pays. Mais c'est un beau défi".
Au-delà des partis, Jacques Parizeau, c'est le dernier des Mohicans. Alors que le Québec flotte sans trop de direction, ni rêve collectif, son analyse est en fait un avertissement. On aurait tort de l'ignorer.
La critique de monsieur Parizeau est tout à fait pertinente mais elle doit aller plus loin dans l’explication. Québec Inc a été dévoré par Mondial Inc, le capital financier.
Comme la fable DeLafontaine « Les animaux malades de la peste », il est écrit que « tous étaient atteints mais ils n’en mourraient pas tous. La peste économique, c’est la rapacité du capital financier à gonfler à court terme les profits et dividendes. Le scandale, en France, de la Société Financière (une des trois principales banques) est le parfait exemple de cette folle mondialisation.
Un trader de la Société Financière, Jérôme Kerviel, est devenu le bouc émissaire comme l’âne dans la fable. On l’accuse d’une fraude 4,9 milliards d’euros alors que la banque annonce, en même temps des pertes de plus de 7 milliards. Il est vrai que monsieur Kerviel a acheté des produits dérivés (principalement liés à des indices boursiers européens) pour une valeur de 50 milliards d’euros. Il a poussé la logique du profit à risque à sa limite. Pourtant, en 2007, il avait rapporté à la banque plus de 1,4 milliard avec le montage d’opérations boursières similaires. Tous reconnaissent que monsieur Kerviel n’a pas profité personnellement de ses transactions. Après avoir découvert les pertes en janvier, les patrons de la Société Financière en ont profité pour dire que la banque avait été victime d’une fraude de 4,9 milliards d’euros de la part de son trader. Or, il s’avère que les pertes se chiffrent à plus de 7 milliards et qu’elles seraient le résultat de la crise des subprimes aux États-Unis et en Europe.
Pensez-vous que les banques canadiennes, Desjardins et la Caisse de dépôts et placements ont agi de façon différente ? Non, impossible. Les mêmes dérives idéologiques conduisent ses patrons à agir comme des moutons de panurge. L’appât de gains faciles dans cette dérèglementation boursière et financière, les a lancé dans l’aventure des subprimes surtout dans le champ des hypothèques. Ces papiers financiers adossés à des prises de position risquées étaient trop alléchants (gros rendements) pour que nos banquiers n’y participent pas. Depuis des mois, les banques annoncent des pertes liées à ses papiers. La « Federal Reserve » a abaissé son taux d’escompte à deux reprises pour calmer le jeu. La Banque du Canada a commencé le même manège. Pendant ce temps, le Québec se désindustrialise, les classes moyennes s’appauvrissent.
Il faut de poser la question suivante : comment expliquer que les autorités politiques laissent les institutions financières agir seules, pour mettre en place un système de contrôle qui, de toute évidence, ne fonctionne pas ? Cette impuissance politique en dit long sur, sinon sa connivence avec le capital financier, du moins sur le pouvoir impérial des banquiers, C’est un cri du cœur que lance monsieur Parizeau, mais le ver est dans la pomme. La société réelle doit reprendre tous ses droits face à cette économie virtuelle prédatrice. Monsieur Kerviel a pris aux mots les attentes de ses patrons. Le simple plaisir du jeu dans cette mondialisation-casino semble avoir été son seul motif. Pourtant d’autres profitaient de la naïveté ou du cynisme des traders pour engranger des profits surréalistes. Quelqu’un a sonné la fin de la récréation. À la Société Financière, le PDG Daniel Bouton va garder son « job » mais le conseil d’administration lui a donné tous les pouvoir pour sévir contre les fautifs. Il désignera quelques boucs émissaires, ces ânes par qui venaient tout le mal.
Le Québec Inc est mort de la rapacité de ses dirigeants. Jacques Parizeau est bien le dernier des Mohicans ou le dernier dinosaure, mais, à part vous, qui se préoccupe de ses propos ? Depuis plusieurs années, les médias en ont fait une figure politique supposément dépassée, alors qu’il a été l’un des plus grands serviteurs de l’État et du peuple québécois. En plus de noyer le message, on a tué à petits coups le messager. Cette hargne des médias contre l’homme aurait dû nous ouvrir les yeux…
Noam Chomsky, qui a lui aussi étudié le phénomène dénoncé plus haut, suggérait l’interdiction des spéculateurs uniquement à la recherche de profits rapides. Il suggérait l’admission à la Bourse d’investisseurs et uniquement d’investisseurs, comme cela était le cas avant. Ainsi, toute transaction à but lucratif immédiat ou rapide serait interdite, imposible. On obtiendrait une stabilité certaine qui calmerait le jeu.
Pour atteindre cette cible, il faut de hommes, des individus qui voient loin et s’intéressent aux objectifs à longs termes. Des hommes d’envergures, et non pas des petites pointures intellectuelles comme ceux qui s’activent, sévissent en ce moment.
Seule la volonté politique pourra changer la donne.
Pour ce qui est de Québec Inc, peut-être que les capitalistes québécois se sentent les reins assez solides pour négliger leurs arrières et s’attaquer à la planète tout entière, comme le font les américains, les français, les chinois, les japonais, etc. Qui sait?
Cela dit, je crois que les propos de M. Parizeau sont valables et ne peuvent être balayés du revers de la main. M. Parizeau n’est pas un deux de pique…
Bien que favorable à l’indépendance politique du Québec, je n’ai jamais été un fan de Jacques Parizeau.
Son approche trop stratégique, trop changement de couleur sur la map, et pas assez « changement d’attitude et renouvellement constitutionnel prometteur » – même si ça ne m’a pas empêché de voter OUI en 1995 – m’a toujours embêté.
Alors, lorsque j’ai entendu sa fameuse déclaration sur « le vote ethnique et l’argent »… je n’ai pas très bien compris la seconde allusion, justement.
Car pour moi, monsieur Parizeau m’est toujours apparu comme le banquier de l’indépendance. Celui qui réduit (et non pas résume) l’idée à la suppression d’un rapport d’impôt combiné à une recentralisation du pouvoir de dépenser vers une autre capitale nationale déconnectée des réalistés du reste de l’État québécois.
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Cela étant dit, une bonne partie du problème du discours souverainiste made in PQ est là : on a retiré tout ce qui est porteur d’innovation constitutionnel dans le projet d’indépendance.
D’ailleurs, j’ai toujours été surpris de VOIR à quel point le travail de rédaction de la future constitution était traité de manière tout à fait « indivualiste » et négligée lorsqu’elle était entre les mains d’un seul homme : Daniel Turp.
Vous savez, embarquer dans un Québec souverain imaginé par un « Passe-Montagne » juridique inconscient de la portée vitale d’un texte charnière comme l’édification de la constitution d’un nouvel État en Amérique du Nord me semble être un non-sens total.
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Enfin, tout ça pour dire qu’il n’y a pas que l’aspect économique dans la vie – même si cet aspect est vital et ne doit jamais être négligé – , il y a aussi, surtout, une opportunité de renouvellement du rôle, de la place et de l’influence de l’État sur l’environnement, la citoyenneté et le Droit international qui doivent être clairement remis à l’ordre du jour.
Car, contrairement à ce que certaines personnes pensent, ce n’est pas en posant une question claire que nous aurons un verdict populaire clair et convaincant. C’est lorsqu’on proposera un ensemble d’initiatives politiques attrayantes répondants à des défis extrêmement importants que le discours d’indépendance prendra son véritable essor et élargira par le fait même sa fameuse « base électorale » lors d’un éventuel et inévitable troisième référendum.
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En attendant ce jour fatidique, je crois nécessaire de rappeler – afin de ne pas réduire injustement tout le travail de Jacques Parizeau à quelques paroles indignes de sa personne et de son statut d’ancien premier ministre « HONORABLE » ; je crois que son entrevue donner à Jobboom récemment dans le numéro de novembre 2007 à janvier 2008 représente le point de vue le moins complaisant envers les babyboomers et le plus perspicace quant aux lacunes de ceux-ci face aux défis qui s’offrent encore à eux et au reste de la société québécoise afin que nous entrions enfin dans une dynamique nouvelle correspondant mieux au XXIe et s’inspirant plus efficacement des valeurs un peu plus traditionnelle, certes, mais correspondant parfaitement au type d’effort soutenu qui nous attend si NOUS voulons survivre à notre surconsommation débridée dénuée de bon sens.
http://carriere.jobboom.com/marche-travail/dossiers-chauds/2007/11/14/4655124.html
Dans le roman de Cooper, Tchingachgook dernier des Mohicans, était appelé le « gros serpent » par les Français, parce qu’il comprenait la nature tortilleuse du comportement humain et pouvait frapper soudainement et fatalement.
M. Parizeau a failli misérablement dans son ambition d’amener le Québec à l’indépendance, on peut même dire que depuis son discours de 1995, son rêve n’a jamais paru si inatteignable. Le fameux Québec inc. n’a jamais été plus qu’une chimère, quelque dizaines de capitalistes québécois se sont enrichis avec son régime d’épargne actions, la plupart vivant en Floride maintenant.
Mme Legault laisse sa nostalgie du bon vieux temps trop influencer son évaluation d’une carrière politique relativement modeste. Rêve-t-elle de renommer l’avenue du Parc en l’honneur de son héros si chéri?