Voix publique

Raconte-moi une histoire

Quelque part en 2022, une grand-mère discute avec son petit-fils de 17 ans, tout juste entré au cégep "Pauline-Marois" – un collège privé bilingue de renommée internationale.

François: Grand-maman, c'était quoi, ça, le PQ?

Grand-mère: Pourquoi tu me demandes ça?

François: L'autre jour, j'ai entendu un prof dire à un autre: "Te souviens-tu du porte-à-porte qu'on faisait pour le PQ?" Mais comme le cours d'histoire du Québec a été remplacé par le cours commandité par Bombardier, "Une province mondialisée 101", on ne sait plus ce qui s'est passé avant.

Grand-mère: Bon. Comment te dire? Le PQ, c'était le Parti québécois. Fondé en 1968 par René Lévesque, il a pris le pouvoir en 1976 en promettant de tenir un référendum pour un Québec souverain, mais associé au Canada.

François: Voyons donc! On peut pas se divorcer et rester mariés! Tout le monde sait ça.

Grand-mère: Je sais, mon amour. Mais c'était comme ça dans ce temps-là. On voulait faire ça par "étapes". Mais le PQ a quand même perdu son référendum. Puis, Lévesque est allé à Ottawa pour négocier la nouvelle constitution de Pierre Trudeau. Le problème était que le principal conseiller de Lévesque était un informateur payé par la GRC, la police du fédéral, un dénommé Claude Morin. On s'est fait avoir, mon chou!

François: Holy shit! Excuse-moi, il faut que je pratique mon anglais. Et ensuite?

Grand-maman: Le PQ en a mangé toute une. Un certain Johnson est devenu chef. Comme il ne voulait plus parler de souveraineté, les péquistes l'ont "putsché". Jacques Parizeau l'a remplacé en 1988.

François: Ça me dit rien, ce nom-là.

Grand-mère: C'est sûr, mon chéri. On a effacé son nom du manuel obligatoire de science politique commandité par la Bourse de Toronto. Cet homme-là, imagine, il se disait carrément indépendantiste. Un homme brillant. Et comme il venait du milieu des affaires, quand des grosses compagnies faisaient peur au monde en disant que le Québec n'avait pas les moyens de se séparer, lui, ça ne l'intimidait pas. Une espèce rare… Mais il a quand même perdu son référendum en 1995. On l'a remplacé par un charismatique passé ensuite à la secte des Lucides.

François: OK. Mais c'est long, ton histoire. Dans notre cours "Les secondes du patrimoine", financé par Travaux Publics Canada, faut pas qu'une histoire dure plus que 12 secondes! Get a move on!

Grand-mère: On saute à 2008, d'abord. Le PQ avait la première femme chef de parti au Québec. Un bel exploit en soi! Mais elle a dit aux péquistes que s'ils voulaient d'elle, ils devaient la prendre avec sa fameuse "corbeille de la mariée". Ça voulait dire de ne plus parler de référendum ni d'idées trop à gauche. À leur conseil national, on a même félicité les péquistes de ne plus débattre!

François: Drôle de concept! Tu m'as pourtant toujours dit que le mariage, c'est une union entre égaux, qu'il faut échanger sans être toujours d'accord…

Grand-mère: Je sais. Mais la chef le disait surtout pour les deux ou trois "purs et durs" qui restaient encore au PQ.

François: C'est quoi un "pur et dur"?

Grand-mère: Ça, mon chaton, c'était des gens "purs" de cour, mais "durs" d'oreille. Ils voulaient l'indépendance, mais n'entendaient rien quand leur chef passait à autre chose. Et c'est ce qui est arrivé, encore une fois, avec Pauline Marois.

François: Hey! C'est le nom de mon collège. All right!

Grand-mère: Quand elle est devenue première ministre en 2009, elle a tenu parole. Pas de référendum, juste de la conversation nationale. Elle voulait une nouvelle constitution, mais la chicane a pris sur le contenu. Elle avait promis de renforcer la loi 101 – je t'expliquerai plus tard ce que c'était -, mais la chicane a encore pris. Et comme on ne voulait plus se chicaner, elle s'est alliée à Mario Dumont, notre premier ministre actuel. Ensemble, ils ont rapatrié des pouvoirs d'Ottawa. Stephen Harper, qui entamait alors le deuxième de ses quatre mandats, leur a dit oui et les a remerciés de faire du Canada un pays uni dans la diversité.

François: Et ensuite?

Grand-mère: Les appuis à l'indépendance ont fondu. Le PQ parlait toujours du "projet de pays", mais on ne savait plus de quel pays il parlait! Les trois purs et durs restants sont devenus chroniqueurs au Journal de Montréal. Au bout de quelques années, Mme Marois a pris sa retraite. Elle écrit des romans historiques. On la voit souvent sur les ondes de France28. Comme ils te disent au collège: the rest is history ! Jean Charest vient d'être élu premier ministre du Canada. Mario trône à Québec. Henri-Paul Rousseau préside la Bourse de Toronto. Stéphane Dion dirige la centrale de Rabaska et le chef du NPD, Thomas Mulcair, mène l'opposition officielle à Ottawa.

François: Good heavens ! Je commence à comprendre pourquoi le cours d'histoire a été annulé. Heureusement qu'il y a la Chine. Ça, c'est intéressant…