Voix publique

Une chance que les libéraux sont là…

On le sait. Maxime Bernier n'a pas inventé les boutons à quatre trous. Mais que cet homme soit ministre des Affaires étrangères du Canada en dit beaucoup plus sur son patron Stephen Harper que sur ses capacités de toute évidence limitées.

Bernier a déclaré que le gouverneur de Kandahar, soupçonné d'alimenter la corruption locale, n'était peut-être pas "la bonne personne, à la bonne place, au bon moment". Même s'il a raison – une fois n'est pas coutume -, Bernier a commis ce qu'on appelle une bourde diplomatique en s'ingérant dans la politique interne d'un autre pays. Bref, l'ingérence diplomatique en Afghanistan est interdite, mais l'ingérence militaire, c'est une autre histoire…

L'incompétence de Bernier n'est pourtant qu'une goutte dans l'océan de celle de son gouvernement. Quant aux libéraux, tremblant de peur à l'idée de provoquer une élection, ils laissent tout passer. Résultat: les conservateurs minoritaires gouvernent en majoritaires absolus.

Mais les choses peuvent changer vite. Voilà que le chef de l'état-major, Rick Hillier, démissionne. Et voilà que Monsieur-Net-Harper voit la GRC débarquer dans les bureaux du Parti conservateur pour procéder à une perquisition, à la demande d'Élections Canada. Stéphane Dion se réveillera-t-il? Qui sait?

ENTRE L'ARBRE ET L'ÉCORCE

Même si les sondages montrent que les conservateurs demeurent incapables d'espérer une majorité, les libéraux branlent encore dans le manche. Le PLC manque d'argent, de candidats, et son chef éprouve, disons, une grave dysfonction quant à son leadership. Vrai. Mais je crois qu'il faut ajouter un autre facteur à ce qui explique la paralysie électorale du PLC.

La guerre des clans Ignatieff et Rae n'étant pas terminée, les libéraux anti-Dion sont coincés entre l'arbre et l'écorce. La vérité est qu'ils craignent deux choses plus que la peste s'ils vont en élection: que Harper obtienne une majorité, ou que Dion remporte un gouvernement minoritaire!

Mais vous me direz: Josée, c'est impossible que les libéraux aient peur de prendre le pouvoir comme minoritaires! Eh oui. C'est même ce qui les terrorise le plus, du moins, chez les anti-Dion. Certains d'entre eux ne l'admettent qu'en privé, mais un gouvernement minoritaire libéral est le PIRE des scénarios pour Michael Ignatieff, Bob Rae et leurs supporteurs. Pourquoi? Parce que ça voudrait dire que Dion serait premier ministre, et donc qu'il leur serait impossible de s'en débarrasser à court terme!

De fait, le meilleur scénario pour Ignatieff et Rae serait un autre gouvernement Harper minoritaire. Harper en sortirait déstabilisé et surtout, ça sonnerait la fin de la carrière politique de Stéphane Dion. Mais comme une campagne électorale n'est pas une science exacte, et encore moins ses résultats, même les anti-Dion devront se résigner à faire tomber ce gouvernement un jour!

En attendant, le jupon idéologique du gouvernement Harper dépasse de plus en plus. Leur dernière trouvaille: tenter de gruger par la bande le droit à l'avortement avec le projet de loi C-484 sur les enfants non encore nés victimes d'actes criminels. Tout juste adopté en deuxième lecture, si ce projet devenait loi, c'est que les lobbys religieux – trop influents auprès de ce gouvernement – auraient réussi à faire reconnaître le fotus comme ayant droit à la protection du Code criminel.

CACHEZ CE MOT

Le vice-président de CBC a confirmé que le réseau a exclu tous les artistes québécois de l'émission tirée du Gala du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens parce qu'ils n'étaient "pas connus" de l'auditoire canadien-anglais. Même si Claude Dubois avait "chanté en anglais", dit-il, CBC l'aurait quand même fait disparaître de l'écran.

L'ineffable Denis Coderre a refusé d'y voir là une démonstration de "racisme". Pour le député libéral, ce serait user de mots "extrêmes", nous dit-il. M. Coderre se contente de parler de "condescendance" et d'"autosuffisance", mais surtout pas de "francophobie". Qu'il est vilain, ce mot!

Pourtant, il y a rarement de l'hésitation dans les médias anglophones, incluant les plus prestigieux, dans des groupes de pression, chez certains de leurs intellectuels ou politiciens, à discourir sur la "xénophobie" ou l'"anglophobie" des Québécois. Certains des plus admirés, tel Mordecai Richler, en ont même fait des best-sellers, qui ont ravi moult lecteurs du Canada anglais, des États-Unis et de la Grande-Bretagne. S'il existe évidemment une opinion nettement plus éclairée dans ces mêmes endroits, la vision d'un Québec xénophobe y attire tout de même encore du monde.

Mais les Québécois francophones, eux, n'ont JAMAIS le droit de parler de "francophobie". Même pas lorsque c'est gros comme un éléphant dans un magasin de porcelaine! Ce serait beaucoup trop "extrême", n'est-ce pas M. Coderre? Une chance qu'on l'a pour défendre la culture québécoise à Ottawa…

Mais, oh surprise! En pleine fièvre du hockey, des Anglo-Montréalais commencent à se plaindre dans les médias des préjugés anti-Montréal et anti-Canadiens qu'ânonne le grassement-payé-par-nos-impôts Don Cherry sur les ondes de la même CBC. S'ils prêtent attention, peut-être verront-ils aussi son petit côté francophobe? Oups. Désolée. Je voulais dire "condescendant"…