Voix publique

La boîte à surprises

Ça crève les yeux. Regarder John McCain, c'est voir la continuation de George W. Bush. Et de voir Bush, c'est espérer que McCain se fasse botter les fesses à l'élection présidentielle. Ce qui nous amène à Barack Obama – l'homme du "changement" et se disant "libre" de tout lobby ou groupe d'intérêt.

Pourtant, Obama demeure une énigme. On se demande même de plus en plus quelles seraient ses véritables convictions et ses politiques s'il devenait président de la plus grande puissance de la planète?

Depuis qu'Hillary a mordu la poussière, Obama laisse voir un certain penchant pour ce que les médias américains appellent le pandering to special interest groups – une approche "clientéliste" où un politicien modifie son discours selon le public auquel il s'adresse. On parle aussi beaucoup de son opération de repositionning. Après s'être présenté comme nettement plus à gauche et audacieux qu'Hillary, le voilà qui se rapproche du centre. Et parfois même de la droite américaine. La "vraie".

La journaliste américaine Arianna Huffington n'est d'ailleurs pas la seule à se demander où en sera rendu le fameux "changement" promis par Obama alors que pour avoir leur vote, il multiplie les génuflexions devant les groupes d'intérêts dont il se dit libre. L'opportunisme électoraliste chez les chefs politiques – que je qualifie de "sincérités successives" – a beau être un phénomène passablement universel, nul ne sait vraiment, s'il mettait les pieds à la Maison Blanche, de quoi accoucherait concrètement le slalom idéologique auquel se livre Barack Obama. À tout prendre, ça ressemble de plus en plus à une boîte à surprises! Restera à savoir si les surprises seront bonnes ou mauvaises…

Contrairement à Huffington, le magazine The Economist n'y voit rien d'inquiétant: "La question vitale ne porte pas sur le fait qu'Obama change ses positions, mais à savoir si ces changements sont pour le meilleur ou pour le pire. Ici, le portrait global semble positif." Bref, en adoucissant ses positions et en courtisant la droite, Obama ne ferait que s'"ajuster" à l'électorat. Dans une lutte serrée contre McCain, ce serait le prix à payer pour mettre toutes les chances de son côté et contrer la "politique de la peur" émanant du camp républicain à propos d'Obama.

Remarquez que McCain n'est pas en reste dans le département des "ajustements" opportunistes. Un journaliste de CNN résumait ainsi le malaise croissant que provoquent les valses respectives d'Obama et de McCain: "Ce serait tellement extraordinaire si nous avions deux candidats présidentiels qui disent les mêmes choses devant des publics différents!" Eh oui. On peut toujours rêver en couleur.

Récapitulons. On nous sert deux explications au repositionning intensif d'Obama. Ou l'homme penche toujours à "gauche" et change purement pour gagner des votes et empêcher les méchants républicains de gagner. Ou il cherche vraiment à changer certaines de ses positions.

Il y a pourtant une troisième explication possible. Appelons ça une hypothèse: Obama est peut-être un peu plus à droite qu'on l'avait cru lorsque pour faire campagne contre Hillary et frapper l'imaginaire d'Américains usés par cinq ans de guerre inutile en Irak et une économie vacillante, il s'est présenté comme l'incarnation du changement et de l'audace.

Car, après tout, courtiser la droite aussi ardemment, dont la droite religieuse, ne serait pas sans conséquence si Obama devenait président… Ils seraient alors nombreux à attendre leur retour d'ascenseur dans les politiques sociales et étrangères des États-Unis.

L'AUBERGE AFGHANE

Allant plus loin que les républicains, pour Obama, d'avoir qualifié Jérusalem de capitale éternelle d'Israël alors que le conflit israélo-palestinien est loin d'être résolu, ne serait pas non plus sans conséquence. Ni sa promesse de financer les lobbys religieux plus que tout autre président ne l'a fait et d'aller jusqu'à en faire le "centre moral" de son administration. Ni son retournement de veste lorsqu'il approuve maintenant l'immunité rétroactive des compagnies ayant aidé Washington depuis le 11 septembre 2001 à mettre des citoyens sur écoute électronique sans mandat.

Heureusement, son discours sur l'Irak ne change pas trop. Mardi, à Washington, Obama a répété que cette guerre est inutile; qu'elle n'a rien à voir avec le 11 septembre; qu'elle coûte des milliers de vie et plus de 10 $ milliards d'argent public par mois (!); que la sécurité des USA en a été réduite, etc.

Malheureusement, il ne change PAS quant à sa vraie cible: l'Afghanistan et le Pakistan, où il s'engage clairement à augmenter l'effort de guerre. Traduction: ceux qui rêvent de voir bientôt les troupes canadiennes quitter l'Afghanistan devront prendre leur mal en patience. On n'est vraiment pas sorti de l'auberge afghane…

Et pourtant, rien de cela ne lui enlève sa qualité principale: Obama n'est ni un républicain, ni de la famille Bush! C'est déjà ça de pris…

UNE IMAGE VAUT MILLE MAUX

Croupissant depuis six ans sans procès à Guantanamo – la base américaine de la honte – Omar Khadr fait aussi partie des dommages collatéraux du 11 septembre. Toujours sans preuve de ses activités "terroristes" ou de ce meurtre dont l'accusent les Américains, la torture et maintenant les extraits de vidéos de ses interrogatoires par le Service canadien du renseignement de sécurité donnent froid dans le dos.

Pendant ce temps, Stephen Harper continue à refuser de demander son rapatriement. Sa docilité face à Bush et son aveuglement idéologique n'ont donc aucune limite?