On va arrêter de se raconter des histoires. Au-delà des spins des uns et des autres sur ce qu'aurait ou n'aurait pas dit Nicolas Sarkozy lors de son passage à Québec, un fait est indéniable: le président français est ouvertement et fortement favorable à l'unité canadienne. Point à la ligne.
Et c'est en cela que Sarko rompt avec la "non-ingérence et non-indifférence" – cette politique post-de Gaulle de neutralité bienveillante de la France vis-à-vis des options fédéraliste et souverainiste, mais basée dans l'avant-Sarko sur une relation tout à fait privilégiée avec le Québec par rapport à l'État canadien. Tout comme le général de Gaulle l'avait fait avec son "Vive le Québec libre!", Sarko a donc choisi. De Gaulle souhaitait la "libération" du Québec; Sarkozy préfère que son "frère" québécois demeure dans la grande maison de son nouvel "ami" canadien. Pauline Marois ne l'a pas compris, mais c'est bien ce que Sarko est venu officialiser chez-nous.
Sarko aura beau n'avoir fait qu'une "visite éclair", elle a eu l'effet d'un véritable coup de tonnerre! Pourtant, ce coup avait été annoncé d'avance, question de préparer les esprits. Au printemps, Jean-Pierre Raffarin, ex-premier ministre français avait déjà prévu la rupture prochaine de Sarko avec le "ni-ni". Le lancement des Fêtes du 400e en France confirmait le tout. Jean Charest y était absent. Ce qui a permis à Michaëlle Jean, l'omniprésente gouverneure générale, d'y briller de tous ses feux et de proclamer le 400e celui du Canada tout entier! Pour clore ce vaudeville, Sarko en a profité pour tester sa métaphore du "Canada, notre ami" et du "Québec, notre frère".
On peut être pour ou on peut être contre, mais aucun déni n'est possible: la France se rapproche rapido d'Ottawa. Pour le Québec, le résultat sera un affaiblissement de son identité internationale et de sa relation privilégiée avec la France – un problème qui, dans les faits, devrait inquiéter tant les fédéralistes que les souverainistes québécois(1).
Ce virage majeur relève de trois facteurs. Primo: le PQ lui-même. Ayant abandonné toute ambition référendaire depuis 1996 et pour un long moment encore, difficile d'exiger qu'un président français fasse semblant de ne pas le savoir! Secundo: la faiblesse des réseaux diplomatiques québécois à Paris, lesquels sont de plus en plus soumis à la diplomatie canadienne et ce, avec l'approbation tacite des gouvernements québécois depuis une décennie. Malgré la prévision de Raffarin, la diplomatie québécoise fut soit incapable, soit empêchée d'exercer des pressions suffisantes à Paris pour qu'à tout le moins, le "ni-ni" demeure. Tertio: les liens étroits qu'entretiennent Sarko et le fondateur de Power Corp., Paul Desmarais père, – sûrement l'adversaire du mouvement souverainiste le plus brillant, le plus déterminé et le plus influent, et au Canada et dans le monde.
L'ARBRE QUI CACHE LA FORET
Mais ce serait une erreur que de réduire cette communauté de vues entre Sarko et Desmarais à leur seule préférence pour le fédéralisme canadien. Je dirais même que c'est l'arbre qui cache la forêt. Sarko et Desmarais partagent aussi tout un éventail d'intérêts politiques, idéologiques et financiers.
Côté business: le dernier livre de Robin Philpot(2) fait état des intérêts de la famille Desmarais et de puissantes firmes françaises pour l'exploitation du trio gaz-pétrole-énergie nucléaire. Côté idéologique: apôtre du marché, le rôle actif de Paul Desmarais depuis des décennies dans la "préparation" de leaders politiques penchant plus à droite, ici comme à l'étranger, est de notoriété publique. Sarko a beau dire vouloir "refonder le capitalisme", parions que le résultat sera plus modeste que prévu… À preuve, cette expression candide de reconnaissance de Sarko envers son mentor: "Si je suis aujourd'hui président de la République, je le dois en partie aux conseils, à l'amitié et à la fidélité de Paul Desmarais" – admettant aussi que ce dernier lui a bâti rien de moins qu'une "stratégie" faite sur mesure pour assurer son ascension politique.
Côté politique, avec un P majuscule: Desmarais et Sarko partagent aussi une compréhension fine du pouvoir des médias. Sarko exerce son influence de manière personnelle auprès de certains patrons de médias. Desmarais, plus direct, s'en est acheté tout un chapelet!
L'IRONIE EST CRUELLE
Stéphane Dion croit dur comme fer que l'argent dépensé par les conservateurs, avant et pendant la campagne, a eu un impact sur les résultats. Hormis l'héritage empoisonné du duo infernal Chrétien-Martin et son propre manque de leadership, il a raison: l'argent, ça compte aussi. C'est même parfois le nerf de la guerre. À un point tel où si Dion a compris, à son corps défendant, que le PLC devait se donner un nouveau chef, il est fort probable que c'est parce que les bailleurs de fonds libéraux lui ont envoyé in extremis un message net, clair et sans pardon: no new leader, no new money!
Faisant trop tard le constat du pouvoir de l'argent, l'ironie est cruelle pour celui qui n'a pas hésité, en 1996, à se joindre au même gouvernement qui, avant, pendant et après le référendum de 1995, combattait l'option souverainiste à coups de centaines de millions de dollars pendant que le camp du OUI faisait avec beaucoup, beaucoup moins…
Morale de ces deux histoires: argent et pouvoir forment le plus vieux couple de l'histoire humaine… Et qui s'y frotte, s'y pique.
(1) LEGAULT, Josée. "Le Québec s'efface au profit d'Ottawa", Courrier international, 22-28 mai 2008.
(2) PHILPOT, Robin. Derrière l'État Desmarais: Power, Les Intouchables, 2008.
Quel malheur que M. Dion fils n’ait pas suivi les conseils et les traces de son père. Avec lui, on ne peut pas dire : » Tel père, tel fils. » Hélas!
Le père était plus intelligent et moins ambitieux aussi.
Pauvre M. Dion, fils. Il s’est tenu debout avec son virage vert. Convaincu d’avoir raison. Comme Cassandre, on ne l’a pas écouté. Au contraire, on l’a fuit, et on a saboté ses efforts pour sauver la planète. Il ne suffit pas d’avoir raison.
Que la vie est injuste et cruelle. Que l’Homme est petit. Oui pour les grandes causes, si ça ne mangent pas de pain. Touche pas à mon argent, Stéphane. Promettre d’enlever maintenant pour mieux redistribuer plus tard exige un acte de foi au-delà des forces du canadien moyen. Nous en sommes là. Pendant ce temps-là, la situation se dégrade. Qu’à cela ne tienne. On verra.
Si les verts avaient voté pour les libéraux…
OUF, un peu plus et il parlait du vote ethnique… Est-ce qu’il veut nous faire croire qu’avec plus d’argent il aurait eu des chances? Je ne crois pas.
Les souverainistes québécois ne devraient pas attacher tant d’importance aux déclarations des politiciens français quant à l’avenir du Québec. Bien sûr, si jamais le OUI l’emportait dans un référendum futur, la reconnaissance de la France serait bien utile. Mais ce jour semble assez lointain. D’ici là, c’est aux Québécois de décider si l’option souverainiste doit redevenir d’actualité et, si jamais la chose arrive, personne ne se souviendra plus de ce qu’en a pensé Sarkozy dix ou quinze ans auparavant.
En ce qui concerne Stéphane Dion, je le préfère de loin à son père, ce « fédéraliste fatigué » pour qui il fallait « mettre le couteau sous la gorge » du Canada anglais (par des menaces d’indépendance qui ne devaient être que du bluff). Stéphane Dion est franc, tout le contraire de son ratoureux de père…
Les intérêts financiers communs du tandem Desmarais- Sarko, c’est l’illustration visible d’une arrogante mainmise de la haute finance sur la conduite des États. C’est Gilles Courtemanche, dans son article «Les gauchistes avaient raison», du 18 octobre dans Le Devoir qui écrit : «Ils [les gauchistes] disaient aussi que les gouvernements, dans le processus de mondialisation et de globalisation, avaient cessé de gouverner et ne devenaient que des greffiers de la finance mondiale. On riait des gauchistes dans les milieux biens de la rue Saint-Jacques. »
En plus d’avoir dévalorisé le soutien traditionnel de la France envers les aspirations du Québec sur la scène internationales, en abandonnant la politique traditionnelle de non-ingérence et de non- influence, le président français édifie désormais la politique de la France envers le Québec sur des principes d’ingérence et d’indifférence chers à la famille Desmarais. En plus de contrôler l’empire médiatique Gesca, porte-plume du fédéralisme canadien, les ramifications de la famille Desmarais s’étendent aux think tanks les plus influents du pays.
C’est vrai que le pouvoir ne s’exerce pas sans argent. Ni sans que les gouvernements aient cédé aux intérêts financiers les leviers leur permettant d’accumuler encore plus de pouvoir. Le pouvoir citoyen est une utopie. Mais il ne faut jamais cesser de le revendiquer. Parce que c’était aussi une utopie de croire que la gauche avait raison.
Il faut cependant reconnaître que si les Québécois, appelés à se prononcer deux fois sur l’accession à leur indépendance, avaient reconnu la voix fourbes des sirènes fédéralistes durant la campagne référendaire, ceux-ci auraient démasqué le Grand Guignol qu’Ottawa leur a présenté.
La marionnette Dion est bien récompensée aujourd’hui d’y avoir participé par sa loi sur la clarté. Encore plus humiliant, d’avoir cru qu’on lui laissait la bride sur le cou pour ses grandes idées et sa volonté d’aspirer à devenir le bœuf de la fable. Il a eu la témérité de se penser indispensable à ceux qui savent placer leurs pions. Un chef pour la frime, en attendant que les Québécois oublient le scandale des commandites. Et que s’exerce le véritable pourvoir : celui de l’argent.
« Pauvre France, qu’as-tu fait de tes enfants? » disait souvent mon papa à moi, voyant le gâchis politique et la honte que lui causait le scores du FN dans notre belle Alsace, en train de perdre son âme en même temps que sa langue…
Sarko? moi pas capable, et quand je le vois et l’entend, même s’il est bon comédien , à l’écran toujours en phase maniaque, je pense inévitablement à : Sarcome de Kaposi , terrible symptôme de la pire maladie du siècle…..(ou à Kapo , supérieur militaire chez les Allemands). Bref, il me retourne l’estomac et j’ai honte pour mon ex-pays. J’en rirais s’il n’était pas aussi dangereux…
Hein , de toutes façons, vous aussi les Québécois, vous êtes habitués à vous faire larguer depuis des lustres par les Franzouses,les autorités du moins, le peuple de Gaule constituant tout de même un ensemble hétéroclite avec nombre de gens très attachants. Ceux qui ont visité les arrières-pays de cette magnifique contrée le savent surtout qu’ils aodrent les cousins…du moins l’image gentille et folklo qu’ils se font de vous.
M’enfin, tout ça pour dire que vousune devez pas compter sur eux pour affirmer haut et fort votre singularité…Surtout à plus de 28% de votants .
La prochaine fois, STP. Convainquez vos jeunes et vos nanas à voter en plus grand nombre , sacrebleu! Et que Pauline se déniaise un peu et vante plus nos ressources comme levier d’autonomie et se rallie les rares autres partis qui partagent le rêve d’un nouveau pays (pas une division, une évidence dans le fond, Sarko!), rêve hélas de moins en moins avoué…
En attendant , trop de fric et trop de pouvoir dans les même s mains font déraisonner et ça c’est plus dangereux que rigolo, tcheckez-le bien aller!
Bonne idée Madame Legault que de citer votre article dans le courrier international. Les souverainistes devraient dès maintenant commencer, ou continuer, à faire dans la politique internationale, par-dessus nos amis fédéralistes provincialistes et provinciaux …
JPD
Pingback depuis Majorblog.net » Sarko…stique
Quant à moi, je suis d’avis que la France cesse de s’ingérer dans les débats d’ici. Après tout, c’est bien elle qui a décidé, en 1763, de céder la colonie pour des considérations financières, comme le disait si bien Voltaire, par la bouche de Candide: « Quelques arpents de neige. » La France préférait les revenus de la cane à sucre de la Guadeloupe et de la Martinique (avec quelques droits de pêche à St-Pierre-et-Miquelon) aux terres de neige du Canada.
Au fait, il faut aussi se rappeler que la France était « métropoliste » à l’époque de la colonie: le pouvoir financier était dans la métropole, réduisant considérablement l’entreprise canadienne. Paris ne cherchait que le profit… Parallèlement, on avait un pouvoir central fort qui décidait de tout, et il est possible de supposer que c’est ce qui se produit… Sarko n’est pas de ceux qui donnerait des pouvoirs particuliers aux régions traditionnellement autonimistes ou souverainistes, comme l’Alsace, la Corse, la Bretagne, le Pays basque…
Au contraire, comme ces régions participent au financement de l’Élysée, pourquoi celui-ci devrait-il leur accorder plus de pouvoir, surtout que cette façon de pensée n’a rien d’incongru avec ce qu’on entend dans d’autres secteurs de la politique domestique de Sarko: rappelez-vous la « racaille des banlieues »… si c’est la façon dont il traite les minorités des banlieues, il est possible de croire qu’il pourrait avoir ce même discours envers les régions récalcitrantes… et quelle meilleure façon de leur donner le signal de ses intentions qu’en utilisant le discours du « Canada ami » dans lequel le « Québec frère » doit rester…
Certes, les intérêts financiers ne sont pas à dédaigner, mais ce facteur n’est pas négligeable non plus…
bonjour,
Merci, et bravo pour votre analyse. Ce que je comprends moins , c’est la pugnacité des tenants de la francophonie et leur argument majeur: la défense de la diversité culturelle, face aux méchants anglo-saxons.
Ici même en France , cela présente tous les symptomes de la schizophrénie , c’est dire qu’il n’y a toujours pas le moindre moyen médiatique digne de ce nom, pour les langues de l’hexagone, » qui sont en train de crever », simultanément le premier ministre parle de la nécessité absolue d’apprendre l’anglais dès la maternelle, simultanément , tous les medias donnent toujours plus dans la franchouillarderie, voir l’épisode de la marseillaise » que 50 jeunes ont sifflée, à l’occasion du match France Tunisie, et un incroyable battage dans le tout Paris Tam Tam, ‘la Fronce , la Fronce , la Fronce » et simiultanément, enfin , notre président se déplace au Quebec ,( qui représente me semble t-il le prototype exemplaire , de la défense de la diversité , à commencer par celle du français) , pour déclarer à tous , que la Fronce prefère le Canada , Otawa et les sociétés en blocs compacts. C’est marrant , qu’après avoir consciencieusement balkanisé les Balkans et tente de faire exploser ce qui reste de la CEI à la marge, notre président s’affirme contre les partitions.
J’espère au moins que cela rapporte quelque chose…
Il semble bien que l’on assiste à une tentative de « serrer très fortement les boulons » C’est ce qui se produit quand les temps s’annoncent mauvais, car si on ne doute pas que la démocratie soit la normalité dans les pays d’abondance, on se doute aussi, mais que la démocratie soit « aménagée, tempérée » en temps de disettes. Les règles changent . La preuve . Des ultra libéraux qui nationalisent tout en parlant , d’épisode transitoire, et du retour prévisible dans le giron du privé… Sans vergogne , en oubliant qui paye.? Les petits copains de Melton Friedaman? Ceux qui l’ont fait monter sur la caisse et qui se sont gavés pendant des decennies? .
Personnellement , j’en étais arrivé à croire que le capitalisme, libéral ou pas, avait définitivement gagne la partie. En fait il va nous montrer, sa vrai nature et surtout que cela n’a rien à voir avec Darwin, et beaucoup avec une polce puissante , car tous les hommes qui tiennent les commandes sont persuadés de la supériorité du Marché. Et notre président n’est pas crédible quand il prétend vouloir l’amender .
Il me semble très interessant de relire attentivement : « Talon d’Acier » de London….
Pingback depuis Sarko???stique | MajorBlog se refait une beaut??!