Voix publique

Une hypothèse

Mario Dumont quitte la politique. Il le fait sans tambour ni trompette. Sans conférence de presse où, de toute façon, il n'aurait fait que se gratter le bobo de la décapitation de l'Action démocratique à la dernière élection.

De toute façon, le diagnostic est posé depuis des mois: équipe faiblarde; manque de substance; un alignement miraculeux de planètes en 2007 dû à l'impopularité de Jean Charest et André Boisclair; et un positionnement idéologique trop à droite pour une majorité de Québécois. Ce qui fut d'ailleurs confirmé par le rejet des conservateurs à l'élection fédérale d'octobre. Bref, 15 ans après avoir pris la direction de l'ADQ, l'homme a tiré ses conclusions. Le PQ, aussi un rejeton du PLQ, n'avait pris que huit ans après sa formation pour arriver au pouvoir. Mais quinze ans, ça ne pardonne pas. Pourtant, en raison de ce qu'il aura néanmoins contribué à la vie politique, sans oublier son immense courage lorsqu'après l'échec de Meech, il a quitté une carrière prometteuse et confortable au PLQ pour des raisons de principe, Mario Dumont peut partir la tête haute.

Je me permettrai tout de même une hypothèse: et si, d'une certaine manière, la politique avait aussi quitté Mario Dumont? Et bien d'autres, d'ailleurs. J'entends la politique telle qu'elle en est venue à se pratiquer ici depuis une dizaine d'années. Cette politique de la gouvernance à courte vue, d'une partisanerie exacerbée et d'invectives personnelles érigées en substitut de débat. Cette politique où les grandes idées, les rêves, les projets mobilisateurs et les grands orateurs ont pris le fossé. Cette politique où un premier ministre fédéral ferme le parlement pour éviter de perdre le pouvoir. Cette politique où on laisse la Caisse de dépôt et placement sans capitaine en pleine "tempête" économique. Cette politique où le défi démographique et le décrochage laissent de glace.

Que l'on partage ou non les idées de l'homme, rappelons-nous qu'il arriva au début des années 90 où, sans verser dans la nostalgie bonbon, les questions nationale, sociale, économique et identitaire se vivaient encore avec audace et effervescence. Les débats portaient surtout sur les idées. Tenez. On aurait mal imaginé un Robert Bourassa traitant un Jacques Parizeau de "girouette" et s'amusant en plus de pouvoir aligner un lexique complet de synonymes! Et pourtant, Mario-la-supposée-girouette avait bel et bien raison lorsqu'il a prédit des pertes massives à la Caisse de dépôt et que le gouvernement le ridiculisait…

Ce n'est pas pour dédouaner Mario Dumont de ses erreurs, ni pour ignorer ce qui se fait aussi de bien dans nos parlements. Mais à regarder la "joute" politique ces temps-ci, il me semble qu'une sérieuse réflexion sur le "pourquoi" et le "comment" de la politique active ne serait pas un luxe. L'élection d'un Barack Obama montre que cette mission est loin d'être impossible. De fait, des taux de participation de plus en plus faibles témoignent de son urgence. Espérons que l'exemple obamien encouragera enfin une nouvelle génération à investir ici le champ politique. Question de la faire, cette satanée réflexion sur le "comment" et le "pourquoi"! Et d'en tirer le courage d'agir.

LA CONQUÊTE DES CLASSES

Dans la saga de la commémoration de 1759, les projecteurs furent braqués sur l'annulation de la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham par la Commission des champs de bataille nationaux (CCBN). Mais la CCBN s'"intéresse" aussi aux écoles primaires et secondaires en leur offrant une pléthore d'activités "récompenses" qu'elle qualifie de "pédagogiques"…

Quelques exemples, qui ne s'inventent pas. "Enrôlez-vous comme milicien canadien avec le général Wolfe ou le général Montcalm et participez à de palpitantes manouvres militaires. Drill au tambour, quiz historique, chargement de canon, manouvres militaires sur le champ de bataille". Ou encore: "Participez à l'entraînement militaire sous le commandement des généraux Wolfe et Montcalm: analyse des stratégies militaires utilisées en 1759, animation théâtrale et grande revue militaire sur le site des batailles".

Attendez! Ce n'est pas fini: "Dans votre école: Wolfe et Montcalm en classe: Devenez spectateur d'une confrontation amicale entre les généraux Wolfe et Montcalm".

Ça ressemble drôlement à une tentative de faire entrer dans les classes une vision révisionniste et banalisée de cet événement et d'influencer ainsi la vision de jeunes esprits. On se croirait presque de retour en plein programme des commandites lorsque Patrimoine canadien – le ministère également responsable de la CCBN – distribuait dans les écoles des unifoliés, des kits et des jeux sur le Canada. Et après, on nous dira que de rapatrier les plaines d'Abraham et leur administration serait une idée de fou! Y a-t-il un gouvernement dans la salle pour le revendiquer?