Voix publique

Parlons "cancer"

Difficile d'affirmer que la crise sur les tests en pathologie de marqueurs du cancer du sein est un bien pour un mal. Trop de patientes sont maintenant inquiètes à savoir si elles ont reçu ou non le bon médicament suite à leurs traitements. Un élément crucial.

Mais ces patientes étant aussi des personnes adultes et intelligentes, un fait est indéniable: toutes les femmes ressortent de cette crise mieux informées qu'auparavant sur cet aspect central du cancer du sein. Mais aussi sur leurs droits. Sur cette faille importante du système. Et sur la lenteur choquante d'un ministère de la Santé qui se traînait les pieds dans ce dossier depuis des années. Incluant sous ce petit "génie" de la communication qu'était Philippe Couillard! Bref, dans une telle situation, l'information, même angoissante, est préférable aux cachotteries. Si cette crise s'était passée lorsque j'ai eu un cancer du sein en 1996, moi aussi, j'aurais voulu savoir. Parce que savoir, c'est agir. Et c'est demander des comptes.

ÉLARGIR LA "DISCUSSION"

Si certaines leçons peuvent être tirées de cette crise, l'une d'entre elles est sûrement d'amener la discussion sur le terrain plus large de la lutte contre le cancer. À savoir si, oui ou non, nous la menons au Québec de la manière la plus efficace et la plus équitable possible. La médecine a beau ne pas être une cour aux miracles, certaines avancées en oncologie sont tout de même notoires. Mais il reste que cette maladie complexe et multiforme gagne du terrain. On estime qu'il y aura 44 000 nouveaux cas de cancer au Québec en 2009 et un autre 20 000 décès y seront attribuables. D'ici les prochaines années, près d'une personne sur trois aura eu un cancer.

Le temps est donc venu d'insister haut et fort sur la nécessité de mieux s'armer dans un avenir raisonnable. De le faire dans le système public, indépendamment des revenus des malades. Le cancer ne frappe pas le portefeuille ou la carte de crédit. Il attaque le corps et la vie.

AUX GRANDS MAUX, LES GRANDS REMÈDES!

Tout récemment, le regroupement Coalition priorité au cancer lançait justement une pétition pour la création au Québec d'une agence intégrée de lutte contre le cancer (www.coalitioncancer.com) (1). Comme il en existe en France, en Ontario, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse, en Alberta, etc.. Mais pas ici.

Ces agences ont plusieurs avantages. Elles informent le public (un chouette concept, non?). Elles centralisent l'organisation d'une kyrielle de ressources éparpillées dans différents ministères, hôpitaux et régions. Selon la Coalition, elles sont nécessaires parce qu'elles abordent le cancer comme un "tout": "recherche, prévention, dépistage, organisation des services, formation des professionnels et des intervenants, soutien psychologique, accompagnement communautaire, aide financière, soins palliatifs". Sans compter les soins parfois à géométrie variable selon qu'on se trouve ou non dans un hôpital universitaire, dans une région plus éloignée ou une classe sociale plus marginalisée.

Même si ces agences relèvent normalement des pouvoirs publics, coopèrent avec eux et sont imputables à la population, elles tendent néanmoins à bouger plus vite qu'un ministère de la Santé, dont les processus décisionnels ultra-bureaucratisés le portent à procrastiner en multipliant les "comités" et "groupes" de travail qui avancent souvent à la vitesse d'un escargot!

Si une agence existait déjà ici, il est probable qu'elle aurait pressé le ministère dans le dossier des tests de marqueurs. Car l'inacceptable, c'est bien que ce gouvernement n'ait pas compris dès 2005, alors que Terre-Neuve vivait un vrai scandale de tests erronés, l'URGENCE de créer un programme national d'assurance-qualité en pathologie et d'y investir les ressources nécessaires. Ce qui concerne tous les types de cancer. Comme disait ma grand-mère, ça s'appelle "être dur de comprenure sans bon sens"…

Ce qui ne veut pas dire que le ministère ne faisait rien. Ce serait faux. Seulement que sa "machine" est lente. Trop lente. Au point où elle n'accélère ses actions que lorsqu'une crise rebondit dans les médias et éclate en plein visage de son ministre! Même sur cette fameuse étude sur les marqueurs pour le cancer du sein, le ministre Yves Bolduc répondait: "On n'est même pas certain qui avait l'information à ce moment-là! Aucune des hautes instances du ministère n'était informée." Misère.

Bref, on a le choix. On peut attendre la prochaine craque dans le système ou la prochaine théorie de complot. Ou, on peut voir à quel point cette crise confirme le besoin de lutter contre le cancer avec des ressources, une expertise et une coordination qui lui sont SPÉCIFIQUES. Le tout dans une approche concertée, dépolitisée et débureaucratisée. Du moins, dans la mesure du faisable au Québec…

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(1) Cela étant dit, cette chronique ne constitue pas un appui à la création d'une agence du cancer. Elle en fait simplement état à titre d'information. Chaque citoyen est à même de se faire sa propre tête là-dessus.

Que ce soit une agence ou autre chose, il n'existe pas de solution miracle ou de panacée. Car si certaines de ces agences fonctionnent bien, d'autres fonctionnent aussi moins bien…

L'important, encore une fois, est surtout d'élargir la discussion à la problématique globale de la lutte contre le cancer, tous les cancers. Cette agence n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce qui pourrait se faire.

Une autre voie possible serait aussi que le ministre de la Santé profite du cours soudain et brutal de sensibilisation qu'il reçoit en ce moment de par la question des tests de marqueurs de cancer du sein pour faire du cancer une priorité dans son propre ministère. Et, tant qu'à rêver, à donner le message clair à sa «machine» de bouger! Je sais, je sais. Ce serait là une véritable révolution culturelle pour le ministère de la Santé! Mais elle est nécessaire! Vraiment. Vraiment. Vraiment.