Ça pèse combien, le Québec?
Voix publique

Ça pèse combien, le Québec?

Les allégations de corruption, de collusion et de copinage politique éclipsant tout le reste par les temps qui courent, la question du "poids" politique du Québec au Canada attire malheureusement trop peu l'attention.

Quoi? Un sujet "ennuyant"? Pas du tout. Et je m'explique.

Dans un projet de loi, le très ratoureux gouvernement Harper propose d'ajouter 30 nouveaux sièges à la Chambre des communes. Sans surprise, l'Ontario aurait la part du lion avec 18 nouveaux sièges, l'Alberta en récolterait 5 autres. Pour la Colombie-Britannique, ce serait 7 de plus.

Cela ferait passer le nombre de sièges du Québec de 75 sur 308 à 75 sur 338. Sa représentation au Parlement chuterait ainsi de 24,3 % à 22,1 %, alors qu'il forme un peu plus de 23 % de la population canadienne. Le Québec se retrouverait donc sous-représenté.

La raison officielle: mieux refléter l'évolution démographique du Canada. La vraie raison: augmenter les chances du Parti conservateur d'obtenir une victoire majoritaire en ajoutant des sièges là où il pourrait en remporter de nouveaux.

La résilience du Bloc québécois étant ce qu'elle est, le PC doit donc tenter d'aller chercher sa majorité au Canada anglais. Il le fait déjà en pratiquant un clientélisme chirurgical et en courtisant ardemment, entre autres, les lobbys religieux et les communautés culturelles. Ajouter 30 sièges hors Québec serait une arme de plus dans cette stratégie, disons, plus globale.

Ce qui explique aussi pourquoi M. Harper refuse d'augmenter le nombre de sièges du Québec même si cela empêcherait tout au moins son éventuelle sous-représentation.

Pour le Québec, un autre sérieux problème est que cette tendance ira en s'aggravant. Du moins, si les populations de l'Ontario, d'Alberta et de Colombie-Britannique continuent d'augmenter. Ce qui est hautement probable.

Comme quoi, la reconnaissance de la "nation" québécoise par le gouvernement Harper n'est qu'une coquille vide parce qu'elle n'est pas enchâssée dans la Constitution. Et qu'elle ne le sera pas.

Poids "démographique" vs poids "politique"

Il faut tout de même distinguer le poids "démographique" du poids "politique". Si la réduction du nombre de sièges du Québec est préoccupante, la question de son poids "politique" à l'intérieur du Canada l'est depuis pas mal plus longtemps! Appelons ça un long processus d'attrition.

Du poids politique, le Québec en a beaucoup perdu avec le rapatriement de la Constitution en 1982. Puis encore avec les échecs des accords de Meech et de Charlottetown en 1990 et 1992. De même qu'avec la défaite référendaire de 1995. Aujourd'hui, à tort ou à raison, on soupçonne aussi dans les cercles politiques anglo-canadiens qu'il n'y aura tout simplement plus de référendum. Et que si jamais il y en avait un autre, il serait perdu à nouveau par les souverainistes. Bref, le Québec ne fait plus très peur au reste du Canada. Ce qui affecte aussi son poids "politique" réel.

Résultat: dans le ROC et à Ottawa, le refus d'accorder au Québec un élargissement concret de ses pouvoirs est devenu massif. Un vrai mur. Même le PLQ le sait puisqu'il ne demande plus rien. Question aussi de ne pas provoquer un autre échec susceptible d'alimenter les souverainistes.

Nonobstant son nombre de sièges à Ottawa, ou de ministres au cabinet fédéral, le poids politique réel du Québec – son fameux "rapport de force" – est branché sur un respirateur artificiel.

Les "quêteux" de Maxime Bernier

Ce qui nous amène à Maxime Bernier. Désolée! Le très ambitieux député conservateur caricaturait récemment le Québec comme une société de chialeux sur la question nationale et d'éternels quêteux cherchant "toujours plus d'argent dans les poches de nos concitoyens du reste du Canada".

Il s'est fait le gentil perroquet de ce qu'on dit depuis longtemps dans bien des salons du ROC. Soit que le Québec est le "spoiled child of Confederation", jamais content et toujours prêt à en demander plus.

Il y a pourtant une faille majeure dans cette "logique". Car qui défend le point de vue "Don't-Separate-We-Love-You-Kweebek" doit alors s'attendre à ce que le Québec joue le jeu du fédéralisme. Et dans ce jeu-là, par définition, il existe une dynamique de revendications, incluant sur les questions fiscale et financière. Et même sur le nombre de sièges à la Chambre des communes! Le Québec étant une province canadienne, il n'a d'autre choix que de jouer ce jeu. Comme le font d'ailleurs ses consoeurs. S'il ne le faisait pas, il se comporterait comme un pauvre petit village perdu dans un grand État unitaire.

Donc, traiter le Québec de quêteux lorsqu'il revendique des pouvoirs et de l'argent à l'intérieur de la fédération, c'est comme demander à la personne qu'on prétend "aimer" de ne pas quitter, mais tout en lui ordonnant de se taire et de ne plus jamais exprimer ses propres besoins. Genre: "We-Love-You-Kweebek-But-Don't-Ask-For-Anything-Anymore!". Comme déclaration d'amour, on aura vu mieux.

Pourtant, la réalité est que le poids politique du Québec – son rapport de force -, fond déjà depuis au moins 30 ans. Au point où on ne l'entend même plus se "plaindre". Une tendance qui n'est d'ailleurs pas près de s'inverser.

Alors, ça pèse combien, le Québec, au sein du Canada? De moins en moins lourd…