Avec ou sans Jean Charest
Voix publique

Avec ou sans Jean Charest

Que ceux et celles qui sont persuadés de voir Jean Charest se présenter à la prochaine élection générale lèvent la main! Maintenant. S'il vous plaît! Allez. Un petit effort. On attend… Juste une main suffit.

Bon. Ça va. Personne n'ose. Pas une seule main de levée.

Évidemment, comme vous le savez, la lecture de la boule de cristal est un sport fort hasardeux. Surtout en politique. Mais disons que dans ce cas-ci, le départ de monsieur Charest, n'importe quand d'ici la prochaine élection, n'est pas ce qu'on appellerait une prédiction particulièrement audacieuse.

Même les feuilles de son thé, son horoscope du matin ou ses petits biscuits chinois le lui disent probablement aussi…

La descente aux enfers

C'est que depuis des mois, les sondages indiquent un taux d'insatisfaction envers le gouvernement Charest frôlant les 80 %. Quant aux intentions de vote, le PLQ vivote autour des 20 % chez les francophones, pendant que le PQ s'approche des 50 %.

Quant à Jean Charest lui-même, selon le dernier sondage Léger Marketing / Le Devoir / The Gazette, un gros 68 % des répondants ont dit avoir une "mauvaise opinion" de leur propre premier ministre! Mauvaise opinion aussi nettement majoritaire = mauvaise nouvelle pour le PLQ.

Bien sûr, les sondages sont ce qu'ils sont: des "instantanés". La tendance est néanmoins – comment dire – plutôt lourde. Au point où il est possible que même un remaniement ministériel n'y change pas grand-chose à terme.

Les raisons de cette descente aux enfers sont nombreuses et crèvent les yeux. Mais l'ultime péché mortel demeure le refus du PM de tenir cette fameuse commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction et le financement des partis politiques. Et plus il s'entête à la refuser, plus, aux yeux de l'opinion publique, que ce soit fondé ou non, son gouvernement se retrouve avec la pire des étiquettes possibles collée au front: CORRUPTION.

C'est également la résultante de tout un chapelet de crises politiques et/ou de cibles ratées qui s'allonge depuis sa réélection en 2008: la saga des garderies à la sauce Tomassi; un projet de loi sur les accommodements raisonnables se contentant d'interdire le niqab et la burqa; un projet de loi irresponsable sur les écoles anglaises dites passerelles; un leader du gouvernement qui aurait possiblement aidé un ami du très démissionné Tony Tomassi – soit le patron de l'agence de sécurité BCIA maintenant en faillite – à obtenir un permis de port d'arme; un budget douloureux pour la classe moyenne et les travailleurs à faibles revenus; un chambardement du calendrier scolaire pour plaire à une poignée d'écoles religieuses ultra-orthodoxes; un CHUM toujours imaginaire et toujours en PPP (comme dans Pas-Prêt-Pantoute); des temps d'attente à l'urgence qui s'allongent; un code d'éthique qui se fait attendre depuis 2003; un ton hargneux en période de questions; un premier ministre se faisant traiter de "menteur" à répétition par nul autre que son ancien ministre de la Justice; etc., etc., etc.

Un nouveau chef avec ça?

La tendance de fond semble si lourde que des libéraux commencent à se demander si même le départ éventuel de leur chef pourrait briser un cycle aussi infernal. D'autant plus que ce gouvernement en est déjà, de toute manière, à son troisième mandat…

Mais on se demande surtout si même avec un nouveau chef, la marque de commerce libérale du PLQ ne serait pas, dans les faits, endommagée pour longtemps. Comme le fut celle du PLC après le scandale des commandites.

Car la marque de commerce du PLQ est entachée non seulement par un bilan de troisième mandat jusqu'ici peu reluisant, mais encore plus par cette étiquette, méritée ou non, de "corruption". Et si le gouvernement Charest s'est relevé de son étiquette d'"arrogance" au sortir de son premier mandat, le fait est qu'aucun gouvernement provincial ou fédéral au Canada ne s'est jamais vraiment relevé d'allégations de corruption.

Bref, dans l'après-Charest, que le PLQ se choisisse un chef au sein même du caucus – disons, entre autres, une Nathalie Normandeau, un Raymond Bachand ou une Line Beauchamp -, ou qu'il aille cueillir à l'extérieur du caucus et du parti un chef tout nouveau et tout frais sans "bagage" gênant, de plus en plus de libéraux soupçonnent que ça ne suffirait probablement même pas à effacer les traces pénibles de ce mandat.

Et encore moins si le prochain chef refuse, lui ou elle aussi, de créer cette satanée commission d'enquête indépendante sur l'industrie de la construction et le financement des partis.

Vous savez bien? Oui, oui. Celle-là. Cette même commission que plus de 80 % de la population, dont même les policiers, exige et attend depuis déjà le mois d'avril 2009…