Voix publique

Québec, ça va être ta fête!

 

Cette année, la Fête nationale coïncide avec une très grosse semaine côté "anniversaires" politiques, incluant le 50e de la Révolution tranquille et les vingt ans de la mort de l'accord du lac Meech, survenue après une longue et pénible agonie.

Entre les deux, le Québec a vécu trente ans d'effervescence tout simplement inimaginable pour les plus jeunes d'aujourd'hui. Trois décennies pendant lesquelles le fameux "What does Québec want?" monopolisait la scène politique canadienne.

Les lignes de combat furent alors dessinées entre un fédéralisme encore renouvelable et le souverainisme.

Mais en juin 1990, l'échec de Meech, suivi en 1992 par celui de l'accord de Charlottetown, mettait fin à l'ambition de renouveler le fédéralisme.

Pourquoi? Parce que cet échec fut un puissant révélateur d'une opinion publique canadienne-anglaise majoritairement opposée à tout statut "spécial" pour le Québec, même aussi minime que celui de "société distincte". Depuis, le Canada voit sa propre Constitution comme une dangereuse boîte de Pandore qu'il refuse d'ouvrir par crainte de voir un nouvel échec en sortir pour alimenter les "séparatistes", comme ce fut le cas à la mort de Meech.

Bref, le Canada est un pays constitutionnellement névrosé! Mais une névrose avec laquelle le ROC vit très confortablement, merci beaucoup.

Tourner en rond…

Après Meech et Charlottetown, vint le référendum de 1995: 49,4 % pour le OUI et 50,6 % pour le NON. Puis la démission de Jacques Parizeau, les partitionnistes, la Loi dite sur la clarté, les unifoliés et les commandites mur à mur sous Chrétien. Quant à Lucien Bouchard, devenu premier ministre, obsédé par son déficit zéro, il attendait des "conditions gagnantes", qu'il ne voyait d'ailleurs jamais venir.

Surtout, post-1995, la classe politique québécoise s'installe dans son petit ronron-petit-patapon. Et ça tourne plus ou moins en rond depuis ce temps.

Le PLQ répète comme un automate qu'on ouvrira la Constitution "lorsque le fruit sera mûr". M. Bouchard pleure encore la mort de Meech devant les caméras et jure qu'il le signerait aujourd'hui si seulement c'était possible…

Face aux sondages montrant qu'une majorité de Québécois espère encore un renouvellement du fédéralisme, le Bloc dénonce à répétition son impossibilité. Malgré cela, Pauline Marois propose d'engager le PQ, s'il prend le pouvoir, à faire le "bon gouvernement" pendant qu'il investira ses énergies dans une ronde de revendications tous azimuts auprès du fédéral. Un jeu voué d'avance à l'échec.

Entre alors en scène Jacques Parizeau. Le 19 juin, dans une entrevue au Globe and Mail, il reprenait cordialement ce qu'il dit en fait depuis des années: le PQ doit "préparer" dès maintenant son plan pour un Québec souverain (1).

Mais il mettait aussi le doigt sur un gros bobo. Parlant d'un différend qui existe au sein du PQ depuis longtemps, il disait ceci: "Il y a ceux qui ont une idée claire de leur objectif (souveraineté) et qui veulent se préparer en conséquence. Et il y a ceux qui seraient heureux de prendre le pouvoir et de voir ensuite les possibilités. Ils sont encore souverainistes, mais d'abord et avant tout, ils veulent offrir un bon gouvernement."

Quant au référendum, les dirigeants du PQ suggèrent qu'il soit "tenu au moment jugé approprié par le gouvernement". Pour s'en expliquer, Mme Marois avance ceci: "on le fera lorsqu'on pensera qu'on sera capable d'avoir un appui majoritaire de la population". Le problème étant qu'il est impossible de prévoir d'avance le résultat d'une campagne référendaire où, par définition, tout peut arriver…

Ce qui pose la question qui tue: à quoi donc doit servir le pouvoir pour un parti dont l'option est la souveraineté? (Considérant, bien entendu, que de «gouverner» est, de toute façon, ce que doit faire tout parti auquel la population donne le pouvoir, qu'il soit fédéraliste, souverainiste ou autonomiste.)

De 1996 à 2003, la réponse fut la gouvernance, point. En 2010, la réponse est plus longue: gouvernance + adopter une Constitution et une citoyenneté québécoises au sein du Canada + revendiquer auprès d'Ottawa des pouvoirs qu'il ne cédera jamais.

M. Parizeau propose plutôt de peaufiner les dossiers d'un Québec souverain. Le tout pour que le PQ, le jour où il retournera au pouvoir, soit prêt à promouvoir son option de manière ouverte et étoffée.

Dans une telle optique, le but pour le PQ serait non pas de revendiquer des pouvoirs d'Ottawa, mais de préparer un éventuel troisième référendum. Et de le faire en sachant que ni la victoire ni la défaite ne pourront jamais être "garanties" d'avance.

Bref, des réflexions dignes d'une Fête nationale riche en anniversaires marquants. Et donc, riche en leçons à méditer…

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(1)  http://www.theglobeandmail.com/news/national/quebec/pq-must-have-plan-for-governing-independent-country-parizeau/article1610148/

(*) Entrevue de Jacques Parizeau à CBC donnée également dans le cadre de la sortie en anglais de son livre (@via vigile.net): http://www.cbc.ca/thecurrent/2010/06/june-24-2010.html 

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@ Photo: Jacques Nadeau, Le Devoir, 25 mai 2010.