Troubles cardiaques
Voix publique

Troubles cardiaques

"Si quelqu'un n'a pas les moyens, vous le savez comme moi, il n'a pas d'autre choix, il faut envoyer leurs [sic] enfants dans les écoles françaises." Brent Tyler, avocat et ex-prés. d'Alliance Québec (1) 

Avouez qu'il est difficile d'être plus clair. Cette citation, conservez-la bien précieusement. C'est une pièce de collection.

Vous ne trouverez nulle part ailleurs un résumé plus limpide de la loi 115 adoptée sous le coup du bâillon.

Impossible de mieux décrire une loi qui, dans les faits, permettra aux parents francophones, allophones et/ou immigrants d'acheter à leur enfant le "droit" à l'école anglaise subventionnée. Ce faisant, on ressuscite un message qu'on croyait pourtant mort et enterré: l'anglais vaut plus cher que le français.

Bienvenue dans la seule province où l'on "vend" un droit constitutionnel aux plus offrants!

Calquées sur le jugement de la Cour suprême invalidant la loi 104 (2), le gouvernement en dicte même les conditions d'achat.

1) Pour 30 000 $ à 40 000 $: payer un séjour de trois ans à son enfant dans une école anglaise privée non subventionnée dite "passerelle".

2) Puis, se pointer au ministère de l'Éducation. Un fonctionnaire jugera discrètement et arbitrairement si le "parcours scolaire" de l'enfant est "authentique" et donc, s'il aura accumulé les 15 points requis par une "grille d'analyse" kafkaïenne.

3) Le tout complété, bingo! L'enfant reçoit son "certificat d'admissibilité" lui permettant de faire le reste de son primaire et tout son secondaire, à VOS frais, à l'école anglaise subventionnée de son choix, privée ou publique.

4) Re-bingo! Tous ses frères, sours et leurs futurs descendants recevront aussi en cadeau le précieux certificat.

L'art de bien amortir son "investissement", quoi.

Un «très petit nombre», avez-vous dit? 

Mais, vous dit-on, tout cela ne toucherait qu'un "très petit nombre" d'élèves. Avec un tel système pyramidal, le Québec risque pourtant de se retrouver d'ici 15 ans avec quelques dizaines de milliers de francophones, mais surtout d'allophones et/ou d'immigrants ayant fait, faisant ou sur le point de faire, à VOS frais, leur primaire et secondaire en anglais.

Le tout pour se diriger par la suite en majeure partie vers des cégeps et universités anglophones.

Et ce, pendant que le Québec demeure le seul État connu où, pour l'intégration de ses immigrants, la langue majoritaire doit concurrencer la langue minoritaire – soit l'anglais, ici -, laquelle est aussi massivement majoritaire au pays et sur le continent. La question n'est donc vraiment pas de s'ériger contre l'acquisition d'autres langues, mais de savoir laquelle, du français ou de l'anglais, s'impose ici comme langue d'intégration.

Or, c'était justement pour donner du tonus au français que le gouvernement Lévesque adoptait la loi 101 en 1977. Loin d'être "radicale", elle visait à faire du français la langue "normale et habituelle" de l'éducation, du commerce, de l'affichage et de l'administration publique.

Mais c'était sans compter deux gros pépins. 1) Au fil des ans, de multiples jugements viendraient en affaiblir la lettre et l'esprit. 2) Après 1996, hormis la loi 104 de 2002, la volonté politique de la protéger allait également fondre comme neige au soleil.

Bref, fragilisée par les tribunaux et de plus en plus banalisée par les gouvernements, la loi 101 n'aura jamais pu donner son plein rendement. La langue française en paie aujourd'hui le prix.

Vous savez, l'affichage commercial en français, c'était en quelque sorte le "visage" de la loi 101 et la francisation des lieux de travail, ses "bras" et "jambes".

Mais vous savez aussi que depuis 1993, alors que la loi fut affaiblie à ce chapitre, l'affichage s'anglicise lentement. Quant à la langue de travail, elle peine encore à s'imposer à Montréal dans les moyennes et petites entreprises.

Mais le cour de la loi 101, c'est vraiment, vraiment la langue d'éducation. Avant 1977, 85 % des enfants d'immigrants étaient éduqués en anglais. Donc, dans la langue et la culture de la minorité. Une situation impensable hors Québec.

Le «coeur» de la loi 101

Mais en 1977, partant du principe que nulle société n'est tenue de subventionner sa propre marginalisation, la loi 101 imposa enfin une règle simple et vitale. Les écoles anglaises sont pour la communauté anglophone historique. Et, à part quelques exceptions prévues par la loi, les enfants de francophones et d'immigrants vont à l'école française.

Objectif: faire du français une langue d'intégration, de culture, de cohésion sociale. Et donc, de rapprochement entre Québécois de diverses origines.

Or, la loi 115, en brisant cette règle, ce consensus social, s'attaque au cour même de la loi 101 en offrant d'acheter l'accès aux écoles anglaises subventionnées.

Pendant ce temps, Jean Charest accuse les opposants à la loi 115 d'être de dangereux "radicaux".

Et pourtant, en enfonçant dans le cour de la loi 101 un poignard serti de l'argent de parents bien nantis, c'est plutôt son propre gouvernement qui pose aujourd'hui un geste radicalement honteux…

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(1) Maisonneuve en direct, 19 octobre 2010.

(2) Adoptée à l'unanimité en 2002, la loi 104 permettait aux parents francophones et immigrants d'inscrire leur enfant à une école privée anglaise non subventionnée, mais leur interdisait de se servir de ce passage pour obtenir ensuite l'accès aux écoles anglaises subventionnées.