Les plaques tectoniques
Voix publique

Les plaques tectoniques

Avouez que ça grouille et scribouille pas mal depuis un mois. Et maintenant, la question qui tue: les plaques tectoniques de la politique québécoise seraient-elles en train de bouger? Et si oui, dans quelle direction?

Pour le moment, elles semblent se déplacer surtout vers la "droite". Phénomène intrigant, ce coin de l'arène étant déjà occupé par le PLQ et les restes de l'ADQ.

La rumeur veut pourtant qu'un mouvement se disant de centre droit, mais qui sera sûrement nappé d'une épaisse sauce de type "Lucide", émergerait bientôt des cogitations de deux ex-ministres péquistes, François Legault et Joseph Facal.

En plein recrutement, M. Legault chasserait jusque dans les terres fédéralistes de la grande entreprise. Et même dans les rangs du PLQ.

Dommage collatéral: le coup venant du sérail péquiste et M. Charest étant déjà cloué au plancher, Pauline Marois en sort la première amochée. Son éternel rival, Bernard Landry, en a même profité pour la critiquer. Sans aucune ambition, la députée Lisette Lapointe, épouse de Jacques Parizeau, se faisait quant à elle la porte-parole de militants persuadés que le programme du PQ est trop timide côté préparation d'un prochain référendum (1). Un fait.

Résultat: c'est parti! Politiquement parlant, le bras de la chef péquiste est dans le tordeur du moment où on se demande même si elle survivra à son vote de confiance au congrès du PQ en 2011. Or, il y a à peine un mois, le PQ trônait au sommet des sondages. Mais lorsque les plaques tectoniques se mettent à bouger…

Encore plus à droite: le Réseau Liberté-Québec, dont quelques fidèles pourraient bien servir de recruteurs à Legault & Facal. À l'exception de ses purs et durs, genre Jeff Fillion et autres jeunes émules masculins des radios "poubelles" voyant partout des "socialistes" pourtant imaginaires.

Pendant ce temps, une constante demeure: Jean Charest et le PLQ continuent de couler à pic dans les sondages. Un bien petit détail, semble-t-il, dans tout ce bourdonnement…

Que se cache-t-il derrière cet alignement soudain de planètes?

Réponse: un discours omniprésent et martelé depuis des mois sur plusieurs tribunes. Pas surprenant qu'il capte l'attention d'une partie de l'opinion publique.

Ce discours, il ressemble à ceci: il y a une "grande lassitude" envers les deux partis; la population est "cynique" et "indifférente"; on croule sous l'"immobilisme"; un "énorme vide" reste à combler par la droite; nos finances sont "dans le rouge" et on fonce droit sur un "mur"!

Cachez vos enfants, les Bonhommes Sept Heures de la morosité chronique s'en viennent les chercher!

Ce discours est un grand classique. L'histoire nous enseigne qu'il précède souvent la montée d'une droite prête à tout régler avec ses solutions simplistes et individualistes aux fausses allures de "vérité" et de "gros bon sens" populiste face à des problèmes complexes et de nature collective.

Ce discours est d'autant plus efficace s'il se pointe là où des populations ont déjà des raisons fort réelles de s'inquiéter de la manière dont elles sont gouvernées. Comme au Québec. (Voir les soupçons de corruption et de copinage qui flottent autour du gouvernement.)

Voilà un terreau fertile pour des discours offrant des solutions miracles du genre "on coupe à la hache et on pose les questions après"!

Passer enfin aux "vraies affaires"

Ces plaques tectoniques cherchent aussi à s'éloigner de la question nationale pour s'occuper des "vraies affaires". Mais dans les faits, ce que les Legault & Facal remettent à la semaine des quatre jeudis, c'est l'option souverainiste. Auront-ils la franchise de le dire aussi clairement?

Bref, ce n'est pas tant Pauline Marois que tout ce beau monde a dans sa mire que l'option même de la souveraineté.

Cette combinaison de néoconservatisme et de mise au rancart de cette dernière explique l'effervescence que l'on sent monter dans la droite québécoise, toutes tendances confondues. Comme s'ils se disaient en choeur un beau gros "enfin"!

On croirait entendre Lucien Bouchard, Mario Dumont, l'ADQ en quête d'un nouveau foyer et un milieu des affaires qui, depuis des décennies, n'attend que ça.

Inquiétant. D'autant que les néoconservateurs gouvernent le Canada depuis 2006 alors que chez nos voisins américains, le Parti républicain et le Tea Party Movement ont Barack Obama planté au centre de leur cible pour 2012.

Tout cela est le symptôme d'une montée de la droite déjà bien entamée ailleurs. Ici, il s'adonne que cette droite aimerait se débarrasser en même temps du "boulet" indépendantiste. Aussi peu menaçant soit-il ces temps-ci.

Mais "lire" les plaques tectoniques est une chose. Savoir avec certitude ce que leur déplacement finira par produire en est une autre.

Cette suite des choses, elle dépendra de la manière dont les Québécois réagiront lorsqu'ils sauront ce que les Legault, Facal et le RLQ ont réellement à leur offrir, soit du "changement" sous forme de "déjà vu". On saura alors s'ils sont vraiment prêts à acheter un retour à un conservatisme résolument provincialiste.

Car de fait, ils ont déjà dit non à cette "vision". Du moins, à celle signée Stephen Harper…

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(1)  Au moment de mettre sous presse, l'entrevue de Jacques Parizeau n'avait pas encore été diffusée. Celle-là même qu'il donnait le 27 octobre au soir au journaliste Pierre Duchesne: 

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2010/10/27/009-parizeau-entrevue-pq.shtml

Et voici l'entrevue que j'accordais sur ce sujet, le 28 octobre au midi, à l'émission Maisonneuve en direct sur les ondes de la Première chaîne. Voir section: Les critiques et les éloges de Jacques Parizeau à: http://www.radio-canada.ca/emissions/maisonneuve_en_direct/2010-2011/