Voix publique

Chefs sous surveillance

En décembre, François Legault, l'ex-ministre péquiste dont on attend toujours le fameux manifeste, prédisait qu'il aurait une "grosse année 2011"…

Pour tout dire, le fait est que l'ex-ministre péquiste sera très, très loin d'être le seul à se taper une "grosse année" politique.

D'autant plus qu'à Ottawa, les partis se préparent pour une probable élection printanière pendant qu'au Québec, 2011 risque fort d'être une année pré-électorale particulièrement mouvementée.

Et elle débutera en lion! En janvier, Me Michel Bastarache déposera son rapport très attendu sur les allégations de Me Marc Bellemare quant à l'influence de collecteurs de fonds libéraux dans le processus de nomination de juges.

Complaisant à outrance avec la "partie" gouvernementale tout au long des audiences de sa commission, on verra enfin jusqu'où dépassera le jupon de la toge de Me Bastarache – cet ancien juge lui-même nommé à la Cour suprême en 1997 en partie grâce à sa filiation connue avec le Parti libéral fédéral…

En février, le BAPE remettra son rapport sur le controversé gaz de schiste. En attendant, selon un sondage récent, pas moins de 60 % des Québécois réclament un moratoire. Le même que le gouvernement Charest refuse d'imposer à une industrie pressée et où, par hasard, y travaillent plusieurs ex-attachés libéraux.

Et en avril, tenez-vous bien, cela fera déjà deux ans que l'ADQ demandait pour la première fois une commission d'enquête sur la corruption, la collusion et l'industrie de la construction!

Eh oui, cette même commission voulue par 80 % des Québécois et que le gouvernement leur refuse tout autant. Quitte à croupir au sous-sol depuis des lustres avec à peine 20 % d'appuis chez les francophones.

Du côté de Jean Charest…

Le thème dominant pour 2011: le leadership. Celui de Jean Charest et de Pauline Marois. Deux chefs sous surveillance.

Quant au premier, il déclarait en fin d'année qu'il voulait "nettoyer l'ardoise" de son annus horribilis. N'ayant plus rien à perdre, on s'attendrait donc à ce qu'il tente le tout pour le tout. Bref, qu'il se montre enfin à l'écoute d'une population en colère. La chose est possible, mais peu probable.

On le verra plutôt essayer, à nouveau, de changer le "poste" de l'éthique pour celui de l'économie. Un pari risqué, presque perdu d'avance, du moment où une vaste majorité a justement perdu confiance dans le département de l'éthique et non de l'économie…

Et ce n'est certes pas la création promise d'une unité anticorruption permanente qui y changera quoi que ce soit. Surtout considérant la faiblesse de l'Opération Marteau et d'une unité anticollusion dont le patron, Jacques Duchesneau, a dû lui-même quitter le temps qu'on enquête sur des allégations faites sur le financement de sa campagne à la mairie de Montréal.

La question est donc incontournable: si l'impopularité marquée du gouvernement se poursuit – et c'est fort probable – M. Charest démissionnera-t-il d'ici l'automne? Comme dirait l'autre, poser la question, c'est y répondre…

Et si oui, cela ferait-il vraiment une différence pour un Parti libéral très, très sérieusement amoché… avec ou sans Jean Charest?

Du côté de Pauline Marois…

Du côté de Pauline Marois, tous les yeux sont tournés vers son vote de confiance lors du congrès péquiste d'avril – le premier en six ans!

Plusieurs se demandent s'il y aura psychodrame comme ce fut le cas pour Lucien Bouchard en 1996 et Bernard Landry en 2005. Alors que le PQ carbure à près de 50 % chez les francophones, certains se demandent aussi si le fantôme de son ancien rival, François Legault, ou la forte popularité d'un Gilles Duceppe, lui feront perdre des plumes dans l'isoloir du vote de confiance.

Or, Mme Marois a de bonnes chances de bien s'en tirer. Du moins, vu en ce moment! La "vraie" histoire, par contre, risque de se jouer ailleurs. Soit sur l'option même du PQ. Non pas sur l'échéancier référendaire en soi. Même Jacques Parizeau en approuve l'absence.

Le vrai débat se fera plutôt sur l'état de préparation à un éventuel référendum. Ou, si vous préférez, sur ce que M. Parizeau appelle "transformer le rêve en projet". Mme Marois proposera-t-elle ou non des mesures concrètes allant dans ce sens? Grosse question.

Et la "gouvernance souverainiste" dont elle a fait son cheval de bataille, en quoi consistera-t-elle? Que voudra dire "gouverner en souverainiste", mais sans nécessairement faire la souveraineté? Bref, réussira-t-elle à convaincre ses délégués qu'elle peut résoudre cette quadrature du cercle?

Bouger

2011 a également de bonnes chances de confirmer le réveil des eaux dormantes citoyennes.

Que cette nouvelle année marque ainsi la métamorphose de la colère et du cynisme en une redécouverte urgente de l'importance vitale de notre démocratie…