Voix publique

"What does Québec want?"

Le 15 avril prochain, en pleine campagne électorale fédérale où le Québec n'est même plus un enjeu, le PQ ouvrira son premier congrès en six ans.

Vous l'aurez deviné. Il parlera "identité" et "gouvernance souverainiste".

Or, pendant que les projecteurs seront braqués sur le vote de confiance de Pauline Marois, les vraies affaires se joueront ailleurs.

Elles se joueront lorsque le PQ adoptera sa fameuse "proposition principale", laquelle coulera dans le ciment ce qu'il fera, ou non, avec son option s'il forme le prochain gouvernement.

À un an ou deux d'une élection générale, la question n'est pas anodine.

Une gouvernance "souverainiste" ou "nationaliste"?

En fait, les grandes lignes sont déjà connues puisqu'elles sont celles de Mme Marois. Le prochain programme du PQ offrira donc la combinaison suivante: pas d'échéancier référendaire, mais une "gouvernance souverainiste" pour "faire avancer le Québec".

Le tout reposera sur deux grands axes. Primo: des politiques "identitaires", incluant une loi 101 renforcée et la création d'une citoyenneté québécoise à l'intérieur du Canada. Secundo: tenter de rapatrier d'Ottawa un certain nombre de pouvoirs.

Bref, une approche nettement plus "nationaliste" que souverainiste. Et c'est précisément ce qui explique la sortie fracassante de Jacques Parizeau dans Le Devoir du 28 mars.

Qualifiant carrément cette approche de "flou artistique" et de "paroles verbales", il s'inquiétait surtout de l'absence de "préparation" active d'un éventuel référendum. Il dénonçait aussi le tripotage de règles internes par l'establishment péquiste pour tenter d'empêcher qu'un débat ait lieu en congrès sur cette question.

Bref, l'ancien premier ministre demeure d'une cohérence redoutable. L'an dernier, il tenait d'ailleurs des propos fort similaires dans une entrevue au Globe and Mail.

Mais dans les faits, il avait aussi lancé le même message à Lucien Bouchard et Bernard Landry du temps où ils étaient premiers ministres.

Ce message étant le suivant: le PQ, au pouvoir, doit savoir marcher et mâcher de la gomme en même temps.

Traduction: avec ou sans une date précise pour un référendum, le PQ peut très bien gouverner tout en faisant la promotion active de son option et en se préparant pour la suite des choses. Ce qu'aucun chef depuis 1996 n'a d'ailleurs vraiment fait…

Si M. Parizeau sort à nouveau pour le redire, c'est de toute évidence parce qu'il s'inquiète de voir le problème perdurer sous Mme Marois.

La suite saura dire si les "compromis" que propose maintenant cette dernière pour "rassurer" M. Parizeau seront ou non plus qu'une simple tentative de calmer le jeu à trois semaines à peine du congrès du PQ.

Le "substitut" identitaire

À noter: du côté fédéraliste québécois, une autre sortie spectaculaire faite en tout début de campagne électorale précédait celle de M. Parizeau.

Le 24 mars, Jean-Claude Rivest – sénateur indépendant et ancien proche conseiller de Robert Bourassa – dénonçait quant à lui l'"indifférence" totale des Canadiens et des partis fédéraux face aux enjeux québécois.

L'art de ne pas faire dans la dentelle…

Bref, voici deux vétérans des grandes luttes constitutionnelles du Québec moderne qui, aujourd'hui, constatent chacun l'existence d'une impasse dans son propre "camp" politique.

Car si ça patine fort au PQ pour ne pas trop parler de référendum, du côté du Parti libéral du Québec, ça n'ose pas plus parler de "fédéralisme renouvelé" face à un Canada devenu complètement indifférent à la chose.

À preuve: pendant cette campagne électorale, le gouvernement Charest se fait aussi discret qu'une souris dans un party de matous. Quant aux grands enjeux québécois, on en est presque réduit à se contenter d'un nouveau pont…

Pour tout dire, qu'il y ait ou non à Ottawa une brochette de Québécois autour de la table du conseil des ministres, le reste du pays ne prête plus grande attention au Québec.

Et on l'ignore en bonne partie parce qu'un prochain référendum semble de plus en plus hypothétique pendant que le PLQ, lui, est sorti de l'échec de Meech parfaitement castré sur le plan constitutionnel.

Résultat: comme je l'écrivais récemment dans The Gazette, la réponse du reste du Canada au légendaire "What does Québec want?" des années 60 n'est plus aujoud'hui qu'un tout petit, mais très sincère "Who cares?"…

Le Québec ne fait plus "peur". Il n'inquiète même plus. On ne craint plus pour l'unité canadienne et la Constitution est verrouillée à triple tour.

Cette "indifférence" s'amplifie aussi à mesure que se construit un nationalisme et un patriotisme canadiens sans que le Québec n'y tienne le moindre petit rôle de support.

Pendant ce temps, une partie de la classe politique québécoise retourne à des politiques dites plus "identitaires". Un peu comme si elle se cherchait un "substitut" pour une souveraineté qui ne se prépare pas vraiment, ou encore, pour un fédéralisme renouvelé aussi probable qu'une tempête de neige en plein juillet.

Dans un tel contexte, il n'est donc pas surprenant d'entendre certaines voix s'inquiéter très publiquement de cette double "impasse" politique. Surtout celles qui, comme messieurs Parizeau et Rivest, ont l'âge et l'expérience d'avoir connu de bien plus grandes ambitions pour le Québec.

Mais en attendant, je sais, je sais…

Il y a le pont Champlain à remplacer et un Colisée à construire…