Voix publique

Le post-mortem

Même après une défaite électorale cuisante, rares sont les partis capables d'opérer un véritable post-mortem lucide et sans complaisance.

L'exercice étant souffrant par nature, la fuite en avant lui est malheureusement souvent préférée.

Prenez la noyade spectaculaire du Bloc dans les flots orange du tsunami NPD. Une autopsie fouillée de sa mort clinique est pourtant essentielle.

Or, le Bloc étant la "branche" fédérale du mouvement souverainiste, c'est en premier lieu au PQ qu'il revient d'en faire une analyse froide. Mais également aux intellectuels et aux universitaires (1).

Se tromper de cible

Le PQ n'a pas le choix. Sans une compréhension des causes de la chute du Bloc, il risque de répéter les mêmes erreurs et d'en payer le prix aux prochaines élections québécoises.

D'autant plus que Pauline Marois pourrait se retrouver dès l'an prochain face à François Legault – un nouvel adversaire aussi déterminé qu'elle à devenir premier ministre.

Or, plutôt que de faire ce post-mortem, on sent un PQ pressé de tourner la page. Une certaine pensée magique s'installe déjà pendant que des attaques surprenantes se trompent dangereusement de cible.

Ainsi, on entend dire qu'un gouvernement Harper majoritaire, un Jack Layton incapable d'être la nouvelle "voix" du Québec et le simple choc de la pulvérisation du Bloc vont "réveiller" les souverainistes.

Mais les "réveiller" pour faire quoi dans la mesure où le PQ hésite à s'engager plus clairement dans la réalisation de son option?

Cette même hésitation qui perdure depuis le dernier référendum a pourtant contribué à l'érosion de la pertinence du Bloc à Ottawa…

Mme Marois propose plutôt d'emprunter la voie de la confrontation avec Ottawa si elle prend le pouvoir. Ce qui ferait "comprendre" aux Québécois, encore une fois, qu'il leur est impossible d'exister comme nation dans ce pays.

Le 24 mai, devant la Chambre de commerce de Québec, elle décrivait son approche: "Quand les Québécois réaliseront que le statut du Québec au sein du Canada retient l'élan que nous voulons nous donner, nous serons prêts, je crois, moi, à faire du Québec un pays".

Donc, plutôt que de s'engager à une promotion active de son option, le PQ chercherait à recréer l'effet de rejet de l'échec de Meech en 1990… mais en pièces détachées…

Prédiction no 1: le "nouveau" François Legault converti au post-nationalisme présentera alors le PQ comme un "vieux parti" prisonnier de ses "vieilles chicanes". Prédiction no 2: d'autres le répéteront avec lui.

Et pourtant… Relire du Pierre Bourgault replacerait le tout dans une perspective politique et historique nettement plus enlevante.

À savoir – pour reprendre un discours prononcé en 1961 et cité par Jean-François Nadeau dans sa magnifique biographie de Bourgault – que l'indépendantisme se choisit non par la "faute" du Canada, mais par un "sentiment de dignité".

Et le grand communicateur qu'il était d'ajouter: "sachez donc une fois pour toutes que l'attitude du Canada anglais, hostile ou aimable, indifférente ou généreuse, ne changera absolument rien à notre volonté d'être maîtres chez-nous".

Bref, refaire le tour du même jardin du "rejet" manque d'imagination.

D'autant plus que diverses initiatives au ton plus positif montent de la société civile. Un nouveau réseau "Cap sur l'indépendance" en est un exemple. Un autre en est ce petit bijou de recueil de textes signé par douze jeunes: "J'aurais voté Oui, mais j'étais trop petit", paru chez Editas.

On le voit. Le refus d'un vrai post-mortem affecte le jugement. Une autre preuve en est cette attaque aussi étonnante que virulente du nouveau président du PQ, Raymond Archambault, contre Amir Khadir. Et ce, pour le simple péché d'avoir des sympathies connues pour le NPD…

Dans Le Devoir, M. Archambault s'en est pris durement à M. Khadir tout en prevenant d'avance que voter pour Québec solidaire aux prochaines élections ferait réélire Jean Charest.

C'est ce qu'on appelle se tromper royalement de cible.

Le PQ attaque le seul député souverainiste non péquiste, mais ose à peine critiquer son véritable adversaire – François Legault.

À chacune de ses sorties, le PQ l'invite naïvement à rentrer au bercail et répète que les "idées" de Legault, même les plus conservatrices et/ou les moins bien documentées, sont pareilles aux leurs…

Ce drôle de choix de s'aligner plutôt que de se distinguer – hormis la confrontation avec Ottawa -, aide sûrement à comprendre pourquoi M. Archambault s'est donné la peine de déclarer que l'"avenir du Québec n'est ni à gauche ni à droite".

Ah bon?

Le texte mal avisé de M. Archambault lui a d'ailleurs valu une réponse cinglante. Dans Le Devoir, une lectrice observait que ce genre de rhétorique "chancelante" du PQ est justement ce "qui a conduit à la nécessité de QS à sa gauche et à la tentation de Legault à sa droite".

Si les dirigeants souverainistes prenaient le temps de se livrer à une véritable analyse de la chute du Bloc et de l'arrivée de Legault, peut-être finirait-il par arriver à une conclusion semblable… Qui sait?

(1) Consultez mes analyses post-électorales dans mes trois dernières chroniques et sur mon blogue.