Voix publique

La loterie du "changement"

"Changement! Changement! On veut du changement! Quitte à confier au lévrier les leviers du clapier."   – Extrait de Super Mario, Loco Locass

Les indices pleuvent de partout. Des sondeurs se confondent en analyses aussi confuses que superficielles. L'électorat est d'une extrême volatilité.

La scène politique québécoise ressemble de plus en plus à des sables mouvants pour les "vieux partis" que sont devenus le PLQ et le PQ.

Bref, la boussole électorale du Québec est complètement déboussolée.

Traduction: face à la fort mauvaise réputation du gouvernement Charest côté "éthique" et à une offre politique peu enlevante du côté du PQ, plus du tiers des Québécois veulent du "changement". Point.

Pour le moment, n'importe quel "changement" semble faire l'affaire. Même François Legault – cet ex-ministre péquiste, qui n'a pourtant rien "changé" pour le mieux lors de son passage à la tête des deux principaux ministères du gouvernement – la Santé et l'Éducation.

Il faut vraiment que le PLQ et le PQ peinent à inspirer pour que la création annoncée d'un énième parti plus ou moins nationaliste et de centre droit – on ne les compte pourtant plus au Québec depuis 1867 – passe pour du vrai "changement".

Même la prétention de M. Legault à l'effet que la "question nationale" est devenue un "frein" pour le Québec a des relents de chrétienneries.

Pour tout dire, tout ça sent la reprise de 2007. L'année où l'ADQ fut propulsée à l'opposition officielle avant de redescendre aussi vite qu'une étoile filante.

Mario Dumont avait certes profité du fameux dossier des "accommodements raisonnables", mais il avait surtout bénéficié de l'immense avantage de ne PAS être Jean Charest, ni André Boisclair.

Aujourd'hui, comme en 2007, face à Pauline Marois et au même Jean Charest – redevenu aussi impopulaire -, ce n'est pas tant la nature du changement qui excite les foules que ce désir de changer pour "autre chose". Quitte à troquer du très usagé contre du faux neuf.

Y a-t-il un pilote dans l'avion?

Une évidence: le leadership de Pauline Marois fut considérablement ébranlé par les démissions de quatre de ses députés les plus respectés.

Des démissions provoquées en partie par sa gestion chaotique du dossier controversé du projet de loi privé bétonnant l'entente Labeaume-Quebecor sur la gestion du futur amphithéâtre de Québec.

Mais surtout, sur le fond des choses, par l'absence d'un plan de match clair pour promouvoir l'option souverainiste et préparer concrètement un éventuel référendum.

Puis, vint cette guéguerre surréaliste menée très publiquement contre Jacques Parizeau par quelques "jeunes" [sic] députés péquistes.

C'est à se demander s'il y a encore un pilote dans cet avion. Qui sait si d'autres députés n'en viendront pas quant à eux à vouloir "changer" d'avion ou de pilote.

Or, cette guéguerre cache un conflit entre les écoles de pensée indépendantiste d'un côté, et autonomiste de l'autre – incarnée cette fois-ci par Mme Marois. C'est donc tout sauf un choc de générations.

Récapitulons: sans le moindre petit référendum à l'horizon; avec une multiplication de crises publiques et enfin, ces attaques gratuites lancées contre M. Parizeau dans le but, on dirait bien, d'en finir avec sa vision des choses, la direction péquiste, loin de "fédérer" les souverainistes, péquistes ou non, est plutôt en train de les diviser.

Le tout, au moment où le PQ est vulnérable avec Québec solidaire dans son rétroviseur et François Legault, dans son angle mort.

Et qui sait si d'ici la prochaine élection, le PLQ ne finira pas, quant à lui, par se trouver un nouveau chef dans une boîte de Cracker Jack.

Résultat: la nature abhorrant le vide, le "changement" risque fort de porter le nom de François Legault.

Bref, comme disait ma grand-mère: "Quand ça sent le grand ménage… c'est que ça sent le grand ménage"…

Les députés démissionnaires ont aussi dit souhaiter que la manière de faire de la politique "change". Qu'elle se fasse "autrement". Appelons ça l'"effet" Amir Khadir.

Ce qui nous amène aux électeurs sociaux-démocrates – souverainistes ou non -, Québec solidaire pourrait fort bien leur offrir une option tentante.

Le 2 mai, plus de 40% des électeurs québécois s'exerçaient d'ailleurs déjà au "changement" en balayant le Bloc de la carte politique.

Si la tendance se maintient – et que Mme Marois ne trouve pas moyen de rebâtir les ponts dynamités au sein de ses propres troupes -, combien d'électeurs risquent, à la prochaine élection québécoise, d'oublier le balai pour sortir carrément l'aspirateur?

Si cela devait s'avérer, l'establishment politique, autant au PLQ qu'au PQ, n'aurait que lui-même à blâmer pour sa propre turpitude.

Une turpitude apte à produire un "changement" qui, côté Legault, a de bonnes chances de se révéler passablement illusoire.

On a beaucoup parlé de l'"obsession du pouvoir pour le pouvoir" au PQ. Il faudrait peut-être aussi remarquer celle qui monte chez M. Legault.

Bref, comme le chante Richard Desjardins: "Le pire, c'est quand le pire se met à rempirer"…

Car à la loterie du "changement" politique, rares sont les vrais gagnants dans ce monde. Du moins, par les temps qui courent.