Voix publique

La suite des choses

Les dominos tombent au Parti québécois. Au moment de mettre sous presse, cinq députés avaient démissionné alors qu'un autre se retirait du caucus .

Combien d'autres suivront? Bien malin qui saurait le dire.

Une chose est néanmoins claire: cette nouvelle crise est la manifestation d'un schisme apte à menacer l'existence même du PQ.

Par conséquent, le PQ saigne et saignera encore. Que Pauline Marois finisse ou non par le réaliser…

Il saignera au profit d'un François Legault et d'un Amir Khadir. Voire, qui sait, d'un éventuel nouveau parti indépendantiste.

Et il saignera en grande partie par sa propre faute.

Il saignera parce qu'il sent de plus en plus le "vieux parti". C'est bien ce qu'en disent trois des députés démissionnaires lorsqu'ils souhaitent trouver une manière de faire la politique "autrement". Avec plus de "liberté" et plus d'"écoute" des citoyens. Vaste programme.

Or, pour tout dire, le fait est que le PQ perd de son sang depuis le référendum de 1995 avec un "message" de plus en plus ambigu. Et donc, de moins en moins crédible.

Gouverner, oui. Mais la souveraineté? Seulement si les "conditions gagnantes" sont réunies, que l'"assurance morale de gagner" est bétonnée et que le moment est jugé "approprié".

Ça commence drôlement à ressembler aux calendes grecques.

Le secret de Polichinelle

Depuis 1996, chaque chef péquiste a dit ne rien vouloir enclencher à moins d'une victoire "assurée" d'avance pour le OUI. Dans ce cas, la vérité toute nue est qu'à moins de le tenir dans la cour des miracles, il n'y aura PLUS de référendum.

C'est la seule conclusion logique à tirer lorsque le président du PQ, Raymond Archambault, déclare à son tour que son parti n'en déclenchera aucun "s'il n'est pas certain de recueillir l'appui de la majorité des Québécois".

Et comme une telle certitude n'est pas de ce monde…

D'où cette fatigue de voir le PQ demander aux souverainistes de voter pour lui dans l'espoir qu'il fera un jour un référendum alors que, dans les faits, son establishment est tiraillé entre sa crainte morbide d'en tenir un troisième et le confort séduisant des pantoufles douillettes du pouvoir.

Et depuis le départ de Jacques Parizeau, force est de constater que les pantoufles l'ont emporté.

Résultat: à force de s'entêter dans ses contradictions, le PQ commence à voir de ses députés le quitter parce qu'il est "trop" souverainiste pour les uns, mais pas "assez" pour les autres… Cherchez l'erreur.

Préparer l'"après"…

Le problème du PQ n'est donc pas "générationnel". Il est existentiel. C'est celui d'un parti dont la raison d'être est devenue accessoire et dont la fibre social-démocrate prend le bord depuis quinze ans.

Dans un tel contexte, la saga du projet de loi privé parrainé par le PQ sur l'entente Labeaume-Quebecor, les décisions de plus en plus incompréhensibles de Mme Marois, l'arrivée d'un Legault et la popularité d'un Khadir ont fait office de bougies d'allumage de conscience.

Au point où une possible déconfiture magistrale du PQ à la prochaine élection est dorénavant un scénario qui se discute.

Comme si celle du Bloc avait déjà préparé les esprits.

Le projet d'indépendance étant de plus en plus réduit à une marque de commerce, de nouveaux véhicules politiques apparaissant et le pouvoir s'éloignant, la "coalition" du PQ se fissure sérieusement.

D'où la question: que feront les souverainistes? Rester au PQ en espérant le réformer de l'intérieur? Le quitter pour Legault "en attendant"? Pour Québec solidaire? Rester à la maison? Encourager une coalition? Ou, encore, créer un nouveau parti indépendantiste?

Cette dernière hypothèse, à laquelle réfléchit le député démissionnaire Jean-Martin Aussant, pose la question qui tue: le PQ serait-il devenu miné de l'intérieur au point d'être devenu impossible à réformer?

Ceux qui répondront "oui" songeront à créer un nouveau parti. Un chef potentiel: M. Aussant.

Ceux qui répondront "non" tenteront de le rescaper après la prochaine élection… si ce parti tient encore debout.

Et même s'il est dorénavant à l'extérieur du PQ, un Pierre Curzi pourrait y songer une fois l'élection passée. Qui sait? Quoique, comme il le dit, "toutes les portes" sont ouvertes…

La seule chose dont on soit certain est celle-ci: quoiqu'il arrive, d'ici l'élection et après celle-ci, le vote francophone continuera de se fractionner.

Incluant celui des souverainistes, dont plusieurs se sentent comme des orphelins politiques.

Un fractionnement aussi marqué d'une population aussi peu nombreuse et de plus en plus minoritaire au pays, ne sera pas sans conséquence pour la suite des choses.

Or, ce fractionnement est le résultat de quinze ans d'ambiguïté chronique au PQ, de huit ans de gouvernance libérale catastrophique et du fossé qui se creuse de plus en plus entre la population et une classe politique dominante usée.

Si "réflexion" il y a à faire, nul doute que de se pencher sur des manières de combattre cette combinaison létale serait déjà un bon début… pour la suite des choses.