Voix publique

Le gros bout du bâton

La sortie fracassante de Jacques Parizeau sur le Plan Nord marque un tournant dans ce dossier aussi opaque que controversé.

Pour l’ex-premier ministre, il est grand temps de s’en mêler. Ça sent trop l’improvisation, les cachotteries et la grande braderie de nos ressources minières à des intérêts privés.

Le Plan Nord, c’est une cagnotte de 80 milliards de dollars en investissements publics et privés sur les prochains 25 ans. Dont 47 milliards pour Hydro-Québec seulement. Les montants sont pharaoniques, mais la part du lion ira aux compagnies.

Même si les Québécois sont les vrais propriétaires de ces ressources, ils devront se contenter d’un 16% de redevances sur les profits locaux de compagnies dont les revenus sont pourtant appelés à frôler les centaines de milliards d’ici 25 ans.

La raison étant que la demande des pays émergents explose. Les prix et les profits, aussi. À eux seuls, les marchés chinois et indien ont des besoins exponentiels.

Dans un tel marché, le Québec a le gros bout du bâton. Pourtant, dixit M. Parizeau, les Québécois se font avoir pendant que les minières se servent comme dans un bar ouvert.

De toute évidence, M. Charest entend entrer dans l’Histoire avec un Plan Nord aux allures de marché de dupes. Il serait pourtant sage d’écouter M. Parizeau. Mais aussi des universitaires, porte-parole de la société civile et anciens hauts fonctionnaires dont les connaissances et l’expérience sont une vraie mine d’or.

Justement, quelques uns d’entre eux, et non les moindres, ont été réunis en colloque aux HEC avec M. Parizeau. Le thème: développement minier, vers un nouveau modèle pour le Québec.

Les idées exprimées y étaient claires, concrètes et aptes à mettre le Plan Nord au service de la richesse collective. Tout en protégeant le patrimoine financier et environnemental des Québécois – maintenant et pour les prochaines générations. Un impératif puisqu’on parle ici de ressources non renouvelables.

Impossible de rendre justice à autant de bonnes idées en si peu d’espace. Je vous invite donc à visionner la vidéo du colloque (1). Vous y entendrez tout ce que le gouvernement refuse de vous dire sur son Plan Nord.

À titre d’exemples, retenons trois propositions: 1) bâtir un Québec inc. des ressources naturelles, dont une société d’État dotée d’une large expertise québécoise.

2) Lorsqu’il fournit des infrastructures ou autres avantages à une minière, en échange, l’État devient actionnaire et siège au conseil d’administration. Question de savoir ce qui se passe là-dedans et d’influer sur les décisions au nom des intérêts du Québec.

3) Créer un fonds souverain où seraient versées, entre autres, des redevances plus élevées et puisées à même les revenus des compagnies, non plus seulement sur leurs profits locaux. D’autant que la demande est telle que le prix des ressources n’est pas appelé à fléchir.

Un tel fonds pourrait engranger et faire fructifier pour les Québécois jusqu’à 25 milliards de dollars en 25 ans sur une production totale pouvant atteindre les 200 à 300 milliards.

Or, le modèle du gouvernement Charest ne tient pas la route. Côté transparence, c’est zéro. Pas la moindre trace d’un véritable débat public. Qui plus est, ce sont les contribuables qui subventionneront ce Plan Nord plutôt que d’en récolter les fruits.

D’où l’urgence d’en reprendre le contrôle pour qu’il puisse profiter aux Québécois. Et non seulement à la grande entreprise dont les lobbyistes poussent comme des champignons sur la Grande Allée!

Reprendre le contrôle, c’est aussi demander à Hydro-Québec ce qu’il entend faire de ses 47 milliards de dollars.

C’est prendre les moyens de contrer la collusion, la corruption, l’infiltration par le crime organisé et le trafic d’influence qu’attire nécessairement un Plan Nord jouissant d’une manne de 80 milliards de dollars.

Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. Et là où il y a du profit, il y a des profiteurs. L’urgence est de les empêcher d’agir.

Nous sommes en année pré-électorale. Un moment privilégié pour exiger des engagements clairs et audacieux de tous les partis sur ce Plan Nord.

Les Québécois sentent qu’ils se font avoir. Ils ont raison.

Que la corruption, le vol et les détournements répétés de notre argent dans la construction nous servent au moins de leçon pour l’avenir.

(1) Pour visionner le colloque, allez au www.hec.ca/developpement_durable/evenements/colloque_mines.html