J'irai au paradis car l'enfer est ici : Jouer à la gâchette
Cinéma

J’irai au paradis car l’enfer est ici : Jouer à la gâchette

Le monde du crime organisé, François connaît. Parce qu’il est né un peu dedans. Fils d’un parrain local, il ne s’adonne qu’aux petits braquages. Jusqu’au jour où il échappe à une fusillade mortelle et demande protection à un ami de son père, lui-même un homme influent du milieu. Plongé dans une guerre des gangs sans merci, François fera l’apprentissage de l’âpreté de leur quotidien. De délinquant, il devient un tueur accompli. C’est alors le début d’une chute en enfer qui sera stoppée contre toute attente par la rédemption du jeune homme.

Dans son dernier film, Xavier Duringer déjoue les pièges d’un sujet ordinaire, la vie de gangsters. Il utilise pour cela comme parabole la jeunesse de saint François d’Assise qui, en 1206, renonce à la fortune de son père, un riche marchand, pour se consacrer aux pauvres. Quelque huit siècles plus tard, de marchand le père devient gangster. Mais la mystique est identique. C’est à travers l’amour d’une femme (Claire Kleim) et la découverte de la misère humaine que François (Arnaud Giovaninetti) met un terme à sa carrière de malfrat.

Quatre ans après son premier long métrage, La Nage indienne, Xavier Duringer signe avec J’irai au paradis car l’enfer est ici un film qui, par la force de son réalisme, s’approche de la forme narrative du documentaire. Rien n’est laissé au hasard. La mise en scène est musclée, le scénario documenté. Ce dernier a d’ailleurs été coécrit avec Jean Miez, un ancien taulard. Il échappe ainsi aux clichés habituels des films de gangsters en puisant dans le réel. Xavier Duringer a réussi à éviter les caricatures. Ce qui semble important ce n’est pas tant de montrer la force d’un gang que les faiblesses de chaque individu qui le compose.

Duringer filme la banalité d’une vie de malfrat. Et c’est justement cette inconsistance qui met mal à l’aise. On ne comprend pas grand-chose de ces existences de tueurs allumés («On fait plus pour la société que n’importe qui», explique avec conviction l’un d’entre eux!). La violence est gratuite, les dialogues crus, les comportements abjects. Malgré tout, Duringer, sans passer sous silence la bêtise de ces hommes, capte la vulnérabilité qui se cache derrière chacun d’eux. Et c’est ce qui fait l’originalité de ce film noir. Les émotions sont à fleur de peau. Lorsqu’un ami se fait tuer, on ne le venge pas tout de suite, on le pleure.

Si le sujet a été maintes et maintes fois filmé, Duringer exploite le filon avec talent en s’efforçant de ne pas tomber dans les travers habituels des histoires de gangsters. La violence est constamment présente, mais de sang il n’en est pourtant que très peu question. La douleur se fait davantage ressentir à travers la solitude des personnages. On suit François dans sa guerre contre la société, dans sa révolte contre son père (François Duval), dans sa lutte contre la mort. Et sa rédemption sonne comme un coup de grâce.

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