The Truman Show : Le gars des vues
Cinéma

The Truman Show : Le gars des vues

Attention, la méchante télé prend le contrôle. En marge des gouvernements et des entreprises, manipulateurs d’opinion (Conspiracy Theory et autres), la télévision reste l’ennemi public numéro 1: Wag the Dog hier, The Truman Show aujourd’hui et demain, Ed TV de Ron Howard (basé sur le scénario de Louis 19, la tentative ratée du Québec à participer au grand jeu de la conspiration!) et Pleasantville de Gary Ross (des gens réels perdus dans une sitcom). Quand la télé fait son cinéma, elle devient la fée Carabosse…

Peter Weir, réalisateur de Dead Poet Society, vient de construire un monstre à oscar, et Jim Carrey est en route pour sa statuette. Il joue le rôle de Truman Burbank, un gentil gars dans la trentaine, adopté intra utero par un conglomérat médiatique, placé sous un énorme dôme où il passe sa vie dans une ville construite pour lui, seul être «normal» entouré d’acteurs. Son existence est retransmise vingt-quatre heures par jour dans une émission, The Truman Show, pour le bonheur des téléspectateurs à travers la planète. Truman ignore qu’il vit sous les yeux de tous, jusqu’au jour où une lampe grillée tombe du ciel…

L’idée est amusante et la reconstitution, impeccable. Le film est tourné en Floride, dans un paradis de bungalows pour touristes, où toutes les maisons sont identiques. On se croirait au milieu d’un épisode du Prisonnier. Les citoyens sont aimables et bien habillés, il fait toujours beau et tout est propre. Burbank vit dans le phantasme de l’American Dream des années cinquante.

La manipulation est ingénieuse. Dans ce microcosme où les acteurs jouent des acteurs en train de jouer, on reconnaît les subtilités, les nuances, les raideurs, les faux sentiments et les vraies larmes. Une épouse trop blonde, une mère trop compréhensive, un meilleur copain trop intuitif. Et rien que pour ce travail qui ne dupe que Burbank, le film vaut le déplacement. Toute la complexité des sentiments mélangés, de l’émotion véritable raffinée par le tamis télévisuel est mise à jour dans une scène-clé, où Truman retrouve son (faux) père. Ed Harris, créateur de l’émission, grand gourou zen qui «veille» sur Truman, orchestre la rencontre en direct, enlève du brouillard et monte les violons… Tout le monde est ému, concepteurs inclus, devant cette réalité arrangée.

Mais il y a un je-ne-sais-quoi de Forrest Gump, un trop-plein de bons sentiments qui agacent. Trop de crème fouettée sur le gros dessert américain. Le syndrome du petit Poucet qui devient un héros, le faible qui montre sa force: le conte est enfantin et simpliste. La télévision peut envahir votre vie de la pire façon qui soit, elle ne peut ôter le libre arbitre de l’humain. C’est cousu de fil blanc. Heureusement, la toute dernière scène remet tout en perspective. Enfin, Jim Carrey est supportable, il fait un effort pour ne pas montrer son sourire chevalin. Il a surtout l’innocence requise pour camper ce Gump nouveau et pour gagner ses lettres de noblesse.

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