The Opposite of Sex : Le plaisir du sens
Cinéma

The Opposite of Sex : Le plaisir du sens

Que voilà un film bien fait! Don Roos, scénariste de Single White Female, de Boys on the Side et de l’imbuvable remake des Diaboliques, a signé son premier film. Une facture classique mais rythmée pour une aventure plutôt mouvementée. The Opposite of Sex est un exposé tragicomique de nos mours sexuelles dans ces remuantes années 90, toujours empreintes d’ignorance et de puritanisme mal dosé.

Christina Ricci, le bébé boudeur de The Addams Family, a 17 ans et elle joue Dedee, une emmerdeuse caractérielle qui va bouleverser la vie de son entourage. Elle quitte sa maison en Louisiane, une mère molle et un beau-père mort, pour aller vivre chez son demi-frère Bill (Martin Donovan), un riche professeur homosexuel. Elle va lui piquer son nouvel amant, détruire sa réputation, bouleverser la vie de sa meilleure amie, Lucia (Lisa Kudrow), et celle d’un flic nonchalant (Lyle Lovett). Un bébé, un cadavre et quelques tracasseries plus tard, le film s’achève sur une drôle de note qui ressemble à de l’espoir, sorte de compromis serein conclu avec la vie.

La capacité de The Opposite of Sex à coller à la réalité, à ne pas truquer l’air du temps, est d’ailleurs le point fort du film. L’histoire est rocambolesque et assez dingue pour être réelle. Comme un énorme fait divers passé à la loupe. La voix off de Christina Ricci, qui s’adresse directement au spectateur durant tout le film, est celle d’une gamine malmenée, une grande gueule qui croque sans pitié tout ce qu’elle regarde. Si vous n’avez pas remarqué la coiffure de Kudrow, l’image même d’un manque de style à l’américaine, elle vous le signale vertement. L’écriture est vive: Ricci embrasse le cynisme d’une génération qui veut pouvoir cracher en l’air sans recevoir d’éclaboussures, et celui d’une personne jeune qui, avec son lot de tracas, réagit au lieu de se laisser couler.

The Opposite of Sex signe l’arrêt de mort du politiquement correct, déjà passablement en perte de vitesse. Cinglante, impertinente, pleine de contradictions, Deedee conclut son passage de l’enfance à la vie adulte avec aplomb: elle est d’accord pour le plaisir du sexe, mais contre ce qui va avec, c’est-à-dire le bébé, la relation de couple ou la mort. Assise dans l’herbe, elle semble sûre de son choix, puis, plus tout à fait certaine… La construction du personnage est intéressante. Les forces (et les faiblesses) de Dedee ne tiennent que dans ses affirmations à l’emporte-pièce (sur les gais, le sida, le couple, l’amour et le cul). Le temps va nuancer sa pensée, sans confirmer ni détruire ses a priori. Avec la maturation du personnage, s’amorce une réflexion sur la vie.

The Opposite of Sex n’affirme rien, n’impose pas de droit chemin, mais, faisant état de la situation sexuelle actuelle, il nous entraîne de surprises en petits réajustements. Don Roos ne se laisse pas mener par son sujet, qu’il maîtrise aussi bien que la direction d’acteurs. Le sexe est-il, oui ou non, censé réunir deux personnes? Sexe boulimique ou sain, tendre ou brutal, gai ou hétéro, qui entraîne la vie ou la mort, désir de l’âme ou du corps: le réalisateur fait le tour de la question. Chaque pion représente une facette de la sexualité, avec, en pivot central, le demi-frère gai, le plus straight de la troupe! Mais, comme les autres, il évolue dans une perspective intelligente, sur un chemin bien balisé et crédible. Et les dernières scènes assoient les personnages sur le fil du rasoir d’un relatif bonheur.

Avec des personnages pareils, Don Roos a fait un beau cadeau aux acteurs et, surtout, aux actrices. Ricci, en Lolita blonde et boudeuse, vulgaire et pas si fragile, place haut la barre, avec une assurance étonnante. Lisa Kudrow, la frustrée de service, développe sa névrose avec lenteur et habileté. Même jusque dans les personnages secondaires, précis dans les costumes, fouillés dans leurs tourments, il n’est pas courant de sentir autant de finesse au cinéma. Roos prend le temps de glisser une scène pour que chacun y développe ses facettes, expose son lot de conneries et d’introspection confondues. Par quelques traits bien sentis, il est toujours agréable de voir l’humain réfléchir sur son sort…
Voir calendrier
Cinéma exclusivités