The X-Files : Les sceptiques seront confondus
Cinéma

The X-Files : Les sceptiques seront confondus

L’heure de vérité est enfin arrivée pour les «X-philes», qui croient ardemment depuis cinq ans que «the truth is out there». Objet de marketing ou pas, The X-Files, le film, remporte essentiellement son double pari: séduire à la fois les fans de la série et le grand public. N’ajustez pas vos appareils…

Depuis 1993, la série télévisée The X-Files joue sur notre fascination collective pour le paranormal et les théories de conspiration, en dansant (de façon généralement habile) sur la corde raide qui sépare la superstition de la science, et le National Enquirer d’Oliver Stone. Vedettes de ce numéro de haute voltige, les agents Fox Mulder (le croyant passionné, joué par David Duchovny) et Dana Scully (la sceptique convaincue, campée par Gillian Anderson) ont mené de front deux types d’enquête pendant cinq saisons: celles qui les opposaient aux «monstres de la semaine» (vampires, cannibales, loups-garous et vérificateurs d’impôts…); et celles (généralement plus intéressantes) qui distillaient au compte-gouttes des indices sur le vaste complot extraterrestre qui forme le cour de la série…

Au fil des ans, le producteur et scénariste Chris Carter a géré cette espèce de strip-tease narratif en tentant d’équilibrer les indices et les fausses pistes, les culs-de-sac et les révélations à venir. Mais voilà: on ne peut pas promettre de révéler quelque chose sans finir par le montrer, et on risque de ne plus rien avoir à montrer si on en révèle un peu trop.

Voilà sans doute la raison pour laquelle The X-Files (qui arrive, comme son créateur l’a admis à Newsweek, «au moment où la série avait besoin d’un grand événement») doit relever deux défis en passant du petit au grand écran: d’abord, celui d’apporter quelques réponses aux questions qui obsèdent (et qui commencent à lasser…) les spectateurs de la série; ensuite, celui de rendre ses méandres accessibles à un public qui ne l’a peut-être pas suivie. Deux défis d’autant plus difficiles à relever que le film (contrairement à ceux de la série Star Trek) ne marque pas la fin de l’émission, mais doit plutôt préparer le terrain pour sa reprise à l’automne…

Show parano
Disons donc d’emblée que le film remporte essentiellement son pari. Les admirateurs de longue date auront le plaisir de retrouver leurs personnages préférés (l’assistant directeur Skinner, l’«Homme à la cigarette», le trio de paranos surnommé «Les Tireurs solitaires»…) tout en obtenant quelques réponses sur l’évolution de la conspiration dirigée par l’énigmatique «Syndicat», pendant que les nouveaux venus suivront avec intérêt une histoire impliquant une flaque de sang qui date de 35000 ans, une soucoupe volante cachée sous l’Arctique et un consortium dirigé par un industriel allemand (Armin Mueller-Stahl), qui semble préparer la Terre pour une invasion extraterrestre. Le tout, au fil d’un délire paranoïaque qui évoque, en vrac, le bombardement d’Oklahoma City, le Watergate et les expériences de guerre nazies, tout en empruntant à une dizaine de films allant d’Alien à La Mort aux trousses, en passant par Rencontres du troisième type.

A l’arrivée, le film – réalisé de manière efficace mais impersonnelle par Rob Bowman (un habitué de la série) – se situe dans la bonne moyenne des épisodes; moins réussi qu’End Game ou Colony, mais bien supérieur à D.P.O ou The Host; plus spectaculaire, mouvementé et accessible que la série, mais aussi, malheureusement, moins audacieux, intelligent et excentrique.

Du reste, le long métrage demeure -± malgré son budget de 63 millions de dollars, ses trucages sophistiqués et ses acteurs de soutien prestigieux (Martin Landau, Blythe Danner, Terry O’Quinn…) – un objet essentiellement télévisuel dont la présence dans les salles tient surtout à une stratégie de marketing.

En effet, à l’heure où les studios cherchent désespérément des «franchises» (c’est l’expression consacrée) à exploiter, The X-Files est devenu le sujet d’une expérience qui n’a plus rien d’occulte; à savoir, la possibilité d’adapter pour le cinéma une émission de télévision toujours à l’antenne, de façon à générer encore plus de spectateurs pour cette émission et pour la série de films qui prendra éventuellement sa relève.

La manouvre – quelque peu risquée ±- semble en voie de réussir et de donner naissance (dans le plus pur style X-Files) à une nouvelle race d’hybrides: le téléfilm-événement, à mi-chemin entre l’épisode de fin de saison et le blockbuster, qui drainera les gens vers les salles pour les ramener ensuite encore plus nombreux devant leur télévision. Comme quoi Mulder et Scully sont bel et bien au cour d’une conspiration, même si elle ne se trouve peut-être pas où ils le pensent…
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