L’homme est une femme comme les autres : Les meilleures intentions
Avec un titre pareil, on peut s’attendre à tout. On peut, comme le réalisateur Jean-Jacques Zilbermann (spécialiste des titres à rallonge, puisque son dernier long métrage était Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes), y voir une référence à l’écrivain Robertson Davies, qui déclarait qu’un mariage implique quatre personnes: la femme cachée dans l’homme et l’homme caché qui se trouve dans la femme. Une idée qu’il aurait, paraît-il, piquée à Freud… Donc, nous sommes dans le domaine des frontières. A cheval sur les sentiments, les genres et les religions.
Simon (Antoine de Caunes) est juif, gai et clarinettiste de talent. Il est surtout malheureux, aimant son cousin David (Gad Elmaleh), sérieusement hétéro. Le tonton de Simon (Michel Aumont), banquier, promet beaucoup de sous si le petit neveu convole en justes noces. Fauché, Simon devient un imposteur en décidant d’épouser Rosalie (Elsa Zylberstein), une fille de famille hassidique pratiquante, qui ne fume pas, ne boit pas mais chante en yiddish. On imagine l’embrouille.
Ce n’est ni La Cage aux folles, ni Rabbi Jacob. Encore une fois à cheval entre la comédie et la tragédie, L’homme est une femme comme les autres est la version demi-teinte de In & Out. Autant dire la version française. Mais on veut aller plus loin. En deux heures, on souhaite mélanger les élans du cour (qui n’ont pas de genre), les élans du cul (qui en ont un), le refus de la ghettoïsation religieuse (contre toutes les bigoteries, juives ou autres), le profane et le sacré (jouer du jazz ou du klezmer); et, en point final, comme s’il n’y avait pas assez de «propos», l’interrogation de l’artiste qui ne sait comment assumer son talent. Car dès que Simon souffle dans le pipeau, le monde s’arrête de tourner, comme le joueur de flûte qui tétanisait les rats. La musique réunit les âmes, même les contraires… Si, si.
Beaucoup de choses dans ce film; trop peut-être. Sans aller jusqu’à l’état de grâce, son charme est certain. La position choisie n’est pas aisée et Zilbermann s’en tire plutôt bien, mêlant avec agilité les moments de franche rigolade, avec des dialogues vifs, et les moments d’émotion à fleur de peau, presque chuchotés. Antoine de Caunes offre jusqu’à maintenant la meilleure prestation de sa carrière d’acteur de cinéma (dommage pour ceux qui ne l’ont pas vu faire le clown à la télé!), en plus d’un corps splendide. Il est touchant et comique, à l’aise dans ce rôle de composition totale. Même justesse chez Zylberstein, même si son exaltation inconsciente, qui se transforme en maturité désabusée à la vitesse de la lumière, peut agacer.
Mais, plus que la réalité, Zilbermann cherche surtout à imager naïvement ce en quoi il croit. Cela donne un film touffu et manichéeen, sans grande originalité, marchant constamment sur des oufs, pour ne pas écorcher les susceptibilités, mais poussant gentiment du coude les très machos, les très gais, les très religieux et tous ceux qui n’osent pas sortir du placard qui les étouffe. Dans un imbroglio pareil, il est difficile de poser une finale. Nous avons donc une fin qui part avec l’eau du bain, un truc qui se veut une porte à moitié ouverte (ou fermée, bien sûr). La musique est belle, et c’est bourré de bons sentiments. On appelle ça un film honnête.
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