Pi : Avoir la forme
Cinéma

Pi : Avoir la forme

Pi, le premier long-métrage de Darren Aronofsky (gagnant du Prix du meilleur réalisateur au dernier Festival de Sundance), fait preuve d’une originalité et d’une ambition très rares dans le cinéma américain indépendant d’aujourd’hui. De fait, les qualités de ce thriller en noir et blanc à très petit budget (60 000 dollars) sont si rares qu’elles viennent bien près de faire oublier les emprunts et les facilités de ce film singulier et inclassable: une sorte de suspense mathématique existentiel, à mi-chemin entre Kafka, Searching For Bobby Fisher et The Twilight Zone, qui se sert des chiffres pour parler de la Bourse, de la religion et du sens de la vie.

Désarçonnés? Il y a de quoi. Surtout quand Aronofsky nous plonge d’emblée dans le cerveau fiévreux de son protagoniste, Max Cohen (Sean Gullette), un mathématicien génial, misanthrope et paranoïaque, persuadé que le langage des chiffres détient la clé de l’univers, et dont les recherches attirent l’attention d’une secte hassidim, obsédée par le décryptage de la kabbale, et d’une firme de Wall Street, préoccupée par le risque d’un krach boursier! Ajoutez des maux de tête violents qui font régulièrement halluciner notre héros (bonjour David Lynch); une poursuite grotesque, qui oppose des rabbins armés à des fiers-à-bras de Wall Street (on se croirait dans Marathon Man); et assez de références aux insectes, au cerveau et à la transformation pour nourrir trois films de Cronenberg; et vous avez un ramassis d’emprunts confus mais prometteur, décousu mais ambitieux, impressionnant mais tape-à-l’oil.
De fait, Pi fait partie de ces films qui séduisent par l’originalité de leur sujet, la singularité de leur regard et l’ambition de leur propos, mais qui déçoivent par leur incapacité à transformer ces vertus en un tout rigoureux, solide et cohérent. Ouvre inégale, mais souvent intéressante, qui témoigne d’un oil sûr (mais aussi d’un certain manque de talent narratif), Pi est un film accrocheur, et parfois même captivant, qui annonce l’arrivée d’un cinéaste incontestablement prometteur. Seul l’avenir nous dira si son créateur sera un jour à la hauteur de ses ambitions, ou si Pi restera le symbole d’un auteur plus intéressé par la forme que par le fond.

Dès le 24 juillet
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