Femmes… et Femmes : Si loin, si proche
Cinéma

Femmes… et Femmes : Si loin, si proche

Une image vaut mille mots, paraît-il. Il semble que l’adage fonctionne bien au Maroc. Un film expliquant que les femmes sont des êtres évolués qu’il ne faut pas battre est devenu le plus grand succès populaire dans ce pays! Femmes… et Femmes est un film de Saad Chraibi, auteur de courts et moyens métrages. Après le visionnement du film, un spectateur de Casablanca aurait dit au réalisateur: «Monsieur le réalisateur, maintenant que j’ai vu votre film, je vous le promets, je ne battrai plus jamais ma femme.» Le cinéma a du bon, parfois.

Et c’est là qu’on se rend compte du petit décalage entre les humains sur cette terre. Si ce film est une bombe au Maroc, il peut être un pétard mouillé au Québec. Dans un pays où la femme n’est plus vraiment une esclave, regarder Femmes… et Femmes laisse perplexe. Culturellement, on a la comparaison difficile, mais il faut rester prudent: faut-il remonter dans le temps pour trouver pareille noirceur dans les relations entre hommes et femmes, ou doit-on s’arrêter sur les faits divers de violence conjugale qui pullulent? Avec ce film, nous sommes dans un autre monde, à la fois loin et très proche.

Quoi qu’il en soit, l’histoire se passe à Casablanca, en 1997. Zakia (Mouna Fettou) est une jeune femme indépendante. Vedette de la télévision, animatrice d’une émission d’affaires publiques sur les femmes, elle a envoyé paître l’autorité paternelle et masculine. Elle retrouve trois bonnes amies, toutes aux prises avec des petits soucis: Leila (Fatema Khair), directrice d’une usine, est malade; Ghita (Touria Alaoui) est, à première vue, une jeune mariée sans histoire; et Keltoum (Salima Benmoumen) est une institutrice qui s’ennuie. A travers ces quatre femmes, on découvre un éventail de drames: femme battue, femme bafouée, femme trompée. De la trahison à la mort, cela se veut une comédie dramatique!

Femmes… et Femmes n’a rien de drôle, bien sûr, et il s’avère même assez nul. Actrices faibles, scénario simpliste, mauvais enchaînements sans surprise. C’est d’un ennui total. Mais, à la manière des publicités africaines qui veulent contrer la propagation du sida («Si tu ne trompes pas ta femme, tu n’auras pas le sida!»), ce film ressemble à une peinture naïve qui veut expliquer clairement une situation. Pas d’intellectualisme, pas de poésie (excepté une scène de «ressourcement» à la campagne qui frise le vidéoclip arabe), et pas de conte symbolique pour théoriser sans se mouiller. On part de la base, au jour le jour, de la situation infernale des femmes dans le monde arabe d’aujourd’hui. Dans Femmes… et Femmes, le réalisateur démontre qu’une femme est un être à respecter: elle peut travailler, téléphoner avec un sans-fil, manger de la pizza avec des copines, baiser quand ça lui chante, et réagir quand son patron la vire ou quand son mari lui file une raclée. Est-ce que tout le monde a bien compris la leçon?

En fait, il est facile, avec nos lunettes d’ici, de se moquer d’un tel film. Mieux vaut le regarder comme le constat catastrophique d’une situation qui évolue à pas de fourmi, et se dire que chaque geste dans ce film est une victoire. On ne peut alors que célébrer son succès, et espérer que, tel ce spectateur de Casablanca, les talibé de ce monde enlèvent un jour leurs oillères.

Dès le 7 août
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