Return to Paradise : Fabriqué aux É.-U.
Cinéma

Return to Paradise : Fabriqué aux É.-U.

Inspiré du film français Force majeure, Return to Paradise prouve qu’Hollywood est encore capable d’adaptations réussies. Un suspense palpitant sur l’amitié, l’engagement et la responsabilité individuelle. Surprise.

La plupart du temps, quand on parle de «remake hollywoodien d’un film français», on pense à True Lies (La Totale), à Breathless (A bout de souffle), à Willie and Phil (Jules et Jim), à Diabolique (Les Diaboliques); à Jungle 2 Jungle (Un indien dans la ville), à Mixed Nuts (Le Père Noël est une ordure), etc. Tous des films moyens ou carrément nuls, si on les compare aux versions originales. A part de rares exceptions (il faut remonter à The Magnificent Seven, ou à Cat People, de Schrader), Hollywood est passé maître dans l’art d’effacer toute originalité des scénarios étrangers qui y sont adaptés. Au point qu’on se demande pourquoi ils sont achetés.

Alors qu’on attend, pour l’an prochain, les remakes de Garde à vue, de Mortelle Randonnée et de Farenheit 451 (et peut-être ceux des Visiteurs et de Gazon maudit!), Return to Paradise prouve, qu’avec un peu de travail et de talent, on peut faire une histoire américaine d’un film profondément français. Adapté de Force majeure, de Pierre Jolivet, avec Patrick Bruel et François Cluzet (courez au vidéoclub, c’est excellent!), le film de Joseph Ruben (Dreamscape, Sleeping with the Enemy) garde l’essence du scénario original en l’adaptant aux besoins d’efficacité du cinéma d’Hollywood.

L’argument est aussi simple que fort. Un de vos amis est emprisonné quelque part en Indonésie pour possession de hasch. Dans une semaine, il sera pendu, à moins que vous ne partagiez la sentence en faisant trois ans de prison. Y allez-vous? C’est ce que se demandent Sheriff (Vince Vaughn) et Tony (David Conrad), deux copains de Lewis (Joaquin Phoenix), qu’ils ont connu deux ans auparavant, au cours d’un voyage en Malaisie. Depuis, le jeune homme croupit dans une prison, et une avocate particulièrement persistante (Anne Heche) tente de convaincre les deux New-Yorkais – l’un chauffeur de limousine; l’autre, yuppie nouvellement fiancé – de retourner dans ce paradis qui a maintenant des airs d’enfer.

Force majeure était profondément français, entre autres parce que le questionnement moral était au centre de l’histoire, et occupait toute la place. Ici, on y a ajouté quelques ingrédients bien hollywoodiens (du suspense, unpeu d’action et d’amour), mais avec doigté et discernement.

Il faut dire que les deux scénaristes – Wesley Strick (Cape Fear) et Bruce Robinson (The Killing Fields) – s’y connaissent en suspense psychologique et en dilemmes moraux. La tension de l’intrigue et la question de la responsabilité individuelle sont constamment maintenues, nous tenant en haleine, tout en nous renvoyant à nos propres limites: A leur place, que ferais-je? Strick et Robinson ont su relancer le suspense sans pour autant vendre leur âme. En effet, une fois que les deux types ont pris leur décision (et même s’ils changent d’avis deux fois par jour), l’enjeu moral devient un peu mince pour mener un long métrage à terme. Pourtant, excepté à la toute fin, qui semble arrangée avec le gars des vues afin de nouer les fils d’une histoire qui s’emballe, Return to Paradise parvient à garder le cap et à maintenir l’intérêt, grâce à quelques rebondissements qu’il serait criminel de dévoiler ici.

La mise en scène de Joseph Reuben est honnête, sans plus, de la trempe des dizaines de cinéastes du Hollywood de la grande époque, plus artisans qu’artistes. La distribution, par contre, est impeccable. Joaquin Phoenix y va de quelques morceaux de bravoure émotionnelle bien sentis; Vince Vaughn (découvert dans Swingers) est une révélation, un comédien solide et le physique d’une star des années 50; et Anne Heche incarne avec conviction un rôle qu’aurait pu tenir Annette Bening, brillante et sexy, fonceuse et charmeuse. De plus la chimie à l’écran entre Vaughn et Heche fait des étincelles.

Alors qu’on pouvait s’attendre à un thriller moyen, sorti à la hâte durant une période traidtionnellement réservée aux fonds de tiroirs, Return to Paradise s’avère une agréable surprise, et la preuve que les bonnes histoires n’ont pas de nationalité.

Dès le 14 août
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