Snake Eyes : Match nul
Cinéma

Snake Eyes : Match nul

Snake Eyes s’ouvre sur le genre de séquence extrêmement complexe, soigneusement conçue et remarquablement bien exécutée, qu’adore mettre en scène Brian De Palma: un long plan-séquence d’une douzaine de minutes (amateurs de records, sortez vos chronomètres…), qui suit Rick Santoro (un flic ripou mais sympa, joué par Nicolas Cage) et son ami Kevin Dunne (un militaire sympa mais ripou, joué par Gary Sinise), alors qu’ils zigzaguent à travers les coulisses d’un casino d’Atlantic City (magnifiquement «incarné» par l’ex-Forum de Montréal), où le secrétaire de la Défense sera bientôt assassiné, lors d’un match de boxe, par un groupe de conspirateurs que nos héros tenteront de retrouver parmi 14 000 spectateurs.

Cette séquence formidablement élaborée – qui se déroule, de surcroît, pendant un ouragan dont la force s’intensifiera tout au long du film – témoigne d’une assurance étonnante, d’une virtuosité incontestable et d’une certaine audace narrative. Malheureusement, cette séquence témoigne aussi d’une maîtrise un peu stérile, d’une propension au tape-à-l’oil, et d’un goût de l’excès qui frôle dangereusement la parodie. Bref, elle témoigne de tout ce qui a tendance à faire des films de Brian De Palma des constructions de plus en plus artificielles et de moins en moins efficaces.

De fait, Snake Eyes ressemble à une gigantesque souricière cinématographique, où l’on aurait mystérieusement oublié de mettre du fromage; un vaste assemblage de morceaux de bravoure, qui se veut à la fois un thriller à la Manchurian Candidate et une réflexion sur l’image à la Blow Up, mais qui est constamment miné par une accumulation de conventions et de stéréotypes recyclés sans la moindre conviction. Comme si le cynisme avec lequel De Palma se conforme aux exigences du genre avait finalement eu raison de sa virtuosité (qui semble de plus en plus vaine) et de son talent (qui tourne désormais en rond).

Du coup, ce qui s’annonçait comme un suspense astucieux, jouant sur les notions d’images, de points de vue et de perception, se transforme en un film de genre vide, obsédé par son propre fonctionnement; un curieux exercice de masturbation cinématographique qui donne l’impression que l’ex-«nouveau maître du suspense» s’intéresse désormais plus à sa maîtrise qu’au plaisir qu’elle nous donne.

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