

Festival des Films du Monde : Bien en vues
Avec plus de 400 films en provenance d’une soixantaine de pays, le 22e Festival des Films du Monde fait encore dans le gigantisme. Entre un hommage à Sandra Bullock (à quand Leslie Nielsen?!) et le dernier Nanni Moretti, la programmation va du pire au meilleur. Petit guide de survie pour se retrouver dans cette jungle d’images.
					
											Éric Fourlanty
																					
																				
				
			STARS DE CANNES
  Comme à l’habitude, quelques gros canons du Festival de Cannes  font leurs débuts nord-américains au FFM. Malgré l’absence  désolante des films de Chéreau (Ceux qui m’aiment prendront le  train), d’Éric Zoncka (La Vie rêvée), et de Lars von Trier (Les  Idiots), le cru 98 nous amène la Palme d’or, le Grand Prix du  jury et surtout Aprile, le deuxième volet de Journal intime, de  l’ineffable Nanni Moretti. Alors que sa blonde est enceinte de  leur premier enfant, le cinéaste italien est tiraillé entre le  désir de faire un documentaire sur l’Italie de Berlusconi, et  celui de mener à terme une comédie musicale mettant en vedette  un pâtissier trotskiste! Les rues de Rome en vespa, le combat  quotidien contre l’apathie politique, le mambo d’Yma Sumac, la  naïveté, les enthousiasmes et les coups de gueule de Moretti:  Aprile promet d’être aussi léger, grave, narcissique et  gracieux que Journal intime.  
  Se réjouissant du Grand Prix que les jurés de Cannes lui  décernèrent pour La vie est belle, Roberto Benigni embrassa le  jury au grand complet, y compris Scorsese. En fera-t-il autant  avec Serge Losique? Le suspense est à son comble. D’ici là, les  cinéphiles auront découvert cette surprenante comédie sur un  libraire rêveur qui, au début des années 40, est déporté dans  un camp de concentration avec son fils, et dont la femme se  fait arrêter pour les suivre. Sur la Croisette, on évoquait le  Chaplin du Dictateur. Attendons voir.
  Sur un ton beaucoup plus sérieux, Theo Angelopoulos amène sa  Palme d’or tant attendue. On se souviendra de son amertume à  peine masquée lorsqu’il reçut le Grand Prix du jury pour Le  Regard d’Ulysse. Dans L’Éternité et un jour, le réalisateur du  Pas suspendu de la cigogne suit un poète (Bruno Ganz), veuf et  condamné, qui croise le chemin d’un garçon, immigrant albanais  illégal en Grèce. Attendons-nous à un rythme ample, des images  crépusculaires et de grandes questions existentielles. Épure et  intensité au programme. S’il a été fraîchement accueilli par la  critique parisienne, Lulu on the Bridge, le premier film de  l’écrivain Paul Auster (coscénariste de Smoke et Blue in the  Face), a de quoi faire saliver uniquement avec sa distribution:  Mira Sorvino (en remplacement de Juliette Binoche!), Harvey  Keitel, Willem Dafoe, Vanessa Redgrave, et Gina Gershon.  L’auteur de La Musique du hasard y raconte l’histoire d’un  saxophoniste new-yorkais qui, après avoir survécu à une balle  perdue, trouve une pierre précieuse dans la mallette d’un  inconnu qui vient d’être abattu.
QUÉBEC, P. Q.
  Alors que Le Violon rouge, de François Girard, et Un 32 août  sur la terre, de Denis Villeneuve, seront présentés au Festival  de Toronto, Montréal s’offre la primeur, en compétition, de  deux films attendus. Écrit et réalisé par Manon Briand, 2  Secondes suit les traces de Laurence (Charlotte Laurier), une  dingue de vélo qui revient à Montréal après avoir été forcée  d’abandonner la compétition. Entre sa nouvelle job de messager,  ses retrouvailles avec son frère (Yves Pelletier), leur mère  (Louise Forestier), et sa rencontre avec un ancien champion  cycliste recyclé dans le commerce (Dino Tavarone), la jeune  femme prendra le temps d’apprendre à vivre. Un film attendu de  la réalisatrice des Sauf-conduits et de Cosmos.  
Également en compétition, Nô, le film d’ouverture que Robert Lepage a «tiré d’une des branches» des Sept Branches de la rivière Ota, met en scène Sophie (Anne-Marie Cadieux) qui, en 1970, joue du Feydeau à l’Exposition universelle d’Osaka, et étouffe sous l’amour idolâtre que lui voue son partenaire de scène. Alors que son chum est resté au Québec pour bâtir un pays, elle apprend qu’elle est enceinte de son amant (Alexis Martin). Une comédie de mours qui mêle les chassés-croisés amoureux aux questions d’identité intime ou politique.
Premier long métrage de fiction de la réalisatrice de L’arbre qui dort rêve à ses racines, La Position de l’escargot, de Michka Saäl, tourne autour des retrouvailles, vingt ans plus tard, entre une jeune juive marocaine de Montréal (Mirella Tomassini) et son père (Victor Lanoux). On annonce un portrait bigarré du Montréal d’aujourd’hui où l’on verra Pascale Montpetit et Dino Tavarone.
Trente ans plus tard, Jean-Pierre Lebfevre achève une trilogie commencée avec Il ne faut pas mourir pour ça et Le vieux pays où Rimbaud est mort. Dans Aujourd’hui ou jamais, on retrouve donc Abel (Marcel Sabourin), pilote condamné au plancher des vaches depuis que son meilleur ami est mort en vol, et qui, après un demi-siècle d’absence, retrouve son père. Également avec Claude Blanchard, Julie Ménard, Micheline Lanctôt et Jean-Pierre Ronfard.
  FEMMES FRANÇAISES
  La tendance de l’an dernier se maintient, et on retrouve de  plus en plus de Françaises derrière la caméra. Si elles n’en  sont pas à leurs premières armes, ces trois femmes persistent  dans la même veine. Après De sable et de sang et Sans un cri,  histoires paroxystiques de couples et de passion, Jeanne  Labrune revient avec Si je t’aime… prends garde à toi, où une  écrivaine (Nathalie Baye) rencontre un inconnu (Daniel Duval)  dans un train, point de départ d’une relation  obsessionnelle.  
Pour A vendre, Laetitia Masson a écrit un rôle pour Sandrine Kiberlain, l’interprète de son excellent premier film, En avoir (ou pas). Ici, Kiberlain incarne une femme qui, le jour de son mariage, disparaît avec une valise pleine d’argent. Un détective italien (Sergio Castellito) part sur ses traces, et tombe amoureux d’elle… Sur cette intrigue un peu éventée, on annonce «un grand film d’amour contemporain».
Adapté d’un roman de Damon Galgut, La Faille, de Marion Hansel – capable du pire (Il Maestro) comme du meilleur (Les Noces barbares) – , raconte comment le meurtrier d’un pasteur sud-africain endosse l’identité de sa victime, puis croise les chemins d’un policier et d’un métis.
MAITRES APRES DIEU
  Ils sont nés avant l’avènement du parlant, et ils tournent  encore. Le FFM présente les tout derniers films de trois vieux  maîtres du cinématographe. Dans le cadre de l’hommage qui lui  est rendu, on pourra voir En présence d’un clown, d’Ingmar  Bergman. Le réalisateur de Cris et Chuchotements a 80 ans, et  dans ce film intimiste on verra Börje Ahlsted dans le rôle de  l’oncle Carl, vu dans Fanny et Alexandre, Les Meilleures  Intentions et Les Enfants du dimanche. L’hommage comprendra  également un documentaire sur Bergman, et les projections des  Communiants et du Silence, présenté par Ingrid Thulin, actrice  bergmanienne s’il en est une. Par ailleurs, le Festival  remettra un prix pour l’excellence de sa carrière à Sandra  Bullock (on ne rit pas dans la salle!). A 90 ans, Manoel de  Oliveira (qui recevra le Grand Prix spécial des Amériques pour  son ouvre – c’est la moindre des choses) viendra présenter  Inquiétude, avec Irène Papas.  
Connu pour La Ballade de Nayarama (Palme d’or en 1982), Shohei Imamura, 72 ans, présentera Dr Agaki (Kanzo Sensei, en japonais) dans lequel, à la veille de la reddition du Japon, en 1945, un médecin, une prostituée et un soldat hollandais blessé tentent de dépister le virus de l’hépatite. Pardon?
  FESTIVAL DE BERLING
  On l’a vu en mari dépressif dans Nelly et M. Arnaud, en  provincial idéaliste dans Ridicule, en amoureux transi dans  Love etc., en mari troublé par un jeune homme dans Nettoyage à  sec, et en savant amoureux dans Les Palmes de M. Schultz.  Depuis quelques années, Charles Berling a imposé son physique  changeant dans des rôles souvent doubles. Il aura deux films en  compétition au Festival: L’Inconnu de Strasbourg, de Valeria  Sarmiento, dans lequel un homme devient amnésique après que sa  maîtresse (Ornella Muti) eut tué son mari sous ses yeux. Dans  L’Ennui, de Cédric Kahn (Bar des rails), Berling incarne un  prof de philo divorcé et déprimé qui tombe irrémédiablement  amoureux d’une mystérieuse jeune fille (Sophie Guillemin).  Encore un rôle dans lesquels il excelle: celui d’un M.  Tout-le-monde emporté par un tourbillon émotif.  
  COPRODUCTIONS
  Hors des États-Unis, la coproduction est maintenant le nerf de  la guerre du cinéma mondial. En 98, les errements des débuts  semblent en voie de disparition: en effet, on voit de moins en  moins de productions de partout et de nulle part, et qui  ressemblent plus à des montages financiers qu’à de véritables  films. Voici quelques exemples qu’on pourra voir au FFM.  
Produit par Roch Demers, réalisé par le Français Philippe Gautier, et scénarisé par l’Indienne Prajna Chowla, Hathi est un vrai film «citoyen du monde». On y voit un jeune garçon élever et grandir aux côtés d’un éléphant, puis tenter de le sauver lorsque, modernisation oblige, il ne sert plus à rien. Les scènes avec les éléphants sont, semble-t-il, stupéfiantes.
Coproduction entre le Viet-Nam, la France et le Canada (Roger Frappier), Le Onzième, de Dai Sijie, s’inspire d’une légende vietnamienne, dans laquelle, de retour dans son village natal pour voir son frère aîné gravement malade, le cadet d’une famille de onze enfants tombe dans un piège tendu par des paysans qui croient qu’il détient la solution pour sauver le village de la lèpre. Cinq ans après L’Homme sur les quais, l’Haïtien Raoul Peck revient avec Corps plongés, coproduit par l’Allemagne et Haïti. On y verra la maîtresse – une New-Yorkaise, médecin légiste – d’un juge de la Cour suprême, marié, qui voit réapparaître, dix ans plus tard, un amour de jeunesse, devenu diplomate haïtien en exil.
Quatre ans après l’envoûtantLes Gens de la rizière, Rithy Panh signe Un soir après la guerre, coproduction franco-cambodgienne sur l’histoire d’amour maudite entre un jeune boxeur qui, en 1992, revient à Phnom Penh après avoir combattu les Khmers rouges, et une prostituée qu’il voudrait bien voir sortir de son milieu.
  LA FAMILLE
  Filon inépuisable d’intrigues, de drames et de secrets bien  gardés, la famille est au centre de nombreux films, cette  année. Du Canada, You Can Thank Me Later, de Shimon Dotan,  montre comment une femme et ses enfants règlent leurs comptes  au chevet du père, hospitalisé. Avec un sujet pareil, et un  superbe trio d’actrices (Ellen Burnstyn, Geneviève Bujold,  Amanda Plummer), on peut s’attendre à des morceaux de  bravoure.  
Découvert, ici, au Festival Image et Nation gaie et lesbienne, avec la présentation d’Une robe d’été (un remarquable court métrage), François Ozon a séduit la Croisette avec Sitcom, son impertinent premier long métrage. On y voit une famille bourgeoise péter les plombs lorsque le fils gai sort du placard et partouze; que la mère le débauche; qu’une paralytique se révèle sado-maso; que la bonne se tape un invité; etc. Entre Théorème et La vie est un long fleuve tranquille. Prometteur.
Prix du jury à Cannes, Fête de famille est le premier film de Thomas Vinterberg, un cinéaste danois de 29 ans ayant déjà tâté de la vidéo expérimentale. Paraît-il impressionnante de naturel et d’énergie, cette peinture d’une réunion de famille, tournant (évidemment) au vinaigre, met en scène trois enfants qui fêtent les 60 ans de leur père.
  MADE IN USA
  Peu représentés dans la compétition de cette année, les  États-Unis se rattrapent dans les autres sections. Inspiré du  roman Une prière pour Owen, de John Irving (coscénariste du  film), Simon Birch retrace les tribulations d’un enfant (Ian  Smith) qui a accidentellement tué la mère de son meilleur ami.  Pour ce premier film, Mark Steven Johnson a considérablement  élagué la prose flamboyante d’Irving, le petit Smith est déjà  encensé par la critique américaine; et Jim Carrey poursuit ici  son entreprise de «Je suis un acteur sérieux».  
Une autre histoire de rédemption (un jeune joueur de poker repenti repique au jeu), une distribution d’enfer (Matt Damon, Edward Norton, John Turturro, Martin Landau, John Malkovich), et un cinéaste doué (John Dahl, réalisateur de The Last Seduction): il y a fort à parier que Rounders remporte la mise.
Tourné à Montréal et précédé d’une rumeur favorable, Affliction, de Paul Schrader, est tiré d’un livre de Russell Banks (The Sweet Hereafter) dans lequel le shérif d’une petite ville (Nick Nolte) enquête sur un mystérieux accident de chasse. Également avec Sissy Spacek, James Coburn et Willem Dafoe.
Premier film de Philip Messina, With Friends Like These bénéficie d’un point de départ alléchant (quatre amis veulent avoir un rôle dans le prochain Scorsese), et d’un casting idoine: Adam Arkin, Elle MacPherson, Amy Madigan, Laura San Giacomo, Beverly D’Angelo, Bill Murray et… Martin Scorsese!
  FRANCE I
  Film de clôture, Hasards ou Coïncidences, de Claude Lelouch,  suit une danseuse étoile (Alessandra Martines) qui devra  assumer «ce destin qui a la pudeur de vouloir nous faire croire  à la chance». Une jolie formule de Lelouch pour ce film tourné  en Italie, en Turquie, et à Montréal où l’on verra France  Castel, David La Haye, Patrick Labbé et où l’on découvrira la  jeune
  Véronique Moreau.  
Délaissant les voyages initiatiques (Nocturne indien), les drames historiques (Tous les matins du monde) et les souvenirs d’enfance (Le Nouveau Monde), Alain Corneau revient à ses première amours avec Le Cousin, où Alain Chabat incarne un flic parisien, et Patrick Timsit, son informateur attitré. La critique française salua ce polar d’ambiance comme le retour du réalisateur du Choix des armes.
Après que Ponette fut porté aux nues par la presse, Jacques Doillon fut éreinté avec Trop (peu) d’amour: retour de balancier fréquent dans le milieu volatil de la critique. On y voit un groupie (Lou Doillon, la fille que le cinéaste eut avec Jane Birkin) s’imposant dans la vie d’un cinéaste qu’elle admire (Lambert Wilson). Autobiographique?
  Les cinéphiles purs et durs seront servis avec Secret Défense,  de Jacques Rivette, dans lequel Sandrine Bonnaire incarne une  héroïne, paraît-il hitchcockienne, qui, en voulant venger la  mort de son père, tue accidentellement une jeune femme. Les  Cahiers du cinéma ont déjà pondu plusieurs paragraphes  définitifs sur un des plans qu’on retrouve au cour du film,  dans lequel on voit Bonnaire, pendant une dizaine de minutes,  assise dans un train, avec la campagne française qui défile  derrière elle. Avis aux amateurs.
  Un film mystère: A la place du cour, de Robert Guédiguian,  présenté, à Montréal, en première mondiale, et dans lequel on  retrouve les lieux et les comédiens fétiches du réalisateur de  Marius et Jeannette: Ariane Ascaride et Jean-Pierre Daroussin  dans le quartier de l’Estaque, à Marseille.  
  FRANCE II
  Cyrano de Bergerac et Beaumarchais, l’insolent au cinéma,  comédien et metteur en scène important au théâtre depuis trente  ans, Jacques Weber connaît les Classiques, et fait ses débuts  de réalisateur en adaptant – et en incarnant – le Don Juan de  Molière. Dépoussiérant le mythe du dragueur existentiel, il en  fait un rebelle, un bandit de grands chemins qui parcourt les  routes d’Alméria accompagné du fidèle Sganarelle (Michel  Boujenah), et amoureux d’Elvire (Emmanuelle Béart). On retrouve  Denis Lavant et Michel Lonsdale dans ce film d’époque âpre et  rigoureux.  
A l’instar des films de Robert Guédiguian et de Manuel Poirier, Dis-moi que je rêve, de Claude Mouriéras, se situe en province et mélange acteurs professionnels et amateurs. On y suit la vie d’un paysan de 19 ans – psychologiquement fragile ou débile léger? – qui agira comme révélateur de la «p’tite vie» en Haute-Savoie. Prix Jean-Vigo 1998, cette comédie naturaliste a, sur papier, du charme à revendre.
Provincial et fier de l’être, Raymond Depardon, lui, s’est tourné vers la capitale pour faire Paris, un portrait senti de la Ville-lumière par l’entremise de l’histoire d’un cinéaste qui cherche une actrice dans les rues de la ville. Un regard forcément aigu et profondément personnel de ce grand photographe qui, au cinéma, a signé Une femme en Afrique et La Captive du désert, et une poignée de poignants documentaires.
  BEURS A L’AIL
  Signe des temps, des cinéastes français d’origine maghrébine ne  filment plus que des sujets gravitant autour de l’identité, de  la race, de l’intégration, etc., et des cinéastes français  d’origine en tournent. Petit à petit, chacun trouvera sa  place…  
Après Cheb et Poussières de vie, Rachid Bouchareb a réalisé L’Honneur de ma famille, dans lequel une jeune femme enceinte doit choisir entre le mariage et l’opprobe de sa famille, des immigrants algériens conservateurs.
Christophe Ruggia n’est «pas Algérien et n’a jamais vécu dans un bidonville» (dixit le réalisateur), mais il a adapté Le Gone du Chaâba, roman autobiographique d’Azouz Begag, dans lequel un petit garçon des bidonvilles des années 60, né en Algérie, incarne la première génération de «beurs». Un film tendre sur l’enfance, la mémoire et l’espoir.
Après les excellents Bye-Bye et Pigalle, Karim Dridi change encore d’ambiance avec Hors-jeu, qui raconte l’histoire délirante de deux comédiens au chômage (Philippe Ambrosini et Rossy de Palma, la femme «à la tête de Picasso» des films d’Almodovar) qui, lors d’un souper, kidnappent des vedettes. Une comédie aigre-douce avec, dans leurs propres rôles, Miou-Miou, Clotilde Courau, Patrick Bruel, Arielle Dombasle et Michel Galabru.
  IMAGES GAIES
  On ne peut pas vraiment parler de raz de marée, mais avec  plusieurs longs métrages ayant l’homosexualité comme thème  central ou périphérique, le FFM est en passe de devenir  l’antichambre du Festival Image et Nation gaie et lesbienne!  Voici un bref aperçu de quelques films qui, d’une façon ou  d’une autre, mettent en scène des gais. Outre Sitcom, de  François Ozon (voir plus haut), on pourra voir Sex/Life in  L.A., de Jocken Hick, un documentaire sur les milieux de la  porno et des escortes; Les Corps ouverts, de Sébastien  Lifshitz, un premier film français; et L’Arrière-Pays, de  Jacques Nolot, collaborateur de Téchiné, et qui a voulu ce  premier long métrage en continuation de La Matiouette et  J’embrasse pas, alors qu’un homme de 50 ans à la sexualité  floue revient dans son village natal du Gers.  
Le film philippin Miguel/Michelle, de Gil M. Portes, raconte l’odyssée d’un homme qui, après un séjour aux États-Unis, revient chez lui en femme; Rakka Suru Yugata, du Japonais Naoe Gozu, est une comédie romantique dans laquelle une femme s’éprend de la maîtresse de son mari; et Hold You Tight, du Chinois Stanley Kwan, montre comment un veuf, dont la femme vient de mourir dans un crash d’avion, est troublé par un jeune homme.
Après Together Alone, en 1992, un premier long métrage un peu verbeux mais intéressant, P. J. Castellaneta revient avec Relax… It’s Just Sex, dans lequel on découvre un groupe d’amis, dont deux gais qui violent leur agresseur, un couple de lesbiennes qui se quittent lorsque l’une d’elles a une aventure avec un homme, et une hétéro (Jennifer Tilly) qui tente de tenir tout ce petit monde ensemble. Bienvenue dans les années 90.
  DOCUMENTAIRES
  S’ils passent toujours un peu inapercus dans la grande foire  aux films qu’est devenu les FFM, les documentaires méritent  souvent qu’on s’y arrête un peu plus. Allez-y au pif, vous  ferez des découvertes. The Cola Conquest, d’Irene Angelico, a  été tourné aux quatre coins du monde (États-Unis, Canada,  Russie, Angleterre, Chine, France, Mexique) pour faire  l’historique de Coca-Cola. Une lecture sociopolitique d’une  puissance planétaire.  
Dans Étrange histoire, Jean et Serge Gagné font un portrait du poète Gilbert Langevin, décédé en octobre 95; Surviving Death: Stories of Grief, d’Elizabeth Murray, examinent comment on survit à la mort d’un proche; et Gypsies of Savinia, de John Paskievich, trace un portrait sans concessions des gitans slovaques qui vivent dans une pauvreté extrême. L’Éclipse du sacré, de Nicola Zavaglia, tente d’analyser le déclin de l’Église catholique en Occident; High Risk Offender, de Barry Greenwald, montre le quotidien de quelques prisonniers en liberté conditionnelle.
  MAKHMALBAF (S)
  Participant de la vague de cinéastes iraniens dont les films  sont distribués internationalement, Mohsen Makhmalbaf, le  talentueux réalisateur de Saalam Cinema et du Temps de l’amour,  a réalisé Le Silence, projeté à Cannes. On y voit – autant  qu’on y entend – la vie d’un petit garçon aveugle, qui vit avec  sa mère, dans un village du Tadjikistan. Tous les matins, une  petite fille vient le chercher pour le conduire chez le luthier  pour qui il est accordeur. «C’est par la musique du monde qu’il  apprend à connaître la vie», écrit le cinéaste qui confie  s’éloigner du cinéma politisé pour aller vers un cinéma  poétique. Une rétrospective de ses films aura d’ailleurs lieu,  cet automne, à l’Impérial.  
Suivant les traces de son père, Samira Makhmalbaf présente La Pomme. Scénarisé et monté par Mohsen, ce premier film de la jeune cinéaste (18 ans!) mêle la fiction au documentaire pour raconter l’histoire d’une assistante sociale qui, dans un quartier pauvre de Téhéran, enquête sur un père qui séquestre ses deux petites filles depuis leur naissance.
  LATINOS
  Comme chaque année, le FFM consacre une section aux films  d’Amérique latine. Cette année, dix films seront présentés.  Avec quatre longs métrages, l’Argentine se taille la part du  lion: El Juguete Rabioso, de Javier Torre, dans lequel un jeune  délinquant devient, peu à peu, un criminel; Fuga de Cerebros,  de Fernando Musa, ou le rêve de deux ados d’émigrer aux  États-Unis; Escrito en el Agua, de Marcos Loayza, où un homme  d’affaires se confronte avec son fils; et Un Crisantemo estalla  en Cincoesquinas, un premier film historico-expérimental de  Daniel Burman, sur l’amitié et la revanche.  
Le jour où le silence est mort, du Bolivien Paolo Agazzi, montre comment une petite ville est bouleversée par l’implantation d’une radio amateur, et comment les habitants se dénoncent, s’accusent et se trahissent; les histoires de Comment être célibataire à Rio, de Rosane Svartman, et des Footeux, le Brésil en crampons, sont comprises dans leurs titres; Fibre optique, de Francisco Athié, jette un regard critique sur la corruption de la police mexicaine; Coup d’État au petit matin, de Carlos Azpùrua, retrace les événements du 4 février 92, au Venezuela; et on ne sait rien d’Off Side, du Colombien Ricardo Coral-Dorado!
  CORÉE D’AS
  Il y a quelques semaines, Julien Fonfrède, un des  programmateurs de Fant-Asia, déclarait que le cinéma coréen  serait le prochain à percer en Occident. Le FFM lui consacre  uen section, avec neuf films de jeunes cinéastes. Parmi  ceux-ci, La Chute, d’Im Kwon-Taek, dans lequel Shin Hye-Hoo  (Prix d’interprétation au FFM, en 1988) incarne une prostituée  qui retourne dans le bordel où elle a fait ses débuts, à 17  ans. Dans La Lettre, de Lee Jung-Kook, une jeune fille, dont  l’amoureux vient de mourir, reçoit une lettre d’un  inconnu…  
Tristesse habituelle, de Byun Young-Joo, est un documentaire sur ces femmes qui durent, pendant la Seconde Guerre mondiale, se prostituer de force avec des soldats japonais. L’Écho du vent en moi, de Jeon Soo Il, est un triptyque poétique classique; Na Pun Young Hwa, de Jang Sunwoo, est un documentaire sur les délinquants et sans-abri de Séoul, et Ce printemps dans mon pays, de Lee Kwangmo, montre un garçon qui, en pleine guerre de Corée, découvre que sa mère se prostitue pour son père proxénète. Beaucoup d’histoires de prostitution et d’histoires d’amour pour ce survol du cinéma coréen. Est-ce bien différent des intrigues d’Hollywood?