The Avengers : Au vestiaire!
Pleurez, amateurs de Chapeau melon et Bottes de cuir: la version cinéma de cette série-culte est une grosse machine qui tourne à vide. Une adaptation bâclée, caricaturale et lourde. Sniff!
Pour ses fans, la série Chapeau melon et Bottes de cuir incarnait à la perfection le sens de l’humour, de la mode et de l’absurde que l’on associe à l’esprit anglais. Et pour cause: cette série d’espionnage, à mi-chemin entre la comédie pince-sans-rire et le fantastique le plus délirant, mettait en scène un gentleman flegmatique au parapluie meurtrier et une scientifique aux tenues moulantes qui semblaient devoir autant aux pièces de Noel Coward qu’aux films de James Bond.
La série fit un tabac en Europe, mais elle ne séduisit jamais vraiment le public américain. Cela ne l’empêcha toutefois pas d’attirer l’attention d’une succession de producteurs hollywoodiens qui passèrent douze ans à se demander s’il était possible de tirer un blockbuster d’une série qui n’avait, ironiquement, jamais remporté beaucoup de succès aux États-Unis.
A voir The Avengers, le film de Jeremiah Chechik, produit par Jerry Weintraub, on se dit qu’ils se sont donné bien du mal pour pas grand-chose. Gaspillage monumental de talent et d’argent, entraînant dans sa chute Ralph Fiennes, Uma Thurman et Sean Connery, The Avengers est un ratage spectaculaire et embarrassant, où presque rien ne fonctionne: ni les scènes d’action, molles et sans imagination; ni les reparties, bêtes et prévisibles; ni les tentatives de ressusciter le charme de la série, qui résultent en des clins d’oil appuyés et maladroits. Ajoutez des erreurs de continuité et de mise en scène gênantes dans un film de 80 millions de dollars, et vous avez le genre de navet où l’on sent littéralement, dès les cinq premières minutes, qu’à peu près rien ne marchera.
A qui la faute? Certainement pas aux acteurs qui font tout ce qu’ils peuvent avec ce que leur donnent deux auteurs ne sachant visiblement pas ce qu’ils veulent: le scénariste Don MacPherson, dont le mince canevas (un savant fou décide de jouer au yoyo avec la météo) fait passer les derniers James Bond pour des modèles d’invention; et le réalisateur Jeremiah Chechik, qui semble – après son remake des Diaboliques – se spécialiser dans le démolition en règle des classiques.
Voir ces deux-là tenter de recréer la légèreté et l’humour qui faisaient le charme de l’émission télévisée, c’est comme voir un couple d’éléphants essayer de danser le ballet. Bien que le film soit vaguement basé sur l’un des meilleurs épisodes de la série (A Surfeit of H2O, dont la prémisse avait déjà inspiré Our Man Flint), il ne parvient à peu près jamais à en ressusciter le charme et l’esprit. Le scénario (pourtant truffé d’éléments fantaisistes et flamboyants) s’enlise vite dans l’incohérence et les clichés; les personnages (uniques et originaux) ne sont plus que des caricatures niaises de ce qu’ils étaient; et les répliques (qui se veulent drôles et intelligentes) s’écrasent lamentablement les unes à la suite des autres.
Certes, le film a, malgré tout, deux ou trois moments agréables: une réunion de conspirateurs déguisés en nounours géants; une mémé mitrailleuse et un laitier assassin qui évoquent brièvement l’esprit de la série; et une poignée de décors délicieusement absurdes (dont un repaire labyrinthique qui semble sorti d’un tableau d’Escher). Mais ces éléments ne parviennent pas à racheter un film flasque et incohérent qui semble se chercher frénétiquement d’un bout à l’autre. Avec le résultat que cette adaptation d’une des meilleures séries anglaises des années 60 expose ironiquement tous les défauts du cinéma américain des années 90: une surenchère de moyens qui masque un manque flagrant d’imagination; un bâclage évident à presque toutes les étapes de la production; et une envie de plaire à tout le monde qui garantit que le produit final ne satisfera personne. C’est peu pour un film qui exploite bassement notre nostalgie pour une série unique, dont il ne subsiste malheureusement ici rien d’autre qu’un chapeau melon et des bottes de cuir.
Chapeau melon et bottes de cuir L’habit ne fait pas le moindre |
François Tremblay (Voir Québec) |
Chapeau melon et bottes de cuir, série-culte britannique des années 60, vient de se voir offrir l’inévitable adaptation cinématographique. Que John Steed et Emma Peel ne s’inquiètent guère, ce tâcheron ne viendra pas ternir nos souvenirs. Quand on apprend, à une semaine de la sortie d’un film déjà relégué à la fin de la saison, qu’il n’y aura pas de visionnement de presse afin, dixit le communiqué de Warner, «que les critiques découvrent le film en même temps que le public», on se dit qu’il doit y avoir anguille sous roche. Rétrospectivement, on aurait dû y lire «afin que tout le monde ensemble puisse le conspuer». Ça regardait mal, mais devant un casting pareil (Ralph Fiennes dans le rôle de Steed, Uma Thurman dans le rôle d’Emma Peel et Sean Connery dans la peau du méchant), je gardais une pointe d’optimisme. Hélas, trois fois hélas, ce dynamique trio ne réussit pas à sauver les meubles: Chapeau melon et bottes de cuir est une belle coquille vide. Il va sans dire que les problèmes abondent. Pourquoi avoir confié l’adaptation de la série-culte britannique à Jeremiah Chechik, l’homme qui a réalisé le désastreux remake américain de Diabolique? Dès que Steed et Peel se rencontrent, on comprend tout de suite que la chimie qui unissait les acteurs originaux, à savoir Diana Rigg et Patrick Macnee, n’opérera pas de la même façon. Au lieu d’être chaleureux, taquins et bienveillants l’un envers l’autre, ils sont froids, moins subtils et trop imbus d’eux-mêmes. Uma Thurman n’est pas Diana Rigg et Fiennes n’est pas Macnee, mais les deux novices auraient dû conserver quelques traits qui ont rendu ces personnages si populaires. Par exemple, le Steed de Macnee, quoique vieillissant, était guilleret, inattaquable et un brin «baveux» alors que Fiennes en fait un être rêveur, contemplatif et beaucoup trop poli. Surtout, Fiennes apparaît trop jeune et trop poupin pour ce rôle, ce qui fait qu’à la fin, on aurait bien envie que Sean Connery (Sir August de Wynter) lui donne une bonne leçon de boxe… Dans la première demi-heure du film, les fans apprécieront que le cinéaste ait su garder le ton particulier de la série, savant mélange de surréalisme (une assemblée de savants fous habillés en oursons), de situations absurdes (une vieille dame maniant la mitraillette avec tact), sans oublier l’esthétisme gogo. C’est à peu près tout, l’action prend trop de temps à s’installer compte tenu du fait que le film ne dure que quatre-vingt-dix minutes et que trop d’éléments d’intrigue sont abandonnés en cours de route sans explication. Comment se fait-il que personne ne semble s’étonner du fait que de Wynter puisse cloner Emma Peel et en faire une de ses sbires? Tout ceci nous amène mollement à la conclusion de l’aventure alors qu’il semble ne pas s’être passé grand-chose au milieu. On a dû en égarer des bouts dans la salle de montage ou bien tout était si mauvais qu’on s’est donné beaucoup de mal pour limiter les dégâts. Dans un cas comme dans l’autre, raté… |