Regeneration : Clichés de guerre
Les horreurs de la guerre (cette fois-ci la Première), les soldats hagards, et les grandes questions humanistes: sur un canevas bien connu, Regeneration, de GILLIES MACKINNON, ne parvient pas à renouveler le genre. Reste le plaisir de voir un grand acteur: JONATHAN PRYCE.
Le déluge militaire ne venant jamais seul, après Saving Private Ryan, de Spielberg, voici Regeneration, de Gillies MacKinnon, Écossais déjà réalisateur de The Playboys en 92. Aux armes…
On ne baigne pas dans la Seconde, mais bien dans la Première Guerre mondiale. Un psychiatre doux et opiniâtre, William River (Jonathan Pryce), est censé donner l’envie de repartir au front à des soldats et officiers abîmés par les horreurs guerrières. Dans un manoir-asile, se croisent un poète, Siegried Sassoon (James Wilby), qui ne croit plus en la nécessité de la guerre, et Billy Prior (Jonny Lee Miller), un officier qui veut y retourner. Traitements et réflexion les feront changer de cap.
Les premiers plans du film installent dans l’horreur des tranchées. On regarde, vu du ciel, un champ de boue grise jonché de cadavres et de mourants. Une suite d’images qui font penser aux Portes de l’enfer de Rodin, une sculpture magnifique, mouvante et terrifiante. Puis on passe rapidement au manoir des rescapés, un lieu tout aussi gris et guère plus joyeux. On ne quittera plus le manoir et ses environs, pendants marécageux du bourbier français, ce qui nous fait entrer dans le vif du sujet: la guerre dérange sérieusement les esprits, et brise tout autant le cerveau que le corps.
On a droit à la flopée de mutisme, de cauchemars, de hurlements et de tremblements des jeunes gars qui n’en peuvent plus de supporter les images des combats. On a droit à la morale militaire, qui ordonne de soigner les hommes comme des machines pour les renvoyer au plus tôt. On a droit à l’humanisme d’un seul qui perd les pédales devant tant de folie. On a droit aussi à l’amitié plus ou moins virile des gars mis en rangs serrés. Basé sur un roman de Pat Barker, travaillé sur un scénario d’Allan Scott, Regeneration n’est pas un mauvais film de guerre, il est juste de la mauvaise longueur.
On comprend dès le début, vu la lenteur d’évolution et les tergiversations des héros, que toutes les petites histoires abordées dans le film ne pourront être bouclées sans être bâclées. Un officier fou de guerre, aristo et poète, se rebelle contre le contrat militaire, mais une sorte de folie sanguinaire le poussera à y retourner; un officier plein du sens du devoir veut y retourner malgré une santé mentale et physique défaillante; deux histoires d’amour amorcées, un psychiatre qui sent venir le burn-out… On cumule les chemins de vie, on sait, dès l’amorce, où vont aboutir ces chemins, mais le temps pris pour dévider la pelote est bien trop long pour le format. Cela coupe le souffle d’un film qui aurait dû en avoir. Parce que l’émotion, l’honnêteté, la générosité, la justesse de ton et la beauté des images sont là. Jonathan Pryce, monsieur Brazil, mari d’Evita et dernier méchant de James Bond, est impeccable. Une retenue toute britannique qui s’effrite, une maturité d’acteur qui sait tirer sur les bonnes cordes: c’est un plaisir de le regarder jouer. Bons points aussi pour Wilby et Bunce, qui campent, chacun dans leurs cordes, deux hommes conditionnés pour et par la guerre.
Les films qui portent sur la réflexion de l’Homme face à la guerre sont toujours fascinants. Il suffit de revoir Paths of Glory pour saisir pleinement comment ce genre d’événement peut modifier le comportement. On est loin de Kubrick, mais dans le travail de bouleversements et d’attitudes face à l’absurdité de la Première Guerre mondiale, on aurait pu s’y apparenter.
Puis, le manque de souffle pourrait peut-être s’expliquer aussi très simplement: une ouvre de facture classique avec des gars en redingotes vert-de-gris trempées, un trop plein de flash-back terribles dans la tête, des saluts militaires, des claquements de talons, des femmes qui attendent, et des yeux terrorisés. Bref, un drame sérieux qui ne fait pas dans la dentelle, ça sent la vieille carte postale lue et relue.
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