Cinéma

Le Passager clandestin : Odyssée de l’espace

Contrairement à ce que le titre pourrait suggérer, Le Passager clandestin, du cinéaste hollandais Ben Van Leshout, n’a pas grand-chose à voir avec Clandestins, de Denis Chouinard et Nicolas Wadimoff. Bien que les deux films racontent essentiellement le parcours d’immigrants illégaux, ils le font d’une manière, et sur un ton fort différents l’un de l’autre.

De fait, on peut difficilement imaginer un film plus éloigné du drame étouffant et explosif, mis en scène par le tandem Chouinard-Wadimoff, que l’odyssée aigre-douce et poétique que nous propose Ben Van Leshout. Là où les premiers jouaient la carte du huis clos intense, du microcosme révélateur et du réalisme social, le second joue celle du voyage initiatique, de l’évocation poétique et du récit allégorique. Pourtant, l’un et l’autre finissent par communiquer avec une force peu commune le sentiment d’être éternellement étranger, à la dérive entre deux mondes.

Orazbaj (le très bon Bekzod Mukhamed Karimov) mène une existence sans espoir dans un petit village de l’Ouzbékistan. Depuis que le retrait de la mer d’Aral a transformé ce qui était jadis un grand port de pêche en un véritable désert, Orazbaj vit une routine lassante aux côtés de son père (Sjamoerat Oetemratov), un vieux marin qui répare son bateau en espérant toujours le retour de la mer. Cherchant un avenir meilleur, Orazbaj s’embarque clandestinement pour l’Occident, et se retrouve à Rotterdam, où il rencontre une femme (Ariane Schluter), qui tombe amoureuse de lui. Mais les circonstances poussent Orazbaj à retourner rapidement chez lui, et à y découvrir, contre toute attente, que l’espoir n’est jamais vraiment mort…

Ni réquisitoire ni film coup-de-poing, Le Passager clandestin est une ouvre sensible et intelligente qui s’intéresse moins au réalisme et à la critique sociale qu’à la poésie et aux émotions. Sabordant allègrement – et un peu trop facilement – toutes les figures imposées du genre (ici, le voyage de l’immigrant n’est pas particulièrement pénible, et les gens qui l’accueillent s’avèrent plutôt sympathiques), le cinéaste nous offre un film qui délaisse vite le constat social pour nous parler d’amour et d’espoir, et qui le fait par le biais d’un récit plus proche de la fable que du reportage.

Ce choix original fait la force – mais indique aussi les limites – de ce film émouvant, mais quelque peu désincarné, qui finit par entremêler (dans une fin assez stupéfiante) le rêve au mépris de la réalité, et qui peint un portrait un peu trop rose de l’immigration clandestine à force de vouloir en éviter les clichés.

Ces défauts n’entament toutefois pas sérieusement le charme de ce film superbement photographié (par Stef Tijdink), qui se regarde un peu comme une odyssée de l’immigration clandestine. Bref, comme le récit étrange d’un homme revenu d’une terre mythique, où l’eau ne manque jamais et où les gens mangent à leur faim.

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