Hasards ou Coïncidences : Passagers sans destin
Cinéma

Hasards ou Coïncidences : Passagers sans destin

Un artiste peut se répéter. Tant qu’il essaie l’innovation, personne ne l’empêche de tourner autour du pot durant des lunes, de refaire le même château de sable, et de chercher la même petite bête jusqu’à la fin. La polyvalence artistique n’est pas une nécessité, mais dans le cas de LELOUCH, Dieu, que le changement ferait du bien!

Hasards ou Coïncidences, la dernière mouture lelouchienne, est une compote remâchée. Bien sûr, on garde toujours, dans un coin de sa mémoire, Un homme et une femme, on rit encore de L’aventure, c’est l’aventure, on se surprend même à supporter Belmondo dans Itinéraire d’un enfant gâté, et Luchini dans Tout ça… pour ça. Presque tout le reste est à flamber. Dans ce reste, on peut aujourd’hui ajouter Hasards ou Coïncidences, un tourbillon de platitudes qui n’en finit plus de finir.

A quoi sert de filmer encore quand la machine tourne à vide? Le hasard, la chance, les coïncidences, les choix face au destin sont des sujets bateau abondamment choisis. Voyez Resnais, dans Smoking, No Smoking, par exemple. Lelouch en fait de la soupe indigeste: le sujet est amolli, totalement flasque et sans saveur, et on se demande à qui s’adresse cette bouillie.

Bref, Myriam (Alessandra Martines) est une danseuse étoile. Belle, jeune, riche, elle a un petit garçon. Elle tombe amoureuse de Pierre (Pierre Arditi), un marchand d’art, un peu faussaire et beau parleur. Le petit garçon et le nouvel amant meurent, et Myriam continue de vivre. Elle fait le voyage qu’ils avaient projeté de faire ensemble: aller voir les ours blancs à Churchill, rencontrer un champion de hockey (Patrick Labbé) à Montréal, regarder les plongeurs à Acapulco, et les derviches tourneurs en Turquie. Elle filme tout ça, mais un coquin (David La Haye) lui pique sa caméra qu’il revend à un drôle d’être, Marc (Marc Hollogne) qui, au lieu d’épouser gentiment sa petite Québécoise (Véronique Moreau), fait ses valises pour suivre la fugueuse dépressive. Vont-ils se rencontrer? Va-t-il lui redonner le goût de la vie? Lui faire croire en la beauté du hasard? Claude Lelouch arrange tout sur un air de Trenet. Façon jet-set, on «fait» quelques décors: Venise et ses gondoles, New York et ses Noirs, la Turquie et ses chameaux, Montréal et ses feuilles rouges. Comme c’est pittoresque… Une des spécialités de Lelouch étant le rabâchage, on revoit les paysages trois ou quatre fois, les scènes-clés cinq ou six fois, et on martèle le message songé: plus le malheur est grand, plus il est grand de vivre. Ah, il nous aura tout fait.

Donc, outre un scénario mince comme un fil qui fait des nouds pour paraître compliqué, des allers retours pour Travel Travel, et les mots «hasards, chance et coïncidences» répétés ad nauseam, il reste des personnages qui racontent n’importe quoi, et qui sont aussi épais que des pages de Paris-Match: Arditi est déconcertant en playboy vieillissant, et Alessandra Martines imite bien les Claudettes, danseuses de Claude François.

Enfin, pour ceux et celles qui ont toujours un peu mal au cour devant un film de Lelouch, sa caméra faisant des boucles de montagnes russes, sachez qu’il décuple maintenant le mouvement, puisqu’il filme, en tournant, des derviches tourneurs…