Rétrospective Makhmalbaf : Père et fille
Cinéma

Rétrospective Makhmalbaf : Père et fille

Après avoir difficilement traversé la période qui a suivi la révolution islamique, le cinéma iranien s’est imposé, depuis huit ou neuf ans, comme l’un des plus originaux et des plus rafraîchissants au monde; un cinéma qui a su, grâce à des auteurs aussi différents qu’Abbas Kiarostami (Au travers des oliviers), Amir Naderi (L’Eau, le vent, la terre) et Jafar Panahi (Le Ballon blanc), surmonter le manque de moyens et les diktats d’une censure omniprésente, pour accoucher d’ouvres abordant le réel par le biais de la métaphore et du conte.

Si Kiarostami reste toujours la figure la plus connue du cinéma iranien, sa renommée est maintenant presque égalée par celle de Mohsen Makhmalbaf, un cinéaste de 45 ans dont l’ouvre, encore relativement méconnue mais importante, fera l’objet d’une rétrospective présentée au cinéma Impérial, du 18 septembre au 30 octobre. L’occasion parfaite de voir ou de revoir les films les plus connus du cinéaste (dont Gabbeh et Salam cinéma), mais aussi de découvrir en primeur sa dernière réalisation (Le Silence) de même que le premier long métrage de sa fille, Samira (La Pomme). Bref, une chance unique de commencer à faire le point sur l’évolution d’un auteur à la fois multiple et parfaitement cohérent, qui a été l’un des enfants chéris du régime avant de devenir l’une des plus grandes victimes de sa censure.

Précisons d’emblée que cette rétrospective attendue n’est cependant pas exhaustive puisqu’elle ne nous présentera que cinq des quinze films réalisés par Mohsen Makhmalbaf. Cinq films qui sont, de surcroît, trop récents pour rendre pleinement compte de l’évolution particulière et significative d’un cinéaste qui est passé de l’allégorie religieuse (Le Camelot) au portrait de société (Le Mariage des bénis), et de la dénonciation des dogmes (Le Temps de l’amour) aux expérimentations poétiques (Le Silence).

Les amateurs prendront toutefois sans doute plaisir à découvrir ou à revoir Le Temps de l’amour (1990), sa mise en scène audacieuse d’un triangle amoureux où les personnages et les spectateurs sont appelés à changer de point de vue; Salam cinéma (1994), son film sur une audition gigantesque qui attire tous les laissés-pour-compte de la société iranienne; Gabbeh (1995), son exploration poétique d’un tapis persan d’où émerge une jeune femme racontant une histoire d’amour; et Un instant d’innocence (1996), sa reconstitution d’un incident de jeunesse qui lui avait coûté cinq ans de prison, et qui l’avait opposé à un policier qu’il revit des années plus tard, lorsque celui-ci vint lui demander un rôle!

Les ouvres les plus attendues de cette rétrospective restent toutefois Le Silence, et La Pomme, de Samira Makhmalbaf. Le Silence raconte l’histoire d’un garçon de dix ans aveugle qui travaille comme accordeur de luths dans un village du Tadjikistan, et qui découvre son monde (entre les menaces d’éviction dont sa mère et lui sont victimes) en se laissant guider par les sons et les musiques qu’il entend. Une ouvre superbement photographiée, sensuelle et charmante, mais aussi fragile et un peu longue, qui incarne bien la veine poétique et expérimentale que le cinéaste explore (et qu’il donne parfois l’impression de surexploiter) depuis quelques films déjà.

Le premier long métrage de sa fille, en revanche, s’inspire de faits réels pour construire une fiction à mi-chemin entre l’allégorie et le documentaire. La Pomme raconte l’histoire de deux jumelles de onze ans vivant dans un quartier pauvre de Téhéran, et confinées à la maison par leur père paranoïaque depuis leur naissance. Un fait divers à la frontière du conte de fées dont la cinéaste (tout juste âgée de 18 ans) s’est inspirée pour réaliser un film (monté et coscénarisé par son père) qui témoigne – de façon clairement métaphorique, mais aussi presque documentaire – du dur combat des femmes iraniennes.

Certes, ces films contribuent à renforcer l’impression grandissante que les films iraniens se ressemblent parfois étrangement; qu’à force d’être victimes des mêmes censures et d’y trouver les mêmes solutions (des personnages d’enfants, des histoires proches du conte…), ces cinéastes sont en train de tarir une veine qui semble forcément de moins en moins féconde. Mais s’il est vrai que l’art naît des obstacles et des contraintes, on se doit de constater qu’ils ont particulièrement nourri les cinéastes iraniens. Et que peu d’entre eux s’en sont inspirés pour créer une ouvre aussi remarquable que celle – à la fois éloquente et insaisissable – de Mohsen Makhmalbaf.

A l’Impérial
Du 18 septembre au 30 octobre
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