Cinéma

Pecker : Mise en plis

L’ambiance est sympathique; le cynisme, léger; les musiques, enlevantes; et les personnages, rigolos. Avec Pecker, on s’éloigne du culte de la marginalité que l’on voue à John Waters, auteur trash de Pink Flamingos et de Hairspray, et pasticheur irrévérencieux de Cry Baby et Serial Mom. Waters n’est toujours pas un réalisateur ordinaire qui filme des gens ordinaires, mais il embrasse avec simplicité, gentillesse et décontraction le ton de la comédie tonique et fraîche pour parler de ceux qu’il aime. Il veut déclencher des rires francs, et on rit, quelques fois. Le récit se déroule à Baltimore, «The Hairdo Capital of the World», cité chérie, et ville natale du réalisateur à la fine moustache.

Pecker (Edward Fulong) est un ado maniaque de photo. Il prend en photo ceux qui l’entourent: sa blonde (Christina Ricci), gérante musclée d’un laundromat; et surtout sa famille: son père (Mark Joy), obsédé par les poils pubiens, sa mère (Mary Kay Place), qui vend des nippes d’occasion, sa grand-mère, qui bavarde avec la Vierge Marie (Jean Schertler), sa sour aînée (Martha Plimpton), qui ne vit que pour son bar gai, et sa sour cadette (Lauren Husley), «droguée du sucre». Par le biais d’une agente d’artistes branchée (Lili Taylor), le jeune homme va connaître la gloire instantanée dans le milieu artistique new-yorkais.
Pecker, c’est les cols bleus de Baltimore qui vont à la rencontre de la faune gommée de Manhattan. L’idée des contrastes, du choc des cultures fait toujours rigoler, et Waters s’amuse de deux milieux qu’il connaît sur le bout des doigts, étant lui-même passionné d’art moderne. Les pimbêches lèvent le nez de dégoût devant la vulgarité des bouseux, mais finissent par s’éclater, et Patty Hearst commence même un striptease! Les doux dingues de Baltimore ne comprennent rien, et froncent les sourcils devant les huppés, puis finissent par s’ouvrir les yeux à l’art; et Ricci s’aperçoit que même sa boutique a des vertus artistiques! Les deux groupes font gentiment un pas vers l’autre, et tout est bien qui finit bien.

Le cinéma indépendant est surpeuplé de personnages bizarroïdes, excentriques, voire à la limite de l’internement. Ici, Mamie, qui fait parler sa Vierge Marie, est adorable, et sourette, qui tombe dans le brocoli depuis qu’on lui donne du ritalin, fait dans le clownesque à souhait. Les autres performances d’acteurs ne sont pas toujours éclatantes, mais elles sont naturelles, comme si une franche rigolade avait baigné la création de ce film dépourvu de toute méchanceté. Et la scène finale fait dans le Hellzapoppin, alors que les extrêmes se rencontrent, et boivent en bonne intelligence. Le gros party.

Le genre est convenu, et l’humour, vif, est basé sur les caractères cocasses, et des dialogues branchés mode et médias: « I don’t want to be in Vogue», déclare Pecker à un styliste qui lui répond: «But everybody wants to be in Vogue!» Qui ne jubile pas quand le p’tit gars réussit à fermer le clapet de la haute société? Bref, Pecker est une illusion, un fantasme enfantin et charmant sur un monde idéal où le talent serait toujours reconnu. Tout le monde, il est bizarre; tout le monde, il est gentil.y

Dès le 25 septembre
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