Pajarico-Carlos Saura : L'enfant-roi
Cinéma

Pajarico-Carlos Saura : L’enfant-roi

Pajarico (Petit Oiseau), de Carlos Saura, est une chronique nostalgique sur le monde de l’enfance qui rassemble à peu près tous les ingrédients du genre: un jeune garçon solitaire (Alejandro Martinez), qui passe son premier été loin de chez lui, à Murcia, une ville portuaire baignée par le soleil; une petite fille délurée (Dafné Fernandez), dont le charme et l’audace ont vite fait d’ensorceler notre héros; un grand-père coloré (Francisco Rabal), qui perd la mémoire et les pédales entre deux colères homériques; et un immeuble servant de théâtre à des déchirements qui apprennent vite à notre protagoniste tout ce qu’il y a à savoir sur les adultes, le sexe, la vie et la mort.

Les amateurs de ce genre de films (qui va de Ma vie de chien au Grand Chemin) retrouveront ici ses règles et ses clichés, ses défauts et ses qualités, dans une ouvre mise en scène avec savoir-faire, mais sans grande inspiration, de façon efficace et sensible, mais sans audace ni invention. Bref, le film honnête d’un réalisateur qui nous a habitués à beaucoup plus, de Noces de sang à Carmen, en passant par Cria Cuervos.

C’est donc avec surprise que l’on découvre que Carlos Saura (rencontré l’an dernier, au Festival des Films du Monde) considère ce film plaisant, mais prévisible, comme l’une de ses ouvres les plus personnelles et poétiques. «La famille de mon père était originaire de Murcia, explique le cinéaste, et ça fait longtemps que je voulais filmer ce coin de l’Espagne. Avec ses paysages luxuriants et son côté africain, Murcia est une ville très riche et très belle, où la lumière a une qualité vraiment très particulière. Et où les gens ont un sens de l’humour et un grain de folie qui sont très particuliers aussi…»
De fait, Pajarico est un film dont l’atmosphère est tendrement excentrique, mais surtout profondément sensuelle. S’inspirant de la lumière méditerranéenne de la région, «qui donne une aura et une couleur distinctives aux choses les plus simples», Saura signe un film qui savoure soigneusement tout ce qu’il nous montre: des paysages uniques du pays (très joliment filmés pas Jose Luis Lopez-Linares) à la démonstration de flamenco d’une jeune fille, en passant par les fruits juteux d’un verger ou les seins d’une voisine rapidement entrevus.

Bien que Pajarico se déroule dans un coin de pays cher au cinéaste, et qu’il mette en scène des personnages proches de lui («Mon grand-père ressemblait à celui du film…»), Carlos Saura se défend d’avoir réalisé un film autobiographique. «Ça ne m’intéressait pas du tout, dit-il en riant. Si Pajarico est un film autobiographique, c’est seulement dans la mesure où il montre l’enfant que j’aurais voulu être, vivant l’enfance que j’aurais aimé avoir.»

Récit nostalgique d’une enfance réinventée, Pajarico nous laisse sur l’impression étrange d’un film à la fois sensuel et désincarné; un film dont l’atmosphère et le regard sont profondément personnels, mais dont la trame et les ressorts évoquent malheureusement trop d’ouvres similaires. Un peu comme si ce film agréable, mais prévisible, était le fantasme d’un auteur pour qui l’enfance semble être d’abord un genre cinématographique.

Dès le 1er octobre