Antz : Starz
Woody Allen en fourmi ouvrière, Sharon Stone en sex-symbol à six pattes, Sylvester Stallone en Rambo des insectes: plus que les plaisirs usuels d’un bon dessin animé pour enfants, Antz offre la vision d’un monde revu et corrigé par Hollywood. Un monde en forme de fourmilière glauque (qui ressemble à Manhattan), peuplé d’insectes dotés de voix de stars; un monde d’obscurité aux relents socialistes, où tout est décidé à la naissance, et où l’on danse en ligne sur Guantanamera; un monde où les rêveurs partent en quête d’un Eldorado mythique (les restes d’un terrain de pique-nique), où se régalent les WASPs (guêpes, en anglais, mais aussi «White Anglo-Saxon Protestants»), et où trônent fièrement les restes de la société de consommation, dominés par une gigantesque canette de Pepsi (le commanditaire du film). Bref, un monde qui est la métaphore parfaite d’un système (Hollywood) où les animateurs ouvrent anonymement, en cachette, par milliers, comme… des fourmis.
Certes, Antz n’est pas un film à être pris d’abord au second degré. Ce dessin animé jouissif (réalisé sur ordinateur, comme Toy Story) est surtout un agréable film pour enfants, relevé par assez de clins d’oil, de commentaires sociaux et de gags adultes pour plaire aussi aux plus grands; qu’il s’agisse d’une scène de danse qui évoque celle de Pulp Fiction, ou des dialogues d’une bande d’insectes aussi gelés que Cheech et Chong. Mais sous ses morceaux de bravoure (dont une promenade sur un lacet d’espadrille qui se transforme en un véritable rodéo), l’histoire de cette petite fourmi (surnommée Z et dotée de la voix de Woody Allen) qui déjoue les plans d’un général fou rappelle la trame de Love and Death et trouve rapidement toutes sortes d’échos; tant sur le plan social et politique que du strict point de vue cinématographique. Triomphant d’une conception visuelle douteuse, et d’une mise en images glauque grâce au brio d’un scénario solide truffé de dialogues souvent délicieux, Eric Darnell et Tim Johnson ont réalisé un film pour enfants étonnamment drôle et savoureux. Un dessin animé par ordinateur qui met à nu les rouages de «La Grande Machine à Rêves», et qui se paie un peu de bon temps à réduire Hollywood aux dimensions d’une fourmilière. Bref, un film jouissif qui peut être vu comme un simple divertissement, ou bien (si l’on a l’esprit assez pervers) comme la revanche des Fourmiz sur un système qui traite tout le monde en insectes.