Francis Veber : Pour le meilleur et pour le rire
Cinéma

Francis Veber : Pour le meilleur et pour le rire

Il est, avec Claude Zidi, un des maîtres de la comédie hexagonale. Dans son dernier film, FRANCIS VEBER nous propose leDîner de cons, une adaptation de la pièce qui marquait son retour au théâtre. Profitant de son passage à Québec, nous l’avons cuisiné pour connaître la recette de son succès.

Qu’est-ce qui vous a incité à écrire la pièce et comment s’est-elle retrouvée au cinéma?

«J’ai eu un petit coup de déprime aux États-Unis parce que le deuxième film que j’y ai réalisé, Welcome to Buzzsaw avec Matthew Broderick, a été un bide. C’est comme un toréador qui se croit tout-puissant jusqu’à ce qu’il se prenne un coup de cornes. Bref, je me suis dit que je ne pouvais pas rester là à déprimer, alors j’ai réfléchi à ce que je pouvais faire. Je n’avais pas envie d’écrire un scénario immédiatement et je me suis rappelé que j’avais commencé ma carrière en écrivant des pièces, alors j’ai écrit Le Dîner de cons. On a d’abord essayé de la faire passer à Broadway, mais le milieu a beaucoup changé; à part les comédies musicales, il n’y a plus grand-chose. Ce n’est pas mieux du côté off-Broadway car on y présente peu de comédies et énormément de trucs pesants. Je l’ai donc présentée à Paris, Belmondo a lu la pièce et a décidé de la présenter dans son théâtre et elle a tenu l’affiche durant trois ans. C’est Villeret qui a créé le rôle du con, et la pièce a été présentée plus de mille fois jusqu’à ce qu’un producteur me propose de l’adapter pour le cinéma.»

Hollywood a refait plusieurs de vos films et vous avez vous-même réalisé une relecture des Fugitifs. On parle maintenant de refaire Le Dîner de cons, film typiquement français. Ça vous étonne?

«Oui, c’est mystérieux, dans la mesure où il y a un problème d’adaptation. D’un autre côté, la connerie et la méchanceté sont des thèmes universels. Le cinéma américain a aussi ses méchants cyniques, comme les vieux frères millionnaires dans Trading Places avec Eddie Murphy et Dan Akroyd. Ils brisent la vie d’un cadre prometteur et le remplacent par un clochard…»

Ne dit-on pas que pour être universel il faut faire local?

«Absolument et j’en suis convaincu. Le cinéma italien a explosé quand il était vraiment local. Un film comme Divorce à l’italienne où l’on parle de l’impossibilité de divorcer dans la religion catholique parlait d’une réalité complètement étrangère pour les protestants par exemple. Mais le film a connu du succès partout. Même chose pour Woody Allen! Quand il parle de l’endroit où il mange ses hamburgers à New York, on se demande ce que ça peut bien évoquer dans l’Ardèche et pourtant les Français adorent ça. Moins on cherche à faire de la cuisine internationale, plus on a de chances d’y arriver.»

Mis à part quelques brûlots occasionnels, n’avez-vous pas l’impression que la comédie est un art qui se perd?

«En tout cas, c’est plus difficile de faire passer un projet de comédie. Le cinéma est devenu hyper technique et extrêmement spécialisé. Le metteur en scène devient un maître d’ouvre exactement comme un chef de chantier: il coordonne les activités des différentes équipes. En comédie, quand vous avez deux acteurs assis sur un sofa, vous devez longuement discuter avant de commencer à tourner. L’humour, ça repose davantage sur la matière grise que sur le numérique et le virtuel. Et je ne parle même pas de la chimie entre les acteurs.»

Votre film ne comporte ni effets spéciaux, ni violence, ni érotisme. C’était un pari?

«C’est une gageure qui m’intéressait beaucoup car il y a en ce moment une telle surenchère qu’on a l’impression d’être dans un cul-de-sac. Alors je me suis souvenu de ce jeu assez cruel qui se jouait à Paris et qu’il serait formidable de prendre un nanti qui s’y adonne et de le punir.»