Cinéma

Un 32 août sur Terre : Désert fécond

Qu’est-ce qui peut bien se passer Un 32 août sur Terre? Tout, évidemment. Et dans son premier long métrage, Denis Villeneuve a donné libre cours à son imagination, avec une histoire désaltérante dans le désert du cinéma québécois. Simone (Pascale Bussières) vient d’avoir un accident de voiture. Sous le choc, elle demande à Philippe, son meilleur ami (Alexis Martin), de lui faire un enfant, dans le désert. Raconté ainsi, ça sent le concept à plein nez, et la poésie prétentieuse de quelqu’un qui ne s’est pas remis de Zabriskie Point. Or, s’étaler sur les détails du récit n’y changerait rien: Un 32 août sur Terre ne se raconte pas, il se regarde, et il emporte. En suivant pas à pas son calendrier fou, on entre dans une fable aimable, une romance amère, une comédie où l’on rit peu, et un drame où l’on ne pleure pas.

Avant l’histoire, Villeneuve a voulu l’émotion, le regard, le souffle. Un truc très en vogue chez les jeunes fous d’antan, ceux de la Nouvelle Vague; un truc qui fonctionne encore, si l’on a la sincérité requise. Dans une forme épurée, mais présente, Villeneuve a cherché à peindre ce lien ténu qui existe entre les amoureux. Et il l’a trouvé, avec fraîcheur. On sort du film ravi d’avoir eu ce petit pincement caractéristique devant les amours contrariées… Pascale Bussières est éclatante dans ce désert, insouciante et lumineuse comme les héroïnes de Saint-Germain-des-Prés; et Alexis Martin est le héros romantique par excellence, l’intellectuel doux qui théorise sa vie, mais qui la met sur la balance pour l’amour d’une belle. Il est gauche et parfaitement séduisant. Le duo fonctionne à merveille, et se renvoie bien la balle: ensemble, ils incarnent l’instant présent dans cet univers où le temps est bousculé.

Au niveau de la forme, point de remous cependant: de longs plans statiques, des travellings tranquilles; et une caméra qui cadre large sur un désert immaculé, ou serré sur des visages silencieux. Ce calme impose une certaine froideur au récit, et quelques scènes s’épuisent sur la longueur. On pourrait avancer que cet esthétisme de retenue porte les stigmates des premières ouvres; mais dans le cas d’Un 32 août sur Terre, cela s’apparente aussi à un exercice de style, sorte d’hommage aux films de la Nouvelle Vague. Un hommage flagrant dans la forme, mais aussi dans le caractère des personnages: Villeneuve remet au goût du jour le côté libre et ludique des héros des premiers Godard. Bussières et Martin, ainsi que les personnages secondaires, qui ne font que traverser l’histoire, vivent dans l’instant, sans savoir de quoi demain sera fait, et sans vraiment penser aux conséquences de leurs gestes. L’esprit est à l’insouciance, à l’urgence de vivre, et les dialogues bien écrits, drôles et toniques, épousent ce ton fantaisiste.

Seule ombre au tableau: alors que le film est tout aérien dans ses jeux de hasards, il se termine sur une fin qui ressemble à un coup du destin, à une revanche qui alourdit l’ensemble. La tragédie s’inscrit mal, et boucle le périple de façon un peu raide. Qu’importe, après avoir fait ses armes dans le court métrage, le vidéo clip et Cosmos, Denis Villeneuve s’affirme comme un vrai metteur en scène. On a très hâte de voir ce que réservent les autres pages de son univers cinéma.y

Dès le 23 octobre
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