Vidéo Femmes, 25 ans plus tard : L'école des femmes
Cinéma

Vidéo Femmes, 25 ans plus tard : L’école des femmes

Vidéo Femmes, le plus ancien centre de production et de distribution d’ouvres réalisées par des femmes dans l’espace francophone, célèbre son 25e anniversaire. Aujourd’hui, l’organisme s’apprête à entrer dans le nouveau millénaire appuyé par une relève solide. MARTINE ASSELIN, CATHERINE GENEST, LISA SFRISO et JOSIANE LAPOINTE sont jeunes et ambitieuses, l’image est leur médium. Profession: vidéaste.

En 1973, les membres fondateurs de Vidéo Femmes commencent à capter les images qui leur serviront à traiter des problèmes sociaux et à donner la parole aux femmes. Jusqu’en 1979, l’organisme se consacrera surtout au documentaire tout en jetant les bases de la création vidéo dans une perspective féministe. Les années 80 verront Vidéo Femmes développer et étendre son réseau de distribution et jeter des ponts vers d’autres pays. La présente décennie aura donné à Vidéo Femmes l’occasion de se restructurer et de profiter du développement des nouvelles technologies. Ainsi, plusieurs des productions de la boîte seront diffusées par des canaux spécialisés dont le nombre est sans cesse croissant. A l’aube d’une ère nouvelle, Vidéo Femmes poursuit sa mission avec de nouveaux objectifs: renouveler le genre documentaire, assurer la formation et le perfectionnement des jeunes réalisatrices tout en encourageant l’expression des diverses formes de vidéographie. Mais, au fait, qu’est-ce que Vidéo Femmes fait exactement pour ces jeunes réalisatrices? Nous avons posé cette question et beaucoup d’autres à quatre d’entre elles.

Martine Asselin
«Au début, j’écrivais et j’illustrais mes histoires avec des dessins. Puis, un jour, j’ai suivi un cours d’introduction à l’audi0-visuel et j’ai compris que c’était ce que j’essayais de faire depuis longtemps», raconte Martine Asselin à propos du déclic qui lui a fait épouser la carrière de vidéaste.

Après avoir terminé son bac en études cinématographiques à l’Université Laval, où elle a donné les premiers tours de manivelle qui ont engendré ses premiers courts métrages; notamment L’Homme virtuel, présenté dans le cadre de l’événement Vitesse lumière et dans un festival de film étudiant à Caen, en France, la jeune cinéaste décide que le temps est venu de se lancer comme il se doit. Passionnée par le multimédia et intéressée par son application, elle choisit avec son copain finissant en archéologie de tourner un film sur les récentes techniques de recherche en archéologie. Un projet colossal qui la lancera avec son collègue sur la piste des principaux sites de fouille archéologique disséminés aux quatre coins du monde.

«Ce qui est intéressant, c’est que pour bien des gens l’archéologie a quelque chose de folklorique, sauf que c’est devenu ultra-moderne. Il y a en Syrie un site où l’on a découvert des tablettes de pierre cuites dans un incendie il y a cinq mille ans. On les décode actuellement en utilisant l’informatique pour retracer un nom et ses occurrences. On peut ainsi reconstituer l’histoire d’un individu.»

Le documentaire, intitulé Archomatique, le passé futuriste, est actuellement en phase de pré-montage chez Vidéo Femmes. «Outre le support logistique, l’équipe de Vidéo Femmes apporte aussi une bonne dose de soutien moral. Quelqu’un a refusé de s’impliquer financièrement dans le projet parce que je ne demandais pas assez d’argent. Après ça, t’as vraiment besoin de quelqu’un pour te dire que le problème, c’est pas ton film.»

Catherine Genest
Catherine Genest fonctionne par instinct. Pas de plan de carrière mijoté secrètement depuis l’enfance, pas de chemin tout tracé vers un but en particulier. Après une majeure en théâtre et une mineure en cinéma à l’Université Laval, elle se dirigeait vers la maîtrise en théâtre. «A la dernière minute, j’ai opté pour le cinéma. Une intuition, peut-être, j’en sais trop rien. Je me sentais moins limitée par la vidéo», explique la jeune femme. Elle a touché un peu à tout dans ce métier: scripte, scénariste, conceptrice, productrice, réalisatrice. Mais la révélation, avec tout son lot d’expectatives et d’angoisses, s’est faite avec A Soleil d’ailes, un court métrage que Catherine Genest a réalisé en 1997. «J’ai été fascinée à chaque jour de tournage. Mais je me suis rendue compte que je manquais d’expérience! Je ne connaissais pas assez le langage vidéographique. Par contre, j’ai compris que c’était véritablement ce que j’avais envie de faire.»

Afin d’explorer et de perfectionner l’art qu’elle a choisi, Catherine Genest s’est associée avec Vidéo Femmes. «Je ne veux pas tomber dans l’éternelle question des gars vs les filles. Mais l’imaginaire des hommes et des femmes est différent. Et c’est celui des hommes qui prédomine en vidéo et en cinéma. Lorsque l’on a des projets et qu’on se retrouve devant un comité de lecture masculin, le courant ne passe pas toujours. Chez Vidéo Femmes, il y a une ouverture à différents genres. On est un paquet de filles qui ne font pas la même chose, autant dans la forme – fiction, documentaire, etc.- que dans le fond.»

Côté support technique, Vidéo Femmes offre des ateliers-laboratoires permettant d’approfondir le langage vidéographique. «On a tourné quatre projets, en plus des cours que l’on a reçus. En plus des habiletés techniques que l’on développe, on tisse des liens qui peuvent s’avérer utiles pour d’autres projets. Et comme toutes les maisons de production, Vidéo Femmes nous aide pour les demandes de subventions», poursuit Catherine Genest en lâchant un soupir qui en dit long sur le «plaisir» procuré par lesdites demandes…

Elle écrit, elle joue, elle réalise. Qu’est-ce qui allume Catherine Genest? «Le contenu est très important pour moi. Et comme je fonctionne beaucoup avec mon côté irrationnel, j’ai envie de traiter des sujets qui me donnent la possibilité de l’exploiter.»

Lisa Sfriso
Quand on demande à Lisa Sfriso si elle se sent privilégiée de participer au renouveau de Vidéo Femmes, la réponse ne se fait pas attendre: «On fait partie de la relève, mais l’équipe de Vidéo Femmes nous fait totalement confiance; c’est super stimulant. Ce qu’il y a de bien, poursuit-elle, c’est qu’on continue d’y produire des vidéos à caractère social, mais qu’on permet aux mêmes réalisatrices d’aller vers d’autres sphères comme l’art, l’expérimentation et la fiction. Alors, on a le choix de se lancer dans des projets qui nous tiennent à cour tout en sachant que l’on sera supportée. On n’a pas l’impression d’être des réalisatrices pigistes, on a le sentiment que c’est aussi notre boîte.»

Lisa Sfriso a eu la piqûre au cégep lorsqu’elle fut appelée à y réaliser son premier vidéo. «J’ai vraiment réalisé comment on pouvait raconter une histoire avec des images en mouvement et du son; ça a été comme une révélation. Au fil de mon apprentissage, j’ai eu la confirmation que c’était ce que je voulais faire dans la vie.» La vidéaste travaille toujours, mais souvent en dilettante, à son premier projet de film actuellement en montage. C’est d’ailleurs grâce à celui-ci qu’elle finit par joindre les rangs de Vidéo Femmes en participant à des laboratoires sur une période de six mois. En parallèle, des expériences enrichissantes sur des plateaux de tournage comme assistante à la réalisation, notamment sur le tournage de Nô et de The Ghost of Dickens’ Past.

«J’ai pensé qu’il était préférable de comprendre la logistique sur un gros plateau de tournage, de voir comment les éléments s’imbriquent les uns dans les autres. C’est important si l’on veut soi-même devenir chef d’orchestre. En attendant, la réalisatrice prépare un documentaire sur l’accessibilité au théâtre de concert avec la troupe Les Moutons noirs.

Josiane Lapointe
Imaginez un petit bout de femme qui n’a pas encore dix ans en train de réaliser un montage sonore d’histoires qu’elle a écrites. Sur un petit magnéto du genre Fisher Price, effets spéciaux compris… Pas surprenant de retrouver Josiane Lapointe derrière une caméra à l’âge adulte! «J’aime raconter des histoires, explique-t-elle. Et je trouve que le cinéma est ce qui ressemble le plus à la vie. C’est complet comme art.»

Après ses études collégiales, elle plie bagage et se rend à Montréal pour y faire des études en scénarisation à l’UQAM. Un an plus tard, retour à Québec. «Je n’avais pas l’impression que c’était à l’école que ça se passait. Je me suis mise à faire de la radio et j’ai rencontré des gens qui faisaient de la vidéo. J’ai fait des stages sur les plateaux et c’est comme ça que j’ai apprivoisé la technique. C’est certain que j’ai assimilé certaines choses à l’université, mais je pense que c’est un métier qui s’apprend "sur le tas". Il faut que tu te casses la gueule pour apprendre de tes erreurs!», poursuit Josiane Lapointe en admettant que ça lui est arrivé quelques fois… Cela ne l’a pas empêchée de réaliser deux fictions, deux vidéoclips pour des groupes de Québec, en plus de quelques vidéos corporatifs et de deux documentaires. Pas mal pour quelqu’un qui n’a pas encore atteint la trentaine…

Tout l’inspire. «C’est pas les sujets qui manquent. J’ai une douzaine de scénarios dans mes tiroirs. Je regarde la télé, je lis les journaux, je discute avec quelqu’un, et ça me donne des idées», poursuit-elle. Arrivée chez Vidéo Femmes en 1997, Josiane Lapointe apprécie le caractère collectif de la boîte. «Ça amène une sorte de structure, avec des échéances à respecter. C’est à la fois un support moral et technique.» Et, lorsqu’on lui parle de la perception féministe qui peut être rattachée à tout ça, Josiane Lapointe avoue qu’elle ne se considère pas comme telle. «Je pense que tout le monde doit prendre sa place en tant qu’être humain, peu importe le sexe. La question de génération est peut-être plus pertinente de nos jours.» N’empêche que sa dernière production, Entrez, c’est ouvert, propose sous la forme du collage et de la mosaïque quelques réponses à la question: qu’est-ce qu’une femme en 1998? «Je ne suis quand même pas antiféministe!», conclut-elle.

Entrez, c’est ouvert
29 octobre
Arrêt sur Image
6, 7 et 8 novembre
Au Musée de la civilisation