Apt Pupil : Camp vacant
Il y avait sans doute un film captivant à tirer de la nouvelle de Stephen King dont Bryan Singer, le metteur en scène de The Usual Suspects, s’est inspiré pour réaliser Apt Pupil, un thriller psychologique racontant la relation complexe qui se noue entre un adolescent américain (Brad Renfro) fasciné par le IIIe Reich et un vieux tortionnaire nazi (Ian McKellen) qu’il démasque et menace de dénoncer s’il ne lui raconte pas ses «exploits».
Pour réussir cette étrange variation sur le thème de Schéhérazade (ici, c’est le tortionnaire qui doit raconter des histoires s’il veut rester en vie…), il fallait toutefois nous faire comprendre – ou à tout le moins partager – la fascination du jeune homme pour ce vieillard inquiétant et pour les horribles «histoires» qu’il raconte. Malheureusement, Bryan Singer a décidé (et c’est l’erreur fondamentale de son film) de tenir tout simplement cette fascination pour acquise, et de se concentrer plutôt sur la mécanique (modérément efficace, mais sans aucune originalité) de ce qui devient un film de genre prévisible: un thriller à mi-chemin entre le drame psychologique et le film d’horreur, qui abandonne vite ses préoccupations originales (la séduction de l’horreur, la banalité du mal, la nature du fascisme…), pour mieux se concentrer sur le fonctionnement d’une machine à suspense pleine d’invraisemblances et de poncifs.
Ainsi débarrassé de ses ambitions thématiques, Apt Pupil se réduit rapidement à une espèce de copie inférieure de Misery: un huis clos à deux personnages, porté par de très bons acteurs et trois ou quatre scènes-chocs, mais miné par un scénario qui devient de plus en plus grotesque à chaque revirement. Bref, un film qui tourne vite le dos à tout ce qu’il pouvait avoir d’original pour s’enfoncer de plus en plus dans ce qu’il peut avoir de convenu.
On quitte donc Apt Pupil avec l’impression d’une ouvre quelconque qui écrase un sujet potentiellement explosif sous les rouages usés d’un film bourré de conventions. Un thriller banal sur la banalité du mal, dans lequel l’Holocauste n’est que l’arrière-plan décoratif d’un énième «film de peur» à la Stephen King.