Un 32 août sur Terre : Les ailes du désert
Cinéma

Un 32 août sur Terre : Les ailes du désert

Récipiendaire du grand prix du Festival de Namur, figurant au programme de la sélection Un certain regard à Cannes, présenté au Festival de Toronto ainsi qu’au Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias de Montréal, Un 32 août sur Terre marque les premiers pas de DENIS VILLENEUVE dans l’univers du long métrage.

Il fait nuit, la route défile devant ses yeux. Elle lutte pour demeurer éveillée, en vain… Quelques heures plus tard, Simone (Pascale Bussières) reprend conscience, indemne, mais prisonnière de sa voiture renversée lors de l’accident. A grands coups de pieds, elle brise une vitre et arrive à s’échapper. Toujours sous le choc, elle accepte l’aide d’un bon samaritain qui la conduit jusqu’à une clinique. Entre une patronne inhumaine et une mère impossible à joindre, on la sent seule au monde. Puis, c’est le déclic. Elle largue son emploi et téléphone à son meilleur ami (Alexis Martin) dans l’espoir qu’il accepte de tenir une promesse qu’ils s’étaient faite jadis, celle de concevoir ensemble un enfant si, à l’âge de 30 ans, ni l’un ni l’autre n’avait trouvé l’âme sour. Philippe a, certes, une copine, mais la femme de sa vie, c’est Simone. Un amour non partagé qui lui a valu trois ans de dépression. Son désir de faire l’amour avec celle qu’il aime et la peur de souffrir une fois de plus le martyr le déchirent. C’est pour gagner du temps et, surtout, à la blague qu’il exige que l’enfant soit conçu dans le désert. Qu’à cela ne tienne, Simone est bien décidée. Ils s’embarquent donc pour une expédition hors du commun vers Salt Lake City…

Le raisonnement de Simone est un peu simpliste: si je n’ai pas d’enfant, je peux mourir n’importe quand. Et si son désir d’avoir un enfant était plutôt un prétexte à cette introspection, à cette traversée du désert qui la sépare d’elle-même et de Philippe? On sent bien, derrière cette histoire un peu farfelue, un questionnement, une prise de conscience quant à la fragilité de la vie. On sent aussi que Denis Villeneuve expérimente, qu’il explore différentes avenues. Il crée de belles images qui ressemblent à des tableaux, imagine des métaphores, joue avec le focus, les ombres et, surtout, avec les contrastes: la ville vs la nature, le silence vs le bruit, le mouvement vs l’immobilité, les plans d’ensemble vs les gros plans, etc.

Pascale Bussières incarne une Simone fonceuse et directe, prête à tout pour parvenir à ses fins, obnubilée par sa personne et ses désirs, mais quand même très attachante. Quant au personnage d’Alexis Martin, il semble légèrement surjoué. Ses mimiques, d’abord amusantes, peuvent devenir lassantes. Il n’en demeure pas moins fort sympathique.

Bien entendu, la trame narrative est simple et l’action assez limitée. L’intérêt du film ne réside pas tant dans les dialogues que dans les non-dits, les émotions, ce qu’on nous laisse deviner ainsi que dans son caractère inusité. Les répliques sont directes; tantôt elles surprennent agréablement, tantôt on a l’impression qu’il manque quelque chose, que le ton est trop léger. Quelques scènes s’imposent abruptement. L’histoire, fantaisiste, donne lieu à des situations cocasses, mais s’égare parfois dans l’invraisemblance. Néanmoins, si on considère qu’il s’agit d’un voyage hors du temps et de la réalité, délimité très clairement par deux événements dramatiques, tout devient possible. L’aspect excentrique de toute l’affaire ainsi que les caractères assez particuliers des protagonistes rendent l’humour très présent.