American History X : Bête de race
American History X, de Tony Kaye (un vétéran anglais de la pub et du clip, âgé de 47 ans, qui signe ici son premier long métrage), nous arrive entouré d’une controverse qui dépasse largement le cadre de son sujet explosif. En effet, ce drame-choc sur la haine raciale et le néonazisme n’est pas seulement une ouvre ambitieuse et potentiellement importante; elle est en plus au cour d’une longue et féroce bataille ayant opposé son réalisateur (dépeint partout comme un mégalomane égocentrique) à un studio important (New Line). Une bataille qui a eu pour conséquence de pousser Tony Kaye à renier publiquement son film (dans lequel il a lui-même investi un million de dollars!) après qu’on lui eut refusé le temps qu’il jugeait nécessaire à la finition de son ouvre, et qui a incité New Line à distribuer une version remontée, malgré la désapprobation de l’auteur.
On comprendra qu’il soit donc impossible de se faire une idée précise du talent de Tony Kaye à la vue de cette version bâtarde, montée en comité. Il est clair, en revanche, que ce film au destin maudit représente néanmoins une tentative sérieuse, et parfois même impressionnante, d’explorer un sujet extrêmement complexe de manière honnête et intelligente.
De fait, l’histoire de ce néonazi (Edward Norton), qui tente – après avoir purgé trois années de prison pour le meurtre de deux Noirs – d’empêcher son jeune frère (Edward Furlong) de suivre ses traces, pose par moments un regard étonnamment complexe, nuancé et intelligent sur les causes du racisme, la propagation de la haine et la transmission de la violence. En route, le film, construit de façon prévisible, mais efficace autour d’une succession de flash-back, nous montre les parents qui ont engendré ces monstres (Beverly D’Angelo et William Russ), mais aussi l’instituteur qui tente de les sauver (Avery Brooks); le führer de banlieue qui les manipule (Stacy Keach, étonnant), et le détenu qui leur indiquera la voie de la rédemption (Guy Torry).
Ce parcours sans grandes surprises parvient toutefois à nous captiver grâce à la mise en scène survoltée de Tony Kaye (qui a également assuré la direction photo du film); une mise en scène brutale, intense et réaliste, qui fait totalement corps avec ses protagonistes (en particulier Edward Norton, stupéfiant), et qui témoigne d’une poésie et d’un sens de l’image parfois étonnants. Malheureusement, le film de Kaye reste prisonnier des rouages d’un scénario (signé David McKenna) qui finit par évoquer les sermons filmiques d’une autre époque (celle de Stanley Kramer et de ses films «bien intentionnés»). On reste donc sur l’impression d’une ébauche prometteuse, mais inachevée, à la fois moderne et engluée dans les conventions, qui oscille constamment entre les meilleurs films de Spike Lee et les pires prêches d’Oliver Stone. Résultat: un fourre-tout hétéroclite, inégal, décousu, mais occasionnellement brillant, qui tient à la fois de la leçon de morale, de la poésie, du film à thèse et du cocktail Molotov. Bref, un drôle de film qui vaut clairement moins que la somme de ses parties, mais dont les fragments suggèrent un auteur au tempérament original et explosif.
Dès le 6 novembre