

Les Week-ends de l’ONF : Forts en thèmes
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			Si vous n’allez pas à l’ONF, l’ONF ira à vous. Ce n’est pas parole d’évangile, mais démarche d’ouverture. L’année dernière, l’Office National du Film a lancé Les Week-ends de l’ONF, sorte de minifestival qui présentait les ouvres documentaires et d’animation du programme français de l’année. Et l’événement fut un succès, avec, en moyenne, 70 personnes par projection. C’est peu, mais ce n’est pas ridicule quand on parle de documentaire à l’heure actuelle. Doris Girard, directrice générale du programme français, et instigatrice de l’événement, réitère donc avec trois week-ends, sous-titrés Silence… On jase!, puisque chaque projection sera suivie d’une discussion en présence du cinéaste. Une expérience que les réalisateurs adorent, selon la direction de l’ONF.
Les Week-ends… proposent 31 films de l’année courante, films qu’il est difficile de regrouper sous quelque thème que ce soit. «Nous n’avons pas de thèmes communs, explique Jacques Ménard, chef du secteur documentaire de l’ONF. On remarque cependant qu’il y a deux ou trois ans, la tendance était au portrait culturel, comme les nombreux portraits d’artistes; et que maintenant nous penchons davantage vers l’enquête sociale.» A preuve, le film inédit de Stéphane Drolet, Oumar 9-1-1, qui fait l’ouverture de l’événement. Drolet, qui filmait en 16 mm, choisit ici la vidéo pour regarder Oumar, Canadien d’origine africaine, bavarder de polygamie, de féminisme, de politique, de religion et de solidarité. En primeur aussi, les films Croire, de Lina B. Moreco, un essai sur l’existence de Dieu; Kanata, l’héritage des enfants d’Aataentsic, de René Siouï Labelle, sur la survivance de la nation des Wendat (Hurons); et Cigarette, de Monique Leblanc, sorte de road movie qui appelle à la tolérance, et qui démontre que la société perd la tête pour le culte de la santé.
«Nous sommes un organisme public, et notre vision est toujours orientée vers les grands débats de société et leur pertinence», ajoute Jacques Ménard. On retrouve donc dans le choix de la programmation des sujets qui font l’éventail de notre réalité socioculturelle: Les Enfants de Refus global, le superbe et émouvant film de Manon Barbeau sur les enfants des signataires du manifeste incendiaire, un film primordial sur les conséquences de l’égoïsme artistique. Père pour la vie, de Jean-Thomas Bédard, actualise l’apprentissage de l’engagement paternel; Petites histoires à se mettre en bouche, d’Helen Doyle, fait le tour des mille et un plaisirs sensuels pour une «symphonie de gueule», comme le disait Colette; Rupture, de Najwa Tlili, met en évidence la détermination et la lutte des femmes arabes dans le Montréal d’aujourd’hui, avec deux témoignages portant sur le débat crucial de la femme arabe prise entre intégrisme et ouverture à la vie moderne.
Dans Chroniques de Nitinaht, de Maurice Bulbulian, une communauté amérindienne de Colombie-Britannique témoigne de violence sexuelle pour tenter de trouver les remèdes. On verra aussi, de Louis Fraser, Raymond Lévesque – d’amour et d’amertume, où l’homme qui a écrit la chanson québécoise la plus connue au monde partage sa vision critique de la société. Par curiosité, allez voir aussi Les Dames du 9e, de Catherine Martin, où, dans le paquebot du restaurant de chez Eaton, on découvre un monde féminin de courtoisie d’un autre temps. Dans L’Éclipse du sacré, de Nicola Zavaglia, on plonge, avec de magnifiques images, dans la crise de la religion catholique, où prêtres et sours grises sont déroutés face à l’abandon de l’Église par leurs ouailles. Un reportage intelligent et actuel.
  Pourquoi les riches deviennent-ils plus riches, et les pauvres,  plus pauvres? Ne ratez surtout pas Turbulences, de Carole  Poliquin, sur les mécanismes économiques mondiaux qui tuent des  ouvrières thaïlandaises et engraissent des boursicoteurs. Ne  pas oublier, bien sûr, les films d’animation qui sortent du  secteur Animation jeunesse de l’ONF et qui viennent confirmer  la réputation de l’organisme; entre autres: Mon enfant, ma  terre, de Francine Desbiens.
  Le documentaire se porte donc bien à Montréal, et Jacques  Ménard parle de jalousie internationale puisqu’ici, on n’a pas  encore besoin d’argent télévisuel en amont pour en produire un.  Mais tout ne baigne pas dans l’huile: «Notre défi est à la fois  de se soucier de l’ouvre dans son fond et dans sa forme, mais  aussi d’intéresser un télédiffuseur.» La télé étant le canal  par excellence, la tâche est ardue. Si le documentaire-enquête  peut parfois s’apparenter au reportage télévisuel, et trouver  refuge dans une niche de programmation télé, le documentaire de  création pose un problème de créneau. Il semblerait que les  confrères du National Film Board aient plus de chance avec des  chaînes diffusant aux heures de grande écoute. Ces Week-ends de  l’ONF constituent donc une vitrine mobile intelligente. Pour un  public presque exclusivement télévisuel, c’est l’occasion d’une  réflexion approfondie, à portée de métro…  
Du 6 au 22 novembre
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