Marie Trintignant-…Comme elle respire : Jeux de maux
Cinéma

Marie Trintignant-…Comme elle respire : Jeux de maux

De Série noire (son premier grand rôle, en 1978) à …Comme elle respire (son tout nouveau film), Marie Trintignant a doucement imposé une présence et un style qui – avec ses yeux mi-clos, sa voix langoureuse et sa fantaisie – en ont fait bien plus que «la fille de Jean-Louis et de Nadine». Un mélange fascinant de mystère, d’aplomb, d’excentricité et de charme, qui a servi plusieurs personnages troublés et troublants, de Betty au Cri de la soie. C’est donc avec étonnement et plaisir qu’on la découvre – à peine descendue d’avion – volontaire et rigolote, tonique et pas compliquée du tout. Bref, à cent lieues des torturées en tous genres qu’elle admet affectionner particulièrement. «C’est vrai qu’à l’écran, j’ai une certaine gravité, un truc mystérieux. Mais c’est étonnant parce que j’suis vraiment pas une mystérieuse, moi! dit-elle en riant. En revanche, c’est vrai que je suis fascinée par les maladies psychiques. Quand j’ai des personnages trop ternes, souvent – je le garde pour moi – je leur mets même une petite maladie (rires)!»

Elle n’a pas eu à en inventer pour incarner l’héroïne de …Comme elle respire, son troisième film avec Pierre Salvadori (après Cible émouvante et Les Apprentis). Une comédie romantique aigre-douce qui raconte la drôle d’histoire d’amour de Jeanne (Marie Trintignant), une mythomane qui prétend être la fille d’un milliardaire, et d’Antoine (Guillaume Depardieu), un escroc qui prépare son enlèvement, tout en prétendant être son sauveur! Une histoire d’amour que Salvadori a écrite sur mesure pour l’actrice. «Les scénarios sont la plupart du temps écrits pour les hommes, et nous, on est souvent des pots de fleurs. Là, Pierre m’a donné un rôle encore meilleur que celui du mec: une espèce d’ange menteur qui ment pour donner du bonheur aux gens qu’elle rencontre. Un rôle superbe, magnifiquement écrit…»

De fait, …Comme elle respire est une comédie où l’actrice, irrésistible, brille comme dans un écrin; un film où on la retrouve avec toute sa fantaisie, son trouble et son charme, mais où on lui découvre aussi une énergie et une gouaille qu’on ne lui connaissait pas. Le tout, au fil d’une comédie à la fois burlesque et sentimentale, généralement jouissive, mais parfois inégale, qui – après une première moitié superbement ficelée et enlevante – essaie (sans vraiment y parvenir) de nous entraîner vers quelque chose de plus émouvant. Dérapage contrôlé ou accident de parcours?

«On s’en est un peu rendu compte au tournage, explique l’actrice. C’est drôle, parce que la mythomanie a l’air d’une maladie comique mais, dans le fond, c’est plutôt tragique. Et en filmant, Pierre a réalisé que la vie de cette fille était beaucoup plus dramatique qu’il ne le pensait. Alors, après, on se pose des questions: "Est-ce que j’aurais dû être moins sincère, et jouer avec plus de recul?" Mais je ne crois pas. Parce qu’on doit toujours jouer sincèrement.»

Cette sincérité n’est cependant pas tout le temps facile à vivre pour une jeune actrice. «C’est vrai que pendant dix ans, je pensais que je devais me faire mal pour mériter de faire ce métier. J’ai commencé à 15 ans, et à cet âge-là, on est quand même dans un drame permanent; on trouve le bonheur un peu vulgaire. Il y a donc déjà une fascination de la douleur. Or, ce métier ne fait qu’augmenter ça, puisqu’on joue avec soi. Et c’est vrai que Chabrol m’a enlevé ça, avec Une affaire de femmes. D’un coup, je me suis dit: "C’est un jeu, et j’ai le droit de m’amuser!"»

Depuis, l’actrice jongle avec son métier en maintenant l’équilibre entre les films d’auteurs établis (Deville, Doillon et Corneau – qui est, incidemment, son beau-père), et ceux des cinéastes de la relève (Bonvoisin, Marciano, Le Pêcheur). Entre les tournages, elle a élevé quatre enfants, écrit et mis en scène une pièce de théâtre (Y a pas que les chiens qui s’aiment), et a beaucoup rêvé à la réalisation d’un long-métrage («Quelque chose sur les enfants, comme Le Grand Cahier, d’Agota Kristof.»). Pour l’heure, toutefois, elle s’apprête à retourner devant les caméras le temps d’être l’héroïne d’un premier long métrage (Le héros est une femme, de Samuel Benchétrit), et se prépare à monter sur les planches pour réaliser un vieux rêve: travailler avec son père sur une lecture de certains poèmes d’Apollinaire. «C’est bête: on fait le même métier, mais on n’a pas tourné ensemble. Enfin, oui, quand j’étais petite [dans Défense de savoir]. Mais là, c’est vrai qu’on ne sait pas ce que ça va donner. Et puis, comme on a des voix très douces et langoureuses, on risque de tous les faire roupiller au bout de dix minutes (rires)! Enfin, on essaiera de pas trop faire chier les gens…»

Dès le 6 novembre
Voir calendrier