Elizabeth : Pouvoir intime
Dernier film historique à ce jour, Elizabeth est signé par l’Indien Shekhar Kapur, réalisateur de Bandit Queen, l’histoire violente d’une reine d’un autre genre. En Angleterre, en 1554, s’achève le règne de Marie Tudor (excellente Kathy Burke), fervente catholique surnommée «The Bloody Mary». Sa demi-sour, Élizabeth (Cate Blanchett), fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, est protestante et rejetée, mais elle devient reine, et impose les deux religions à l’État. Au milieu des intrigues, Élizabeth va devenir une icône vivante, celle de la «Reine Vierge», et va régner avec force pendant 40 ans.
L’histoire de cette souveraine est en soi un roman. A une époque où la femme a à peine le droit de parole, Élizabeth incarne une puissance féministe impressionnante de longévité. Pas étonnant que le cinéma lui rende hommage de temps en temps. Bette Davis s’est même appliquée à cette tâche en jouant deux fois le rôle, dans The Private Lives of Elizabeth and Essex, en 1939, puis dans The Virgin Queen, en 1955. Exit le crane mi-rasé de Davis et sa froideur légendaire, voici une jeune reine aux joues roses et aux longs cheveux blond vénitien.
Cate Blanchett, l’Australienne d’Oscar et Lucinda, incarne une reine palpitante. Elle impose une présence crédible, aussi bien dans la candeur et les fous rires d’une princesse insouciante que dans la fermeté et le rejet du bonheur d’une reine qui se place entre Dieu et les hommes. Autour d’elle, le réalisateur a pigé dans une large palette: Vincent Cassel, en duc D’Anjou, est folle à souhait; Fanny Ardant, en Marie de Guise, est guerrière et grivoise; John Gieguld incarne un pape hiératique; Geoffrey Rush, excellent en maître espion, respire la conspiration; Christopher Eccleston compose un resplendissant méchant de service; Joseph Fiennes est un amant assez mièvre; et Richard Attenborough, un brave conseiller inquiet. Ce tableau bigarré va tout de même un peu loin quand arrive Éric Cantona (vedette de foot français) en pourpoint et haut-de-chausses, lourdaud émissaire de France!
Aussi intéressants soient-ils, ces visages disparates ont souvent du mal à rendre homogène la vinaigrette d’une histoire qui a plus à faire avec le thriller qu’avec une reconstitution historique en règle. On voit même une reine répéter son discours, avec une rapidité de femme d’affaires, et un stress tout contemporain! Une caméra virevoltante suit les protagonistes de ce suspense du XVIe siècle. Larges plans en plongée, caméra cachée derrière des colonnes, des voiles, des persiennes, ralentis calculés, série de fondus au blanc et lents travellings: l’écriture visuelle a du ressort et ne manque pas de souffle. Elle laisse en tout cas pleine place aux superbes décors et aux incroyables costumes, d’une rare beauté.
On pense inévitablement à La Reine Margot. Mais là où Chéreau faisait s’immiscer la pourriture sous le vernis, Kapur développe uniquement le faste pour tirer les ficelles de son histoire. On reste sur le glacis. Il y manque des surprises, des zones d’ombre, une touche de grandeur. Malgré cela, on reste accroché plus de deux heures à défaire le noud gordien d’une intrigue politico-romanesque, sans s’ennuyer. Ça frise l’exploit.
Dès le 13 novembre