Étonnant, ce besoin d’Hollywood de toujours vouloir se réaliser… Voici donc un autre film sur l’urgence de se trouver, sur la nécessité d’être pour exister, sur la mise en lumière de son moi, et patati et patata. Ces remous existentiels semblent énormes, et ils le sont. D’autant plus qu’il n’a pas grand poids, ce premier film de Richard LaGravenese, scénariste ayant bien démarré avec une idée fine et originale (The Fisher King), puis qui s’est attaqué, avec aisance et conformisme, à des adaptations de briques littéraires: Bridges Over Madison County, The Horse Whisperer et Beloved.
On prend donc une jolie femme de 40 ans (Holly Hunter) qui végète dans l’Upper East Side depuis que son cardiologue de mari a décidé de courir vers une jeunette. On lui fait rencontrer le portier de son immeuble, divorcé et porté sur le jeu (Danny de Vito); on assaisonne avec du blues classique chanté par Queen Latifah; et on mélange. Cela donne un cocktail de solitudes, comme on en voit tant dans nos grandes villes sans cour… Bon.
Voici un autre mélo romantique sans grande envergure, où des petites histoires de vie s’entrecroisent, et se veulent le reflet d’une société en perpétuelle quête d’amour. Ces gens qui remontent la pente sont d’une lucidité! Que c’est beau, un homme qui réalise enfin son rêve; qu’elle est belle celle qui marche d’un pas décidé sur une avenue sombre et new-yorkaise, la tête relevée et l’audace brillant à nouveau dans ses yeux! On peut dévider ainsi un chapelet de sarcasmes, qu’on appellerait peut-être points forts dans une réalisation plus originale. La première scène est pourtant une énergique scène de ménage, rondement menée, qui ouvre la porte à plusieurs avenues: aventure comique, cynique ou très triste? On ne sait pas. Mais dès que la dame se retrouve abandonnée dans son palace, et que Queen Latifah meugle son blues collant, on sait: Hunter va s’en sortir et elle passera par la redécouverte de sa sensualité féminine….
Holly Hunter est évidemment crédible en femme qui se débarrasse de son vernis. Elle enfile avec élégance de beaux vêtements et quelques plaisirs honteux – alcool, cigarette, drogue et sexe payant. Mais tout le monde n’a d’yeux que pour Danny de Vito. Il est bon. Mais il l’a toujours été! Il lâche simplement son rôle de salaud ou de petit comique grimaçant pour forcer sur l’homme au grand cour. Il cadre avec son personnage sensible et émouvant. Un peu comme Bob Hoskins qui sort de Roger Rabbit pour s’éclater dans TwentyFourSeven.
Il reste que le film se dévide sans heurts et sans surprises. Et c’est là le plus ennuyeux. On n’accroche pas à ces rencontres miraculeuses et naïves de ceux qui vont se soutenir pour s’en sortir. On s’ennuie à la répétition des hallucinations de Hunter qui imagine une scène, puis qui la reprend sur un mode réel plus ordinaire. On se lasse de ses personnages qui n’en finissent plus de se décortiquer, de s’interroger et de discourir à nous étourdir, sur un mode de conversation qui ressemble à une succession de slogans sur l’amour, le mariage et l’amitié. Et enfin, on sort agacé les clichés et les raccourcis enfilés à la hâte parce qu’il faut à tout prix que quelque chose se passe en deux heures de film.