Courts et moyens métrages : Haut et court
Cinéma

Courts et moyens métrages : Haut et court

Hasard ou coïncidence? A la Cinémathèque, au Parallèle ou au Parisien, on peut voir, cette semaine, plusieurs courts et moyens métrages. L’occasion de réaffirmer qu’il y a une vie – et des cinéastes de talent – en dehors du sacro-saint long métrage de fiction.

Quand avez-vous vu un court métrage, pour la dernière fois? Hors des festivals, de la Cinémathèque et du Parallèle, point de salut. Parent pauvre du cinéma, qui ne vit que pour le sacro-saint long métrage de fiction, le court métrage est perçu comme un passage obligé, le terrain de jeu et d’apprentissage où s’ébrouent les cinéastes en herbe, avant de passer aux choses sérieuses. Pourtant, le défunt Festival du court métrage mettait bien en lumière le continent du court, versant dynamique, varié, inventif et satisfaisant de la planète cinéma. Regretté Festival qui jumelait autant les jeunes talents que les hommages aux réalisateurs confirmés, en présentant les ouvres de jeunesse de Truffaut, Kieslowski, Lauzon, etc.

Par le plus pur des hasards, on peut voir, ces temps-ci, au moins huit courts métrages dans les salles montréalaises. De la comédie cinéphilique à l’exercice de style, en passant par la poésie et le suspense, plusieurs genres sont représentés, et témoignent de la vitalité de ce format sous-diffusé. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas une seule émission consacrée aux courts métrages? Là aussi, comme pour la vidéo (et, de façon générale, tout ce qui n’est pas long métrage de fiction), la télévision ne fait pas sa part, reléguant les courts au rôle de bouche-trous de dernière minute, et encore… Une heure hebdomadaire de courts métrages d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, intéresserait au moins autant de gens que La Course autour du monde.

Voici donc un survol de quelques courts métrages qu’on peut voir, un peu partout, cette semaine. Si vous allez voir Paparazzi, avec Vincent Lindon et Patrick Timsit, vous aurez l’agréable surprise de découvrir Pendant ce temps…, de Ghyslaine Côté: treize savoureuses minutes, avec une première moitié virtuose qui fait un clin d’oil au début de Touch of Evil, alors qu’un long plan-séquence présente une dizaine de personnages – un type bien en chair, à la diète; un couple d’ados se disputant; une femme anxieuse de présenter son nouveau chum à sa petite fille; un p’tit vieux qui drague une p’tite vieille, etc. – prenant leur petit-déjeuner dans un resto de quartier, inconscients qu’une bombe vient d’être placée sous l’une des tables. Et la suite, plus haletante, jusqu’au dénouement final. Jeu naturel des comédiens, scénario bien ficelé, chute dans le ton: Pendant ce temps… est un petit film drôlement efficace.

Dans un registre beaucoup plus poétique, Bohème, de Bernar Hébert (Le Petit Musée de Vélasquez), où «une succession de tableaux fantaisistes» retrace la vie de Dvorak. Également présentée: Out of Mind, de Raymond Saint-Jean (Cabaret Neiges noires), une fiction qui illustre l’univers fantasmatique de Lovecraft (Christopher Heyerdahl, excellent), célèbre auteur de récits fantastiques du début du siècle, en suivant un jeune homme qui reçoit un vieux grimoire en héritage. Si la mise en images soignée et la succession des mises en abyme (le rêve dans le rêve dans le rêve) rendent bien l’irréalité et la précision du style de Lovecraft, il y manque une ambiance forte qui emporterait l’adhésion totale. A la Cinémathèque québécoise, du 19 au 22 novembre (le 19 en présence des cinéastes).

Toujours autour d’un écrivain, L’Insoumise, de Jeannine Gagné (Aube urbaine), se veut un essai cinématographique, qui visite l’ouvre de Marie-Claire Blais de façon chronologique. De La Belle Bête à Soifs, la cinéaste illustre sobrement les propos de l’auteure (superbe plan-séquence du visage de Nathalie Mallette), intercalant des entrevues avec celle-ci. Défilent les exclus, les marginaux, les errants de ce monde pour qui l’auteure d’Une saison dans la vie d’Emmanuel a gardé une sincère compassion, et qui en parle encore avec l’émerveillement et la révolte de l’adolescence. En première partie, La Cage d’os, de Stéphanie Hénault, inspiré d’un très beau poème de Saint-Denys Garneau, aborde, lui aussi, l’absolu de cet âge de tous les possibles. Le cinquième court métrage de la cinéaste montre de façon intime, subtile et pénétrante la tentation du suicide chez une jeune fille de 14 ans.

Depuis près de quinze ans, Catherine Martin suit son chemin, sans faire d’éclats, mais avec la persévérance de celles qui ont une voix à faire entendre. Avec Les Dames du 9e, elle rajoute un chapitre, après Nuits d’Afrique et Les Fins de semaine, à une ouvre discrète et affirmée. Jouant brillamment dans les plate bandes glissantes du docudrame, la réalisatrice nous fait découvrir un monde parallèle par l’entremise de celles qui y travaillent, et qui le fréquentent. Le 9e, ce paquebot en cale sèche au centre-ville depuis 1931, au neuvième étage d’Eaton, est un havre de paix – autant qu’une invitation au voyage – pour des générations de femmes qui s’y sont retrouvées.

Ponctuant son film avec économie de courtes scènes de fiction sans dialogues, et d’une narration parcimonieuse, Catherine Martin ouvre son film sur la fiction, sans que celle-ci pâlisse (comme c’est souvent le cas) devant les témoignages sobres, souriants ou pudiquement graves de ces femmes qui se livrent du bout des lèvres. Un beau film sur la mémoire, la filiation, et la solidarité.
Présenté à la suite des Dames du 9e, Succédané (prise 1), de Nicolas Frichot, est un film de dix minutes, habile et rigolo, sur un comédien qui veut convaincre un producteur de faire un film. En un seul plan, sur un bateau filant sur la Seine, Frichot joue avec le cinéma et installe un climat ludique assez réjouissant. Ces quatre derniers films sont projetés au Parallèle, du 20 au 26 novembre.

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